Sains et saufs

Nouvel espoir aux enfants victimes de violence

par Céline Poissant

Illustration d'un enfant qui court
Illustration d’un enfant qui court

Un jeune garçon rentre de l’école avec son bulletin et est systématiquement ignoré par ses parents. Sans raison apparente, une fillette est frappée par sa belle-mère. Une préadolescente a peur d’aller au lit le soir car son père en abuse sexuellement. Un jeune est victime de violence psychologique à répétition.

Voilà les visages multiples de la maltraitance des enfants que le Pr Nico Trocmé et son équipe de 12 chercheurs revisitent dans l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants – 2003 (ECI), la deuxième d’une série financée par Santé Canada. Publiée en 2005, l’ECI couvre des données colligées entre 1998 et 2003.

« Alors qu’enfant, la plupart d’entre nous ne questionnions jamais la présence de nos parents comme source de soutien et d’amour inconditionnel, il est des enfants dont l’équilibre et la sécurité sont constamment menacés, peu importe la raison », explique le Pr Trocmé, titulaire de la Chaire Philip Fisher en travail social et directeur du Centre de recherche sur l’enfance et la famille (CREF) de l’Université McGill. Le manque criant de données pour décrire cette population clinique a poussé Nico Trocmé à réaliser une série d’études épidémiologiques qui sont devenues, depuis, la référence absolue au Canada en matière de recherche en bien-être chez l’enfant.

Nico Trocmé décide d’orienter ses études en service social après avoir travaillé plusieurs étés comme moniteur dans des colonies de vacances pour enfants en difficulté. Maîtrise en service social en poche, il œuvre pendant cinq ans comme intervenant dans un centre spécialisé en bien-être et santé mentale chez l’enfant. Puis, il commence progressivement à siéger à divers comités d’analyse et d’administration. « J’ai toujours admiré la capacité de mes collègues à intervenir avec célérité en protégeant l’enfant tout en s’engageant auprès des familles de manière à comprendre les choses de leur façon. Cette démarche me prenait beaucoup plus de temps et me venait moins facilement. » Il s’inscrit au doctorat en travail social à l’Université de Toronto et décide que sa contribution à la cause des enfants maltraités allait se traduire par la recherche plutôt que par l’intervention directe.

 Le professeur de service social Nico Trocmé s'intéresse aux multiples aspects des mauvais traitements infligés aux enfants pour aider les décideurs à mieux les protéger.
Le professeur de service social Nico Trocmé s’intéresse aux multiples aspects des mauvais traitements infligés aux enfants pour aider les décideurs à mieux les protéger.

Le résultat d’une collaboration avec plus de 700 intervenants et décideurs engagés auprès des enfants, l’ECI brosse un tableau d’enfants et parents en contact avec des services de protection de la jeunesse. Elle examine 22 formes de maltraitance répertoriées en cinq catégories : l’exposition à la violence familiale, aux abus physiques, aux abus sexuels, à la négligence et à la violence psychologique. L’étude met l’accent sur l’impact de la maltraitance sur la santé mentale et physique des enfants, leur retard de croissance, leurs troubles d’apprentissage et leurs problèmes comportementaux.

Au cours des cinq années qui séparent les deux parutions de l’ECI, le taux de mauvais traitements corroborés au Canada, excluant le Québec, est passé de 9,64 à 21,71 cas pour 1 000 enfants. Sans minimiser l’ampleur du fléau de la maltraitance, cette augmentation des cas d’abus et de négligence ne signifie pas obligatoirement que plus d’enfants soient maltraités. La hausse de la maltraitance s’explique notamment par le signalement et une plus grande sensibilisation à la violence psychologique. Le nombre de cas d’abus psychologique, par exemple, a augmenté de 276 pour cent. L’équipe approfondit les analyses publiques recueillies par l’ECI et compte entreprendre la cueillette de nouvelles données en 2008.

« Notre rôle est de décrire cette population et de se servir des données recueillies pour informer politiciens, gestionnaires, intervenants », conclut Nico Trocmé. « Le travail de recherche consiste à identifier ce qui manque comme données importantes et à aider les décideurs et les stratèges à les interpréter. En tant qu’experts, nous les aidons à articuler des politiques, des lois, des changements législatifs. Notre succès découle du fait que nous prenons le temps nécessaire pour établir des contacts personnels avec les décideurs. »


L’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants – 2003 peut être consultée ici.