Vision curative

Entretien avec le Dr Vassilios Papadopoulos, directeur de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill <

Par James Martin

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L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR CUSM) compte plus de 600 chercheurs et près de 1 200 étudiants de 2e et 3e cycles et chercheurs post- doctoraux. Attenant au futur « superhôpital » du CUSM sur le campus Glen, il promet d’ouvrir une nouvelle ère et de transformer la découverte scientifique. La subvention de 99 988 343 dollars de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), reçue le 20 août dernier, sera accompagnée d’une subvention de contrepartie de 100 millions de dollars du gouvernement du Québec et de 50 millions de dollars issus de la campagne de financement Les meilleurs soins pour la vie des fondations du CUSM. Le Dr Vassilios Papadopoulos, directeur de l’Institut de recherche du CUSM, a accordé un entretien à en tête, peu de temps après l’annonce de la FCI, et quelques semaines après son élection à l’Académie nationale de médecine de France. « Août est un bon mois ! », plaisante-t-il.

L’investissement de la FCI est la plus importante subvention d’infrastructure jamais allouée par cet organisme. Quel usage entendez-vous faire de cette somme, et des 150 millions de dollars additionnels qui vous ont été accordés?

Cent soixante-quinze millions de dollars sont réservés aux travaux de construction, et la FCI a posé comme condition que ces derniers soient entrepris au cours des 18 mois suivant l’octroi de la subvention. Vous allez donc bientôt me voir creuser les fondations sur le campus Glen! Les 75 millions restants seront alloués à l’achat d’équipements, dont certains n’ont pas encore été mis au point. Nous voulons en effet être à la fine pointe de la science, aussi avons-nous noué des collaborations avec l’industrie pour concevoir la prochaine génération d’équipements, comme des microscopes et des techniques d’imagerie de pointe. De plus, nous collaborons étroitement avec les cliniciens pour que ces équipements puissent aussi être appliqués à la recherche clinique. Il ne faut en effet pas perdre de vue les patients, ni les soins que nous nous devons de leur prodiguer.

Comment l’Institut de recherche est-il parvenu à convaincre la FCI de lui verser 100 millions de dollars?

Notre demande de subvention insistait sur la suppression des frontières entre les services et les programmes. Il est essentiel que chimistes, biologistes, chercheurs cliniques et médecins praticiens oeuvrent dans un même lieu. Nous espérons puiser dans le savoir issu des études menées auprès d’animaux afin de traiter les maladies humaines. Pour l’heure, nos chercheurs sont dispersés dans plus de 65 laboratoires et dans cinq hôpitaux vieux de plus de 50 ans, s’ils ne sont pas centenaires. Compte tenu des prouesses de calibre mondial qu’ils accomplissent dans ces conditions, nous ne pouvons que rêver des découvertes qu’ils feront dans des installations modernes, conçues pour encourager les collaborations et les synergies interdisciplinaires ainsi que les échanges constants d’information.

Quel intérêt la suppression des frontières présente-t-elle? Pouvez-vous nous donner un exemple?

Prenons le projet de la docteure Jacquetta Trasler, sur les origines fœtales et périnatales des maladies adultes, et l’exemple d’un homme en bonne santé qui développe un cancer de la prostate à 60 ans. La docteure Trasler essaie de retracer les origines de la maladie : ses origines génétiques et les facteurs environnementaux susceptibles d’avoir une incidence sur le phénotype. Nous aimerions suivre les patients tout au long de leur vie, en ayant recours à une approche systématique de la médecine. Cela s’apparente à la médecine personnalisée, mais nous voulons l’appliquer à l’ensemble de la population, ce qui n’est pas encore possible. Pour y parvenir, il nous faut faciliter les croisements entre la génétique, la physiologie, la biochimie, la pharmacologie, la médecine, la biologie du cancer, et devons exploiter toutes les méthodes à notre portée.

Ce projet a connu une très longue gestation. Comment avez-vous réussi à maintenir l’enthousiasme?

En intégrant tous les acteurs dans l’équipe. J’ai été recruté en novembre 2006 et pendant les quatre premiers mois de mon mandat, j’ai rencontré 500 personnes. Depuis ses débuts, ce projet a été un effort collectif, et je suis reconnaissant au Dr Arthur Porter, [directeur général et chef de la direction du CUSM], à M. Denis Thérien [vice-principal (recherche et relations internationales)], au Dr Rich Levin [doyen de la Faculté de médecine et vice-principal (santé et affaires médicales)], ainsi qu’à tous les chercheurs qui y ont pris part, et qui continuent d’y œuvrer. J’ai parfois l’impression d’être un chef d’orchestre – et j’ai de la chance parce que je travaille avec les meilleurs musiciens qui soient. Les effectifs n’ont jamais été un problème. C’est ce qui fait la force de McGill.

Je ne veux pas attendre que le nouvel édifice soit construit, aussi sommes-nous à envisager des solutions de rechange dans le but d’entreprendre le recrutement de candidats d’exception. Si nous parvenons à mettre ce projet sur les rails, alors il ne nous restera plus qu’à emménager dans les nouveaux locaux dès qu’ils seront prêts. Une partie de mon mandat est de veiller à ce que nos scientifiques réussissent dès maintenant. Nous leur offrons un avenir prometteur, mais nous ne pouvons les laisser tomber aujourd’hui. Nous devons leur montrer que notre vision va bien au-delà des mots.