Scruter sans relâche le ciel polaire

 Télescope du pôle Sud, avec l'équipe
Télescope du pôle Sud, avec l'équipe

L’espace extra-atmosphérique n’est pas loin, a déclaré un jour un grand esprit. Il faut une heure seulement en voiture pour s’y rendre, à condition bien sûr que cette voiture y monte directement.

Pour se faire sa propre idée de l’espace extra-atmosphérique, le professeur de physique de McGill Matt Dobbs a dû pour sa part aller beaucoup plus loin. Membre de l’équipe du Télescope du pôle Sud (TPS), il a passé le début de 2007 en Antarctique. Le TPS est un partenariat entre McGill et huit institutions américaines. Doté d’une imposante coupole de dix mètres de largeur, le Télescope est conçu pour balayer l’Univers et pour nous renseigner sur le fond diffus cosmologique, littéralement le rayonnement cosmique micro-ondes ambiant. Il s’agit en fait de la postluminescence issue du Big Bang, longtemps avant la formation des planètes, des étoiles et des galaxies.

Le fond cosmique micro-ondes (FCM) est présent dans le monde entier, mais le pôle Sud est un endroit particulièrement indiqué pour l’observer. Sur le spectre électromagnétique, le fond cosmique micro-ondes se situe entre le rayonnement thermique et les ondes radio, ce qui explique qu’il soit facilement absorbé par la vapeur d’eau dans l’atmosphère, donc difficile à observer. L’altitude élevée du pôle Sud, c’est-à-dire la minceur de l’atmosphère, et la sécheresse du climat font du pôle Sud un endroit idéal pour étudier le fond cosmique micro-ondes.

Le FCM éclaire à contre-jour tous les objets présents dans l’Univers. Lorsque ces objets sont particulièrement imposants, comme c’est le cas des amas galactiques, on observe une distorsion mesurable dans le fond cosmique micro-ondes. (Dans le théâtre d’ombre de l’Univers, le FCM est la lumière, les galaxies, les marionnettes, et la distorsion est l’ombre.)

La force de cette distorsion ne s’atténue pas avec la distance, ce qui fait du FCM un outil indispensable pour découvrir des amas galactiques très très éloignés. En mesurant les caractéristiques à petite échelle du FCM, le Télescope du pôle Sud devrait normalement aider les astronomes à détecter des amas encore inconnus — autant de données précieuses pour percer le mystère de l’expansion de l’Univers.

Matt Dobbs a passé un mois dans des conditions de température éprouvantes à construire le récepteur et les dispositifs électroniques de lecture de cette énorme fenêtre haute technologie donnant sur l’Univers. Travailler dans les conditions climatiques extrêmes du pôle Sud n’a pas été chose facile, le moindre séjour à l’extérieur, aussi bref soit-il, pouvant causer des engelures. L’équipe météorologique locale a décrit les conditions un jour en ces termes : « Ciel: infernal. Température : infernale. Demain : pire. »

Quoi qu’il en soit, Matt Dobbs a quitté le fond du monde avec le sentiment d’avoir atteint les plus hauts sommets. « Lorsque notre avion a décollé et a fait un cercle au-dessus de la station », a-t-il écrit dans son blogue polaire, « le pilote a rapidement incliné l’appareil sur la gauche, puis il est revenu sur le site de sorte que nous puissions avoir un dernier aperçu du Télescope du pôle Sud, prêt à recueillir une année d’efforts pour l’avancement de la science. »


Le Télescope du pôle Sud est financé par la Fondation nationale des sciences, la Fondation Kavli et la Fondation Gordon et Betty Moore. Les chercheurs de l’Université McGill ont bénéficié d’un financement additionnel du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.