Les gestionnaires viennent de Mercure et les informaticiens viennent de Pluton

Par Jeff Roberts

Lorsque rapprochement culturel rime avec prospérité des enterprises

 La professeure de gestion Geneviève Bassellier tente d'amener gestionnaires et spécialistes des TI à mieux se comprendre.
La professeure de gestion Geneviève Bassellier tente d'amener gestionnaires et spécialistes des TI à mieux se comprendre.

Les gestionnaires impeccablement vêtus et les informaticiens ébouriffés viennent d’univers différents et parlent rarement la même langue. Lorsqu’ils travaillent ensemble, les retombées pour l’entreprise peuvent être spectaculaires. Lorsqu’ils communiquent mal, leurs malentendus peuvent conduire tout droit à la catastrophe.

C’est là précisément qu’intervient la Pre Geneviève Bassellier, spécialiste des systèmes d’information à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Dans le cadre de ses recherches, Geneviève Bassellier joue les conseillères matrimoniales et aide gestionnaires et informaticiens à mieux se comprendre et à nouer des liens plus solides et plus équilibrés.

Nul besoin d’aller bien loin pour apprécier les conséquences d’un manque de communication. Geneviève Bassellier en veut pour preuve l’exemple d’une grande université américaine qui a dépensé plusieurs millions de dollars pour un système de planification des ressources avant de se rendre compte que celui-ci était tout à fait inadapté aux besoins quotidiens des étudiants et des employés de ses facultés.

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« Les informaticiens et les gestionnaires doivent apprendre à discuter davantage entre eux, d’où l’importance de combler le fossé qui les séparent », précise-t-elle. « Chaque groupe a sa propre culture, son propre vocabulaire et son propre jargon. Non seulement ils communiquent mal, mais ils ont tous tendance à penser qu’ils peuvent se débrouiller seuls. De nos jours, il importe que les technologies de l’information et la gestion agissent de concert pour tirer parti des multiples occasions qu’offrent les technologies de l’information (TI). »

L’intérêt que Geneviève Bassellier porte aux pratiques efficaces des TI remonte bien avant ses études de doctorat à l’Université de Colombie-Britannique. Enfant, son père, qui était chargé d’introduire les TI modernes dans l’arrondissement montréalais de Saint-Laurent, lui racontait déjà les enjeux de l’adaptation des pratiques de gestion aux nouvelles technologies.

Ses expériences et ses propres recherches l’ont conduite à croire plus que tout à la création d’un « espace commun » entre les TI et le milieu des affaires pour renforcer l’efficacité des systèmes d’information au sein de l’entreprise. Aujourd’hui, elle partage ses réflexions sur la question avec ses étudiants de la Faculté de gestion Desautels où elle enseigne depuis 2001, ainsi qu’avec des professionnels sur le terrain.

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Même si les théoriciens de la gestion s’intéressent depuis quelque temps au rapprochement des TI et des pratiques commerciales, l’objectif de Geneviève Bassellier est davantage de quantifier précisément quelles sont les connaissances que les professionnels des TI doivent partager avec les gestionnaires et inversement, et comment ces compétences partagées peuvent améliorer les capacités d’une entreprise en matière d’innovation et de rentabilité.

Grâce à une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, Geneviève Bassellier a travaillé avec 17 entreprises, dont des institutions financières qui comptent jusqu’à 57 000 employés, des organismes gouvernementaux avec un effectif de 7 000 personnes et des sociétés de services publics qui n’emploient que 200 personnes. Elle a conduit plusieurs centaines d’enquêtes auprès du personnel pour mieux saisir comment les gestionnaires et les spécialistes des TI comprennent les rôles des uns et des autres.

Elle a ainsi constaté que les professionnels des TI qui connaissent les autres champs d’activité de l’entreprise sont plus enclins à faire front commun avec les gestionnaires. Les gestionnaires qui comprennent mieux les TI sont pour leur part 34 pour cent plus susceptibles d’être de bons « partenaires », de comprendre les besoins de leurs collègues et d’appuyer et de défendre les projets faisant intervenir les nouvelles technologies de l’information.

Ces résultats confirment en partie la théorie de Geneviève Bassellier, selon laquelle le fossé culturel qui divise les services de technologies de l’information et les autres secteurs de l’entreprise peut et doit impérativement être comblé. Elle est une ardente partisane de la méthode pratique pour donner aux spécialistes des TI une idée des objectifs généraux de l’entreprise. Selon la Pre Bassellier, ces pratiques (la nomination d’un membre du personnel des TI dans un service de marketing par exemple) peuvent compléter les stratégies traditionnelles comme celle qui consiste à nommer des spécialistes des TI aux postes cadres de l’entreprise.

« Il est fondamental d’élaborer un ensemble de connaissances partagées et un espace commun. Le personnel des TI ne maîtrisera jamais les finances et le personnel des finances ne deviendra pas spécialiste des TI. Mais il doit y avoir un espace commun où les besoins de l’organisation peuvent être définis. »