En 1969, la recherche en sciences infirmières au Canada est encore bien jeune et aucune revue savante n’y est encore rattachée. Préoccupée par cette lacune, Moyra F. Allen, alors directrice du programme de 2e/3e cycles de l’École des sciences infirmières de McGill, décide d’y remédier en fondant la revue Nursing Papers, une série de minces volumes publiés certes irrégulièrement, mais néanmoins hautement novateurs.
À la retraite de la professeure Allen, en 1984, Mary Ellen-Jeans prend la relève au poste de rédactrice en chef. Sous son impulsion, la revue est rebaptisée Revue canadienne de recherche en sciences infirmières, et le comité de rédaction met en place un processus d’évaluation par les pairs plus systématique. Lorsqu’en 1992 la professeure de sciences infirmières de McGill Laurie Gottlieb reprend le flambeau de la rédaction, la revue bat de l’aile. Pas question toutefois de renoncer à ce fleuron de la recherche en sciences infirmières. «La pratique clinique doit impérativement prendre appui sur les meilleures données disponibles, explique-t-elle. Une revue consacrée à la recherche en sciences infirmières joue un rôle important : diffuser les meilleures données qui soient pour orienter l’élaboration de bonnes pratiques.»
Le principal défi de Laurie Gottlieb est alors de trouver le moyen de préserver le caractère généraliste de la revue, tout en l’ouvrant sur les questions émergentes. « Plutôt que de privilégier une approche, j’ai décidé de combiner les deux et de confier chaque numéro à un rédacteur en chef invité. » C’est ainsi que la revue a abordé au fil des ans des sujets comme la perte et le deuil, les soins à domicile, la gérontologie et la prise en charge de maladies chroniques.
La Revue canadienne de recherche en sciences infirmières qui, selon la professeure Gottlieb, « continue de disposer d’un maigre budget », est aujourd’hui publiée trimestriellement (sur supports papier et électronique), est très largement indexée et jouit d’un grand respect. « La recherche en sciences infirmières a pris beaucoup d’ampleur, explique-t-elle. Nous assistons aussi à une évolution dans les recherches. Certains sujets reviennent tous les cinq ans et affichent une progression – du débat général sur la santé des femmes aux déterminants de la santé des femmes, par exemple. Cela permet de suivre l’évolution de la discipline. »
La Revue fête ses 40 ans cette année. Elle est l’une des dernières revues de sciences infirmières publiées par une université et l’une des rares entièrement dédiée à la recherche et non à la pratique (sur les quelque 400 revues de sciences infirmières publiées aujourd’hui, seulement une cinquantaine se consacre en effet exclusivement à la recherche).
« Il est intéressant de voir à quel point les sciences infirmières ont évolué et se sont transformées au cours des 40 dernières années, explique la professeure Gottlieb. Je pense que le public commence à comprendre que sans infirmières qualifiées, bien formées et expérimentées, c’est tout le système de santé qui est menacé. Une bonne infirmière, c’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience, sait réfléchir et possède de solides connaissances. La vocation de notre revue est précisément de diffuser ces connaissances. »
La Revue canadienne de recherche en sciences infirmières bénéficie de subventions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Laurie Gottlieb est titulaire de la Chaire en sciences infirmières Flora Madeline Shaw de lʼUniversité McGill et lauréate 2009 de lʼOrdre du mérite de lʼOrdre des infirmières et infirmiers du Québec.