L’éthique du génome

Par Jennifer Towell

Entretien avec Bartha Maria Knoppers, directrice du Centre de génomique et politiques.

Bartha Maria Knoppers, directrice du Centre de génomique et politiques

En juin 2009, après une longue carrière à l’Université de Montréal où elle a occupé la Chaire de recherche du Canada en droit et médecine, Bartha Maria Knoppers accepte l’invitation de l’Université McGill de créer le nouveau Centre de génomique et politiques, où les chercheurs seraient appelés à se pencher sur les questions juridiques et éthiques les plus urgentes concernant la génétique humaine et, plus particulièrement, la médecine régénérative, la santé pédiatrique, la santé publique, la vie privée et la médecine personnalisée.

Vous avez obtenu votre premier diplôme de droit à McGill. Après 25 ans d’absence, qu’est-ce qui a motivé votre retour?

On m’a offert de créer un centre intégré à la communauté scientifique du Centre d’innovation Génome Québec–Université McGill. Je suis donc entourée de spécialistes de la bioinformatique, du génotypage, du phénotypage, des génomes microbiens (microbiomes), et j’en passe, et mes collègues de la Faculté de droit ne sont qu’à quelques pas d’ici. L’équipe était déjà en place et le financement était disponible. J’avais acquis un savoir-faire dans le domaine de la politique et de la recherche, mais cette fois, j’avais la chance d’appliquer ces connaissances en évoluant dans un milieu plus intégré.

Quels sont les points saillants et défis de la première année d’existence du centre?

Rassembler plus de 12 chercheurs à temps plein et 10 membres du personnel de soutien et adjoints est une entre prise de taille. Ce renouveau a insufflé une fabuleuse dynamique, non seulement parmi les membres de ma propre équipe, mais

également chez ceux désireux de s’y joindre. D’ailleurs, au Centre d’innovation, les jeunes membres du personnel ont décidé d’organiser un débat mensuel sur les enjeux politiques de l’éthique en science.

Quelles sont vos priorités pour la deuxième année?

Certains de nos projets, dont CARTaGENE [banque d’échantillons de sang et de données démographiques détaillées concernant la population québécoise], continuent d’être rattachés à l’Université de Montréal, car, sur le plan juridique, il aurait été trop complexe de les rapatrier. Nous avons par conséquent entrepris des projets dans des domaines où nous n’étions pas encore intervenus, comme les vaccins, les microbiomes et la métabolomique. Par contre, j’entends rapatrier prochainement le Projet public des populations en génomique (P3G). Il s’agit d’une structure créatrice d’outils ouvrant la voie à d’importantes biobanques et études des populations en vue de partager des connaissances et de dégager une signification statistique. Les biobanques sont des structures qui recueillent des données et échantillons biologiques de manière systématique; l’interopérabilité signifie que nous pourrons accélérer l’obtention des fruits de ces efforts.

Parmi les autres priorités figure le déploiement d’une stratégie de diffusion des savoir-faire à accès ouvert, qu’il s’agisse des outils mis au point dans le cadre du projet P3G ou en matière de politiques. Je suis en quête de sources de financement pour la communication. Les pays doivent avoir accès à nos outils, dont notre base de données internationale HumGen. Bien que nous n’ayons jamais déployé les efforts nécessaires pour la faire connaître à plus vaste échelle, nous enregistrons néanmoins 500 consultations par jour. J’aimerais que ce genre de projet soit connu de tous, de sorte que les législateurs, les organismes de finance ment et les chercheurs n’aient pas à réinventer la roue et qu’ils puissent tirer parti de ces ressources.

En faisant le bilan d’une décennie, qu’est-ce qui vous étonne le plus?

Je n’aurais jamais cru que les collaborations de recherche internationales, comme le séquençage du génome humain, puissent se pérenniser. [La professeure Knoppers a présidé le Comité international d’éthique du Projet du génome humain.] Plusieurs croyaient que ce projet ne serait que ponctuel. Pourtant, nous avons pérennisé la philosophie de création de ressources, de partage de données et de mise en place de regroupements politiques et juridiques.

Quels espoirs caressez-vous pour les dix prochaines années?

La science étant internationale, aussi avons-nous besoin d’une gouvernance qui le soit pour que les chercheurs soient correctement habilités, que la recherche scientifique se déroule conformément au protocole et que le consentement et la vie privée des participants soient respectés. J’aimerais voir se mettre en place une structure flexible et fiable alimentée par différents projets ou pays qui se penche sur des projets scientifiques approuvés et simplifie la délégation de l’évaluation éthique.

Le Centre de génomique et politiques est financé par Génome Québec, Génome Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Réseau de Centres d’excellence de cellules souches, le Fonds de la recherche en santé du Québec, le Partenariat canadien contre le cancer et l’Institut national de santé publique du Québec.