Le stress du vieillissement

Par James Martin

Entretien avec Jens Pruessner, directeur du Centre d’études sur le vieillissement de l’Université McGill

Jens Pruessner étudie la psychoneuroendocrinologie du vieillissement et se concentre sur l’hormone cortisol, la fréquence cardiaque et la pression artérielle afin d’évaluer le niveau de stress ainsi que leur lien avec la neurodégénérescence. « L’objectif à long terme est de comprendre le mécanisme de la neurodégénérescence afin de mieux la prévenir », a-t-il expliqué. Depuis cinq ans, ses recherches et la majeure partie des travaux menés au Centre d’études sur le vieillissement de l’Institut universitaire de recherche en santé mentale Douglas – qu’il a dirigé au cours des deux dernières années – ont délaissé la quête du traitement afin de se concentrer sur l’intervention préventive. « Nous avons pris conscience que les interventions menées une fois la maladie établie, comme la maladie d’Alzheimer par exemple, n’ont pas été très fructueuses », précise-t-il. « Les changements dans le cerveau sont tellement importants que la seule chose que nous puissions faire est d’en ralentir l’évolution, sans toutefois parvenir à l’interrompre. Si nous intervenons plus en amont, nous avons une chance de prévenir leur déclenchement. Pour ce faire, il nous faut des marqueurs biologiques fiables et de meilleures méthodes pour distinguer un vieillissement normal d’une évolution vers la maladie. »

Référence photographique : Allen McInnis

Comment le stress affecte-t-il le vieillissement?

Une exposition chronique à de hauts niveaux de stress risque d’entraîner des effets chroniques sur la régulation du cortisol, augmentant ainsi considérablement les problèmes de santé. Nos travaux portent sur le lien entre le stress vécu au cours de la vie et le développement de la démence et de la neurodégénérescence ainsi que son effet sur le cerveau. Nous commençons tout juste à comprendre cette corrélation et tous les facteurs mis en cause. Il semble qu’il existe une relation systématique qui justifie l’approfondissement des recherches à ce sujet.

Comment définissez-vous le stress dans vos études?

Nous nous référons à la définition de Richard Lazarus, selon laquelle le stress résulte de l’évaluation que fait l’individu d’une situation potentiellement menaçante, et plus particulièrement de la perception des ressources dont il dispose pour y faire face. Ainsi, si vous estimez posséder les ressources nécessaires, qu’il s’agisse de conduire à l’heure vos enfants à l’école ou d’un événement majeur comme la perte d’un être cher, vous ne serez pas stressé. Il est possible que cela soit difficile, mais vous y parviendrez. Nous étudions la réponse au stress lorsqu’une personne ne croit pas avoir les ressources nécessaires.

La source du stress en modifie-t-elle la réponse?

Absolument; il existe deux systèmes de stress. L’attaque ou la fuite, qui est le stress que fait naître par exemple la confrontation avec un animal sauvage. L’autre correspond à l’axe hypothalamo-pituito-surrénalien et concerne davantage la réaction aux situations sociales. Le produit final de cet axe est le cortisol, l’hormone sur laquelle portent nos recherches. Elle est particulièrement importante dans la recherche sur le vieillissement, car on a montré qu’elle avait des propriétés neurotoxiques susceptibles d’agir sur la manière dont le cerveau vieillit.

Qu’entendez-vous par stress social?

Pour l’essentiel aujourd’hui, il s’agit de la peur de perdre son statut ou son rang à la suite d’un événement négatif. Le terme psychologique est « menace socioévaluative ». Si vous ne parvenez pas à atteindre un objectif au travail, par exemple, vous pourriez perdre le respect de vos collègues s’ils se rendent compte que vous ne performez pas au mieux de vos capacités. Il s’agit là d’une source de stress importante pour le système hormonal.

Pourquoi cet intérêt pour le stress social? Ce type de stress est-il plus important ou agit-il davantage sur le processus de vieillissement?

Le stress social est le pire stress qui puisse exister. Le stress de type « attaque ou fuite » est beaucoup plus transitoire. Certes, il occasionne une montée d’adrénaline, mais ce taux retourne rapidement à son niveau de référence. Le stress social est plus durable. Nous observons des changements dans les taux de cortisol qui se prolongent durant plusieurs heures et placent tout notre système en état de défense extrême, avec des conséquences plus durables avant un retour à la normale.

Les travaux de Jens Pruessner sont financés par les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences et en génie du Canada, la Société Alzheimer du Canada, le Fonds de recherche en santé du Québec et les dons versés au Centre d’études sur le vieillissement de l’Université McGill.