« Uber a très mal joué ses cartes », estime un prof de McGill

Uber, service de taxi ou covoiturage? Les experts de McGill ne s’entendent pas. Mais ils sont d’accord sur un point : Uber doit mettre de l’eau dans son vin. Lundi, l’entreprise a d’ailleurs laissé entendre qu’elle le ferait en indiquant qu’elle souhaitait essayer d’arriver à un compromis avec Québec. McGill dans la ville a aussi discuté d’un autre dossier chaud avec des professeurs de son École d’urbanisme : le projet de train léger sur rail de la Caisse de dépôt. Projet ambitieux pour Montréal, mais qui, selon eux, soulève des inquiétudes.

uber.webUber n’a pas pleinement tenu compte de la réalité politique et culturelle du Québec, selon Richard Shearmur, de l’École d’urbanisme de McGill. Il croit que l’entreprise aurait dû être plus conciliante.

« Uber a très mal joué ses cartes, dit-il. À mon avis, le fait qu’Uber n’était pas prête à faire de compromis a braqué Québec.»

La semaine dernière, le ministre des Transports, Jacques Daoust, a déposé un projet de loi qui forcera tous les automobilistes qui veulent transporter des clients à obtenir un permis de taxi, en plus d’un permis de conduire de classe 4C, dont l’obtention est plus difficile.

Richard Shearmur estime que les règlements de l’État ont leur raison d’être, surtout lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité des gens. Il donne comme exemple les compagnies pharmaceutiques, tenues de démontrer que leurs produits sont sûrs.

« Le projet de loi québécois me semble raisonnable dans les grandes lignes. Maintenant, aurait-il été possible de négocier sur certains éléments? Ce que j’ai vu, c’est qu’Uber n’était pas prête à négocier », a indiqué le professeur la semaine dernière.

L’entreprise a d’ailleurs fait son mea-culpa, lundi, en reconnaissant ne pas avoir « toujours su trouver les meilleurs moyens de travailler avec le gouvernement du Québec » et se disant maintenant prête à essayer de trouver un compromis lors des consultations sur le projet de loi.

Pour Ahmed El-Geneidy, directeur du Groupe de recherche sur le transport de McGill, Uber ne devrait pas être soumise aux mêmes règles que les taxis. L’entreprise fait partie de la nouvelle réalité que représente l’économie du partage, à laquelle il faut s’adapter. « Mais ce n’est pas une raison pour lui donner carte blanche, précise-t-il. Uber devrait payer des impôts. »

Le professeur croit qu’il faudrait surtout revoir le modèle d’attribution des permis de taxi. « Le prix du permis (200 000 $) est le principal problème. Aidons les chauffeurs de taxi à concurrencer des entreprises comme Uber. »

En rejetant le modèle d’Uber, le Québec freine-t-il l’innovation? « Il faut être neutre envers l’innovation, dit Richard Shearmur. L’innovation n’est pas automatiquement une bonne chose. On n’a qu’à penser aux produits financiers du milieu des années 2000 ou à la thalidomide, considérés comme des innovations à l’époque. Il faut prendre le temps de mesurer les dimensions sociales des innovations. »

Le SLR de la Caisse de dépôt peut-il être rentable?

Interrogé au sujet du système léger sur rail (SLR) annoncé par la Caisse de dépôt et placement du Québec le 22 avril dernier, le professeur Shearmur fait remarquer que l’objectif du projet n’est pas clair.

Le train léger ne réduira pas nécessairement l’utilisation de la voiture, selon lui. « S’il y a des gens qui prenaient leur voiture et qui décideront de prendre le nouveau train, d’autres automobilistes les remplaceront. La seule manière de réduire l’utilisation de l’automobile est de réduire la fluidité des routes – avec des routes plus étroites – ou d’installer des péages. » En outre, s’il est plus facile de quitter la Rive Sud, cela pourrait accroître l’étalement urbain, note-t-il.

« Ce qui manque à Montréal, c’est une vision globale à l’échelle de la métropole sur la façon d’organiser la mobilité des gens pour les 50 années à venir. Tout se fait à la pièce », souligne-t-il.

De son côté, Kevin Manaugh, professeur au Département de géographie, aurait voulu voir une meilleure intégration avec le métro. Dans le projet actuel, une seule station, celle de la Gare Centrale, relierait le nouveau train au métro.

Bien que le projet réponde à un besoin de longue date de mieux relier la Rive Sud, l’aéroport et l’ouest de l’île de Montréal, il note qu’il ne bénéficiera pas à tous. « Le tracé n’aidera pas beaucoup les gens des quartiers moins nantis à se déplacer », souligne-t-il.

Si Richard Shearmur ne doute pas des bénéfices du projet pour la métropole, il ne croit pas qu’il pourra être rentable.

« J’aimerais bien voir le montage financier. À ma connaissance, aucun réseau de transport public ne génère de profits. »

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