Montréal a su se tailler une place enviable parmi les grands centres du multimédia depuis 25 ans. Main-d’œuvre qualifiée, culture distincte et avantages fiscaux ont tous servi d’ingrédients dans la recette de son succès.
Plus d’un millier d’entreprises, surtout des PME, œuvrent aux effets visuels de la prochaine superproduction de Disney, imaginent le dernier jeu vidéo d’Ubisoft, conçoivent la prochaine tournée de Madonna ou raffinent la technologie de réalité virtuelle d’Oculus. Bon nombre de diplômés de McGill occupent des postes enviables – dirigeants, producteurs, directeurs, concepteurs – au sein de ces entreprises.
Éric Fournier (M.B.A. 1991) découvre le multimédia et Moment Factory alors qu’il est vice-président au Cirque du Soleil. La petite boîte travaille aux effets visuels de plusieurs productions du Cirque et se prépare à révolutionner la scénographie du rock’n’roll avec la tournée du groupe Nine Inch Nails. Dans les années qui suivront, elle travaillera pour tous les grands noms de la scène internationale : de Disney à Madonna, en passant par Bon Jovi et Arcade Fire. « Moment Factory s’est placée dans un marché inexistant, entre le spectacle, le théâtre, le jeu vidéo, les effets visuels et l’architecture », dit Éric Fournier, qui deviendra le troisième associé de la firme en 2008 – et son 13e employé.
Dans les années 1990, le secteur multimédia montréalais se résumait encore à un petit noyau de PME. Son développement doit beaucoup à une fiscalité très généreuse, notamment des crédits d’impôts avantageux. « C’était visionnaire. Peu de gens y croyaient. C’est comme ça que Montréal a réussi le pari de créer une masse critique », dit Jan-Fryderyk Pleszczynski (B.C.L./LL. B. 2000), président et producteur exécutif de Digital Dimension, spécialisée dans l’animation et les effets visuels, à qui l’on doit les effets visuels de la série télé Quantico et une partie de ceux du jeu vidéo Assassin’s Creed.
Depuis 2013, plusieurs studios londoniens, tels Framestore et Cinesite, viennent profiter de la manne. « Le Canada offre les meilleurs crédits d’impôt du monde. Et ceux du Québec sont les meilleurs du Canada », dit Chloë Grysole (B.A. 1998), directrice générale de Cinesite Studios à Montréal, qui a passé cinq ans à Londres où elle a supervisé les effets spéciaux de plusieurs films d’Harry Potter. « Ils nous permettent d’économiser environ 42 % de la facture globale. »
Toutefois, si la greffe du multimédia a pris à Montréal, et si les incitatifs n’ont pas créé une simple bulle comme en Bulgarie ou en Estonie, c’est parce qu’il y avait autre chose derrière, notamment une main-d’œuvre bilingue, bien formée et très adaptable.
« À Montréal, on est souvent les premiers à adopter des nouveautés, comme le passage du 35 mm à la haute définition dans les années 1990 », dit Isabelle Riva (B.A. 1997), qui se félicite d’ailleurs d’avoir fait une spécialité en Études culturelles l’ayant bien préparée au changement. Productrice et consultante chez Rivalibre, sa propre boîte, la jeune femme, qui a travaillé à des productions de styles variés, notamment C.R.A.Z.Y. et Race to Mars, a touché à presque tout : du montage à la production, en passant par l’animation et le financement.
Le secteur du multimédia profite également d’une très forte demande locale. « Les Québécois consomment beaucoup de leur propre production culturelle, en télé notamment et dans tous les arts. Ça crée une bonne assise. Mes amis torontois en sont jaloux », dit Daniel Ferguson (B.A. 1996), producteur chez Cosmic Picture, qui a réalisé de grands documentaires IMAX tels Jérusalem et Les Derniers hommes éléphants.
Mélanie La Rue (B.A. 1994), productrice chez Rodeo FX, l’une des grosses boîtes québécoises d’effets visuels (Le trône de fer, Deadpool), est d’ailleurs revenue au Québec après un séjour de huit ans en Californie. « On n’a plus besoin d’aller à l’étranger. On a des projets de qualité [ici]. »
Ce texte est un extrait d’un article de Jean-Benoît Nadeau publié dans le McGill News.
Pour lire d’autres articles du numéro de juin, cliquez ici.