Pour des images plus pointues

Ces dix dernières années, des diplômés des facultés des sciences, de génie et de médecine de McGill ont mis à profit leur formation universitaire pour oeuvrer au sein de plusieurs jeunes entreprises d’imagerie médicale florissantes. Une subvention de 1,6 M$ du CRSNG permet de créer des ponts entre les étudiants d’aujourd’hui et une industrie qui attend impatiemment la prochaine génération

d’ingénieurs et d’informaticiens. //

Si une image vaut mille mots, quelle est la valeur de l’imagerie médicale – cette science qui permet de capter des images du corps humain à des fi ns médicales ? Pour faire écho au slogan de MasterCard, on pourrait dire qu’elle fait partie de ces choses qui ne s’achètent pas. De nos jours, l’imagerie par résonance magnétique, ou IRM, est un outil couramment utilisé par les cliniciens pour visualiser « l’intérieur » de l’organisme (cerveau, muscles, tissus conjonctifs et, parfois, tumeurs).

En neuroscience cognitive et en neurochirurgie, par exemple, les clichés obtenus par résonance magnétique permettent aux scientifi ques de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau.

Kaleem Siddiqi, professeur à l’École d’informatique de McGill, et Tal Arbel, professeure agrégée au Département de génie électrique, sont spécialisés en analyse de formes et en méthodes probabilistes appliquées à la vision artificielle et à l’imagerie médicale. Leurs cours explorent les frontières de l’imagerie médicale : comment un ordinateur interprète-t-il une image médicale ? Qu’arrive-t-il de l’information lorsqu’une scène tridimensionnelle est projetée sur une image 2D ?

De gauche à droite : Dante De Nigris Moreno, Tal Arbel, Emmanuel Piuze-Phaneuf and Kaleem Siddiqi.

Au cours des années, les professeurs Siddiqi et Arbel, ainsi que leurs collègues en analyse d’images médicales, ont vu des confrères et de récents diplômés des facultés des sciences, de génie et de médecine se joindre à des entreprises d’imagerie médicale florissantes ou même en fonder. Bon nombre de ces entreprises, qui portent des noms originaux comme NeuroRx, Biospective, Intelerad, Rogue Research et Resonant Medical (acquise par Elekta), sont installées à Montréal. Au fil de leur croissance, elles se sont tournées vers McGill pour enrichir leur personnel hautement spécialisé. Les étudiants, pour leur part, se sont montrés très intéressés par l’expérience de travail en industrie.

Persuadés qu’il serait opportun d’offi cialiser cette collaboration entre le milieu universitaire et l’industrie, les professeurs Siddiqi et Arbel ont élaboré, en compagnie de leurs collègues, un programme de formation en analyse d’images médicales qu’ils ont soumis au concours de subventions du Programme de formation orientée vers la nouveauté, la collaboration et l’expérience en recherche (FONCER) du CRSNG. Les subventions du Programme FONCER visent à mobiliser les étudiants en sciences en les préparant à la vie active, de préférence dans un domaine où leur travail appuiera les priorités du Canada en matière de recherche. Le programme d’analyse d’images médicales proposé par l’équipe de McGill – CREATE-MIA (du nom anglais du Programme FONCER et de l’abréviation anglaise de l’expression « analyse d’images médicales ») – a reçu une subvention de 1,65 M$ sur six ans.

Selon le professeur Siddiqi, ce projet s’inscrit dans une longue tradition de collaboration. « Si cette équipe existe et que la proposition a été présentée, c’est que les gens travaillaient déjà ensemble. Le projet allait donc de soi. »

Le programme met en valeur le Québec à titre de tribune privilégiée pour la recherche innovante en imagerie médicale. La liste des codemandeurs figurant dans la proposition a d’ailleurs une couleur résolument locale : sept chercheurs de trois universités québécoises (McGill, Sherbrooke et l’École de technologie supérieure [ÉTS]), sept partenaires industriels de la région de Montréal et divers collaborateurs oeuvrant dans le domaine de la recherche clinique et de la neurochirurgie au sein d’autres universités de la province.

Outre leurs affiliations universitaires, ces chercheurs sont associés de diverses manières à d’autres centres de recherche locaux importants, dont l’Institut neurologique de Montréal et le Réseau de bio-imagerie du Québec.

