Paix, amour et pluralisme religieux

Promouvoir la tolérance dans le monde après le 11 septembre

by Céline Poissant

Il y a cinq ans, le monde était ébranlé par les attentats terroristes du 11 septembre. L’effondrement des tours jumelles a amené les gens à voir l’amour, la tolérance et la spiritualité comme les symboles d’un passé révolu. « Après le 11 septembre, de nombreuses personnes ont associé la religion, toute forme de religion, au mal. Mais la religion peut être l’instrument du bien comme celui du mal, à l’instar du feu qui peut cuire les aliments ou brûler une maison », indique Arvind Sharma, professeur titulaire de la Chaire Birks de religion comparée de l’Université McGill.

En septembre 2006, Arvind Sharma a présidé, à Montréal, le congrès oecuménique mondial intitulé Les religions du monde après le 11 septembre. Cet événement a rassemblé des chefs religieux de diverses obédiences (des chrétiens aux adeptes du chamanisme wiccan) pour débattre des questions de foi dans le monde. « Nous voulions prouver que les représentants de différentes religions peuvent travailler ensemble », souligne le Pr Arvind Sharma.

Arvind Sharma
Arvind Sharma

Au coeur du programme figurait l’amélioration de la Déclaration universelle des droits de l’homme par les religions du monde, une discussion que le Pr Sharma estime « être aussi importante que le texte lui-même ». La Déclaration revêt en effet un sens particulier pour Arvind Sharma. « Elle couvre à la fois les droits de l’homme et les dimensions interreligieuses de mon travail », souligne le professeur qui s’est fait l’ardent défenseur de la diversité religieuse et des droits de la personne il y a dix ans, après avoir participé à une conférence à la demande de Harvey Cox, son ancien professeur de sciences religieuses à Harvard et l’un des plus grands théologiens d’Amérique du Nord.

Depuis, les recherches du Pr Sharma s’intéressent à la manière dont les pratiquants – même les orthodoxes – peuvent s’enrichir au contact d’autres traditions spirituelles. Dans son dernier ouvrage intitulé Are Human Rights Western? (Presses universitaires d’Oxford, 2006), Arvind Sharma prétend que, bien que le concept des droits humains soit occidental, et qu’il insiste davantage sur les droits que sur les devoirs, cela ne devrait pas empêcher son application en Orient.

Il soutient également que certaines pratiques orientales apportent des leçons utiles en matière de tolérance religieuse. « Le concept occidental de liberté religieuse est toujours parti du principe que l’on ne peut se réclamer que d’une seule obédience religieuse. On ne peut être à la fois juif et chrétien », précise-t-il. À titre d’exemple de l’ouverture d’esprit orientale, il cite le recensement de 1985 au Japon, où plus de 95 pour cent des citoyens se sont réclamés du shintoïsme et 76 pour cent du bouddhisme.

Alors que les heurts à caractère religieux se font de plus en plus nombreux dans le monde, les recherches du Pr Sharma se veulent un antidote à une violence qui ne cesse de se propager. « Le passé classique de l’Inde est l’avenir de la planète. Les Hindous ont toujours estimé qu’ils étaient à la fois bouddhistes, jaïns et sikhs, car certains aspects de leur religion s’inspirent de ces traditions spirituelles ou font partie de leur patrimoine commun. Sans être parfait, le passé classique indien sous sa forme idéalisée donne au monde un modèle permettant de négocier le pluralisme religieux », affirme-t-il.

À l’instar du congrès qui s’est tenu à Montréal, les événements au cours desquels des chefs religieux travaillent ensemble à résoudre les conflits et à atténuer le manque d’harmonie servent d’exemples aux personnes qui commettent des crimes au nom de la religion. « Le fanatisme est le fruit de l’aveuglement causé par l’intensité de la luminosité d’une tradition spirituelle donnée – par une trop grande promiscuité avec celle-ci et par l’incapacité d’appréhender le monde, qui en ressort transfiguré », affirme-t-il. « Dès lors que l’on commence à reconnaître les richesses d’autres religions et à fréquenter les représentants d’autres obédiences religieuses en tous points similaires à la sienne, il s’opère naturellement un recentrage salutaire. Rien de mieux pour lutter contre les préjugés qu’un authentique contact humain. »


Le congrès « Les religions du monde après le 11 septembre » a été partiellement subventionné par Investissement Québec.