Square Viger : « Ne précipitons pas les choses aux dépens de la qualité. »

Si la Ville de Montréal a stoppé l’appel d’offres entourant le réaménagement du square Viger, elle a néanmoins affirmé de ne pas avoir changé d’avis quant à la destruction éventuelle de l’Agora, l’imposante structure de béton conçue par Charles Daudelin. Nous en avons discuté avec Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill.
Il n’y a aucun doute que le square Viger a besoin d’être amélioré, mais il n’a pas été prouvé que raser complètement l’Agora de Charles Daudelin soit nécessaire, selon Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill.
«Il n’y a aucun doute que le square Viger a besoin d’être amélioré, mais il n’a pas été prouvé que raser complètement l’Agora de Charles Daudelin soit nécessaire », selon Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill. / Photo : Jacques Nadeau

L’Agora de Charles Daudelin traduit des idées qui méritent que l’on ne rase pas l’œuvre complètement, selon le directeur de l’École d’urbanisme de McGill

De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le démantèlement de l’Agora de Charles Daudelin prévu par les plans de réaménagement du square Viger dévoilés en juin dernier. Si la Ville de Montréal a depuis stoppé l’appel d’offres afin de revoir son projet, elle a néanmoins affirmé ne pas avoir changé d’avis quant à la destruction éventuelle de l’imposante structure de béton conçue par l’artiste. Nous en avons discuté avec Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill.

Les plans de réaménagement dévoilés en juin dernier comprenaient le déplacement de la sculpture-fontaine Mastodo de Charles Daudelin et la destruction de l’Agora qui l’entoure, un ensemble d’une vingtaine d’édicules de bétons surplombant une surface de promenade en pavés imbriqués. La démolition complète de l’Agora n’est pas la voie à emprunter, selon vous.

L’histoire du square Viger est intéressante et très particulière. C’est la première – et dernière fois – où l’on demandait à des artistes de faire la conception d’un espace public, plutôt que de simplement créer un objet qui serait installé dans un espace public qui, lui, serait dessiné et aménagé par un architecte, un urbaniste ou un architecte paysagiste.

Il est certain que l’Agora est une œuvre qui reflète la période où elle a été conçue, période où l’on aimait bien le béton. Dès le début, elle n’a pas reçu un accueil favorable, mais elle traduisait certaines ambitions, certaines idées qui sont très intéressantes et qui méritent qu’on ne la rase pas complètement, mais qu’on essaie plutôt de s’en inspirer. Il est tout à fait clair que le mandat de Daudelin était de créer une agora. Or, une agora, c’est une place publique, mais ce n’est pas une place publique qui est vide, c’est un lieu de rencontre. Daudelin y voyait un restaurant, un café, la programmation d’activités. Or, l’endroit où se situe l’Agora a fait en sorte que cela a été impossible, entre autres en raison de la circulation importante de tous les côtés et de la tenue d’activités illicites.

Ce secteur est toutefois sur le point de changer de façon significative.

Tout à fait. La construction du nouveau CHUM et de son centre de recherche, ainsi que la rénovation prévue de l’ancienne gare Viger changent la donne complètement. Bien que le problème de la circulation locale subsiste, la venue d’un grand nombre de riverains nous permet d’espérer que le square Viger deviendra un lieu public actif. Si nous voulons créer un lieu de rencontre, pouvons-nous alors conserver une partie de l’œuvre de Daudelin? Si nous décidons de ne pas le faire, alors pouvons-nous au moins nous en inspirer? Car il n’y a aucun doute que le square a besoin d’être amélioré. Il n’est pas assez accessible, particulièrement pour les personnes à mobilité réduite. On pourrait changer la signalisation afin de favoriser l’accès piétonnier. On pourrait enlever des parois, faire en sorte que le square soit plus ouvert. Commençons alors par voir ce qui peut être amélioré et rénové, et si l’on ne peut pas créer un espace attrayant. Il est possible qu’une intervention plus radicale soit nécessaire, mais à mon avis, cela n’a pas encore été prouvé.

Au cours de l’été, vous vous êtes joint à d’autres professeurs, urbanistes et architectes paysagistes, entre autres, qui ont qualifié le projet de réaménagement de « fruit d’une course effrénée et aveugle à la livraison de projets pour 2017 », soit le 375e anniversaire de Montréal.

Lorsqu’on célèbre un anniversaire, on veut marquer le coup. Il est normal d’essayer de faire des choses pour souligner le 375e anniversaire de Montréal. Mais je pense qu’essayer de précipiter des projets pour qu’ils puissent être inaugurés à ce moment-là, c’est dangereux. Ne précipitons pas les choses aux dépens de la qualité. Heureusement, je crois que le maire a compris que son projet devait être révisé.

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