De gauche à droite : Bruce Pike, Louis Collins and Amir Shmuel of the McConnell Brain Imaging Centre.

Bruce Pike, directeur du Centre d’imagerie cérébrale McConnell et l’un des trois professeurs de génie biomédical, de neurologie et de neurochirurgie de l’Université McGill qui participent au programme, insiste sur l’importance de tirer profi t de ces associations, qui s’étendent à toute la province. « Nous avons vu grandir la communauté de spécialistes en analyse d’images médicales au Québec », dit-il. « Ce programme nous permet d’assurer la cohésion du réseau, de maintenir l’élan dynamique créé par cet important groupe d’experts et de le renforcer. »

Les chercheurs collaboraient déjà entre eux, mais les étudiants, qui travaillent souvent en vase clos avec leur superviseur, participaient peu aux échanges interfacultaires. Grâce à la subvention du Programme FONCER, qui vise précisément à favoriser l’interdisciplinarité et la collaboration, les étudiants peuvent maintenant concourir au décloisonnement des facultés. Concrètement, cela signifi e qu’ils participeront à des ateliers et à des séminaires de perfectionnement

professionnel en compagnie d’étudiants d’autres départements et qu’ils suivront des cours dans une gamme impressionnante de domaines : informatique et génie électrique; génie informatique et biomédical; neurologie, neurochirurgie et physique médicale.

« Le programme off re un environnement multidisciplinaire très riche et axé sur la collaboration croisée, où les étudiants apprennent à connaître de plus grands pans du projet et se familiarisent avec diff érentes applications cliniques en imagerie médicale », précise Louis Collins, collègue du professeur Pike au Département de génie biomédical et au Centre d’imagerie cérébrale. « Nous collaborerons avec Maxime Descoteaux, qui fait aussi de la recherche en neurochirurgie à l’Université de Sherbrooke, et avec Catherine Laporte de l’ÉTS », poursuit le professeur Collins. C’est donc dire que les étudiants de ces universités, comme ceux de McGill, pourront profi ter d’un partage de données dans les diff érents domaines de compétence des professeurs, dont les logiciels pour la chirurgie guidée par l’image, les logiciels de suivi et les données neurologiques et échographiques.

Dotée d’une généreuse subvention qui permettra d’accueillir entre 20 et 25 étudiants au sein du programme chaque année pendant les six prochaines années, l’initiative est un outil clé pour attirer des candidats d’exception, affirme le professeur Collins. Amir Shmuel, professeur adjoint de génie biomédical, abonde dans le même sens. « J’espère que ce programme nous permettra de recruter les meilleurs candidats et diplômés dans le domaine et d’augmenter le niveau de collaboration entre les disciplines », dit-il. « J’espère aussi que nos diplômés sauront faire leur marque comme leaders dans le milieu universitaire ou de la haute technologie. »

Dante De Nigris Moreno, étudiant au doctorat qui travaille avec Tal Arbel au Département de génie électrique, est heureux que le programme soit axé sur la collaboration avec l’industrie. « Dans les milieux universitaires, nous mettons l’accent sur la recherche et la théorie, mais nous voulons au bout du compte off rir des outils et des logiciels qui sont vraiment utilisés dans les salles d’opération », dit-il. « Il est donc tout naturel d’oeuvrer de concert avec les entreprises qui visent le même objectif. »

« En tant que doctorant, vous travaillez souvent en vase clos pendant quatre ou cinq ans, puis vous êtes parachuté dans le milieu du travail », ajoute Emmanuel Piuze-Phaneuf, qui travaille avec le professeur Siddiqi et qui dit avoir sauté sur la possibilité de participer au programme. « C’est une occasion unique de collaborer avec des entreprises du secteur médical et de découvrir ce qu’elles font et ce qu’elles veulent. Je ne voulais surtout pas la rater. »

Les partenariats avec l’industrie sont gratifi ants à plus d’un égard, note la professeure Arbel. « Les étudiants sont très heureux de créer des outils qui améliorent la santé de la population, pas seulement pour l’argent, mais pour la satisfaction de constater que leurs recherches contribuent à la mise au point de médicaments ciblés pour le traitement de certaines maladies. Ils sont très fiers d’être utiles à la société. »

Le financement du programme CREATE-MIA est assuré par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Pour en savoir plus sur ce programme, consulter le site http://cim.mcgill.ca/create-mia.