Par Shannon Palus
Les nouvelles technologies informatiques offrent aux producteurs agricoles des renseignements détaillés qui les aident à prendre des décisions concernant le choix des semences et l’endroit où semer afin d’optimiser leurs récoltes.
Viacheslav (Slava) Adamchuk se décrit comme un passionné des technologies informatiques. Ce chercheur en génie des bioressources à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement de l’Université McGill consacre une grande partie de son temps à concevoir divers appareils pour recueillir et interpréter une multitude de données. Cependant, au lieu de mettre au point la dernière application personnelle infométrique pour calculer le nombre de pas qu’une personne fait chaque jour ou pour effectuer le suivi de sa consommation de caféine, le professeur Adamchuk se passionne pour la création d’outils destinés à aider les agriculteurs à recueillir des renseignements indispensables sur leurs sols et leurs cultures.
Le Canada est le cinquième pays exportateur de produits agricoles au monde, et l’agriculture et l’industrie agroalimentaire emploient un Canadien sur huit. Ce secteur important dépend du sol : s’il est insuffisamment irrigué, les cultures seront assoiffées; s’il manque de nutriments, les cultures seront faméliques. Les conditions du sol ne sont pas seulement essentielles, elles peuvent également varier à l’intérieur d’un même champ. L’un des appareils de Viacheslav Adamchuk est un capteur d’humidité du sol en temps réel fixé à une semeuse. Au fur et à mesure que le tracteur tire la semeuse à travers un champ, le capteur calcule les variations des niveaux d’humidité du sol. La semeuse utilise cette information pour ajuster simultanément la profondeur à laquelle semer chaque graine afin d’optimiser les rendements des cultures. Des appareils similaires au capteur d’humidité sont utilisés tout au long de la saison de croissance pour aider les agriculteurs à décider des endroits à irriguer, décision particulièrement importante dans les conditions de sécheresse où chaque goutte d’eau est précieuse.
Toutefois, le succès d’une culture ne dépend pas uniquement de l’eau. Au début de sa carrière, Viacheslav Adamchuk a mis au point un système de détection qui cartographie les niveaux de pH afin de déterminer si le sol est trop acide ou trop alcalin. Le niveau de pH influe sur la capacité des plantes à absorber les nutriments. Lorsque le sol est trop acide, les agriculteurs peuvent ajouter de la chaux; en disposant d’une cartographie détaillée du pH du sol, ils savent exactement où épandre cette substance minérale. En 2003, l’entreprise Veris Technologies, établie au Kansas, a utilisé le système du professeur Adamchuk comme élément principal de sa sonde de mesure en temps réel du pH du sol, qui effectue des lectures au fur et à mesure qu’elle est tirée à travers un champ. Cet appareil offre des valeurs de pH beaucoup plus détaillées que l’échantillonnage classique. C’est le seul produit du genre sur le marché, affirme Viacheslav Adamchuk, et il est maintenant utilisé dans le monde entier.
Le chercheur a également mis au point des prototypes en temps réel pour d’autres types de mesure, notamment le profilage de la conductivité électrique apparente du sol, la réflectance optique et la résistance mécanique. La conductivité électrique apparente est un bon indicateur de la capacité du sol à retenir l’eau et les nutriments, qui est elle-même un bon paramètre pour prévoir les rendements potentiels des cultures. Toutefois, la conductivité peut être influencée par de nombreux facteurs comme la texture, la salinité, les matières organiques ou l’humidité, ce qui signifie que deux champs peuvent avoir une mesure identique, mais pour des raisons différentes. La connaissance précise des facteurs qui contribuent à ces différences aide les agriculteurs à prendre de meilleures décisions en matière de gestion des cultures. Le professeur Adamchuk étudie maintenant une façon de regrouper différentes mesures dans un seul capteur, en plus de se consacrer au développement d’un système de traitement intégrant ces données à des cartes historiques et à des images satellites et aériennes.
« Notre but est de construire l’équivalent d’un rover martien conçu pour la Terre, pour le terrain », explique-t-il. Un système semblable au couteau suisse, qui utilise différents outils de précision pour différentes mesures, pourrait être utilisé par les agriculteurs et autres gestionnaires de systèmes naturels afin d’obtenir une vue complexe de chacun des aspects d’une petite parcelle de terre bien précise de notre planète. Il existe une seule différence importante entre l’appareil de Viacheslav Adamchuk et le rover martien : « au lieu de chercher une “nouvelle” forme de vie, il cherche des moyens de rendre la vie actuelle durable ».
Ces travaux ont été financés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, la Fondation canadienne pour l’innovation, Agriculture et Agroalimentaire Canada, John Deere et la Fondation nationale pour la science.