Vu du XXIe siècle et habitués que nous sommes aux merveilles de la technologie, il est difficile de croire qu’il n’a pas toujours été facile de savoir l’heure, ni même de connaître avec précision l’endroit où nous nous trouvions sur la planète. Et pourtant, c’était encore le cas il n’y a pas si longtemps.
Au début des années 1840, le Dr Charles Smallwood, fervent amateur de météorologie, entreprend de consigner consciencieusement ses observations météorologiques et astronomiques depuis son domicile en périphérie de Montréal. En 1863, ce docteur en médecine, devenu entretemps professeur honoraire de météorologie à McGill, installe ses quartiers dans une nouvelle tour de pierres située à côté du Pavillon des arts de l’Université pour poursuivre ses recherches sur les prévisions météorologiques. Très vite, il recrute l’étudiant C. H. McLeod pour lui prêter main-forte. En 1874, un an après le décès du Pr Smallwood, l’Observatoire de McGill est élevé au statut de « principale station météorologique » du pays, avec à charge de télégraphier toutes les trois heures des bulletins météorologiques au nouveau Service météorologique du Canada à Toronto.
Fidèle à la méthodologie que lui avait inculquée son mentor, C. H. McLeod entreprend de combiner la télégraphie électrique aux observations astronomiques. À l’aide d’un télescope de deux mètres, il détermine la longitude de McGill par rapport à un point de référence continental : Harvard. S’aidant d’un relevé de 1892, McLeod recalcule ensuite la longitude d’Harvard par rapport au méridien zéro (méridien de Greenwich), ce qui lui permet de positionner avec plus de précision chaque ville, village et exploitation agricole d’Amérique du Nord.
Mais C. H. McLeod ne s’est pas contenté de dire aux Canadiens où ils se trouvaient, il leur a aussi donné l’heure. À la suite de la Conférence internationale du méridien tenue en 1884 à Washington, qui a donné lieu à l’adoption d’un système universel comportant 24 fuseaux horaires, les Canadiens ont commencé à régler leur montre sur l’heure de McGill. L’Observatoire de McGill a envoyé l’heure officielle par signaux télégraphiques aux gares ferroviaires et aux ports partout au Canada et jusque dans les Bermudes, en Jamaïque, aux Açores, voire dans certaines îles du Pacifique Sud, jusqu’à ce que la radio supplante cette méthode en 1926. McLeod a été pour sa part surintendant de l’Observatoire jusqu’à son décès en 1917.
L’Observatoire de McGill a été démoli en 1963, cent ans après sa construction, pour céder la place au Pavillon Leacock, édifié pour accueillir un nombre croissant d’étudiants. Son héritage perdure encore aujourd’hui. Pour Barry Turner, titulaire d’un doctorat de McGill et météorologiste principal au sein de la firme d’ingénierie GENIVAR à Montréal, la plus grande réalisation de Smallwood et McLeod est d’avoir constitué un ensemble de relevés réguliers et fiables à une époque où ce type de données était souvent fragmentaire.
« Une entreprise discrète et sans gloire, mais pourtant fondamentale », souligne-t-il.