La santé en tête

Par Philip Trum

Les hôpitaux canadiens ont besoin de gestionnaires futés. Le Programme de formation en activités de soins de santé et en gestion de l’information leur est destiné.

« Si certains domaines de recherche peuvent encore être strictement théoriques », indique Vedat Verter, « ce n’est décidément pas le cas de la gestion des soins de santé. Non seulement faut-il être concret, mais les recherches correspondantes ne peuvent se dérouler entre les quatre murs d’un bureau. »

Vedat Verter est professeur en gestion de la production à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Il est aussi directeur du programme FONCER de formation en activités de soins de santé. Financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, FONCER s’adresse à des doctorants et à des boursiers post doctoraux. Participent à ce programme l’Université McGill, l’Université de Montréal, l’Université Queen’s et les universités de la Colombie-Britannique, d’Ottawa et de Toronto. L’objectif du programme est de former des gestionnaires qui s’attaqueront à des problèmes tels que les listes d’attente aux urgences et l’accès aux médecins de famille, et qui amélioreront l’utilisation des technologies de l’information et des télécommunications de pointe en matière de soins de santé.

La tradition canadienne voulant que l’on nomme des médecins à des postes de gestionnaires ne fonctionne pas, explique le Pr Verter–et pas uniquement parce que cela empiète sur leur temps clinique. « Les médecins sont des professionnels chevronnés, d’excellents cliniciens doués d’une intelligence remarquable. Néanmoins, nous ne pouvons supposer qu’ils trouveront intuitivement le moyen de devenir des gestionnaires aguerris », explique-t-il. « Aucun autre secteur d’activité ne fait ce type de choix. L’industrie aérospatiale ne fait pas uniquement appel à des ingénieurs; elle recrute aussi des gestionnaires pour travailler avec les ingénieurs. »

Lancé en septembre 2009, avec six doctorants et trois chercheurs postdoctoraux, le programme rassemble des spécialistes de quatre disciplines : électronique et télécommunications, systèmes d’information et architecture logicielle, recherche opérationnelle et conception et amélioration de processus.

Doctorant en recherche sur les soins de santé, Paul Intrevado est titulaire d’un B. Comm. de McGill ainsi que d’un baccalauréat et d’une maîtrise en génie industriel de l’Université de Purdue. Il est également l’auteur d’un mémoire sur l’amélioration de la préparation des lots de commandes à la pharmacie de l’Hôpital Wishard à Indianapolis, où ses propositions ont été appliquées avec succès. Cette expérience l’a incité à mener des recherches universitaires fondées sur des applications concrètes. C’est pour cette raison qu’il est revenu à McGill, où il est membre étudiant du Conseil consultatif de FONCER. « Mes recherches ne doivent pas uniquement satisfaire aux objectifs de rentabilité des actionnaires; il est important qu’elles contribuent aussi au bien public », explique-t-il. Paul Intrevado s’attache à traduire les données recueillies à l’Hôpital général juif et à l’Hôpital Notre-Dame de Montréal. Grâce aux informations colligées, il analyse l’effet de la pénurie d’établissements de soins de longue durée spécialisés dans l’accueil de patients âgés sur le prolongement du séjour de ces derniers à l’hôpital.

« Les hôpitaux possèdent un grand nombre de données dont ils ne savent pas tirer pleinement profit », explique Wojtek Michalowski, membre du projet FONCER et professeur spécialisé en informatique de la santé et en outils décisionnels à l’Université d’Ottawa. « Ils génèrent une immense quantité de données, mais ne parviennent pas à en extraire la moindre information. FONCER forme les gestionnaires, de sorte qu’ils comprennent ce qu’ils devraient savoir. Nous voulons que chacun prenne conscience de ce qu’il sait, afin qu’il puisse utiliser les données pour en extraire les informations nécessaires.»

« Pour savoir comment un système se comporte et l’améliorer, il faut élaborer un modèle. Les modèles permettent d’obtenir des données qui peuvent être utilisées dans les processus décisionnels fondés sur des preuves.»

Conçu il n’y a tout juste qu’un an, FONCER est en réalité le prolongement officiel d’une collaboration nouée depuis longtemps entre la Faculté de gestion Desautels et les hôpitaux affiliés à McGill (voir encadré). Pour pérenniser cette collaboration inter universitaire, chaque doctorant travaille avec des superviseurs de deux établissements différents et participe, par télé conférence, à des séminaires hebdomadaires avec d’autres étudiants ailleurs au Canada. La formation qui leur est proposée prévoit également un échange de six mois à un an. Ainsi, un doctorant de Queen’s qui étudie le lien entre les soins et le cancer pourra passer un an à l’Université de la Colombie-Britannique et travailler avec des membres de Cancer Care BC pour améliorer l’accès aux services d’oncologie.

Plusieurs obstacles demeurent à être surmontés. Les infirmières et les médecins peuvent, à juste titre, se méfier de ces nouveaux venus et de leurs idées nouvelles. Pour cette raison, explique le Pr Verter, il est essentiel d’engager la participation de collaborateurs, et ce, à toutes les étapes de la recherche. Le programme s’appuie sur un réseau de 40 professionnels de la santé et décideurs. « S’ils font partie de la recherche et que les résultats des travaux des étudiants les impressionnent, il est alors plus probable que ces résultats débouchent sur des applications concrètes.»

L’application pratique des fruits de la recherche est précisément l’objectif que vise le projet FONCER. «Au cours des six prochaines années, nous comptons financer les travaux de 15 doctorants et de cinq chercheurs postdoctoraux pendant un an. Nous espérons que le secteur de la santé recrutera au moins dix d’entre eux », explique le Pr Verter. « Nous voulons que nos diplômés travaillent dans le système de santé canadien. »

Le Programme FONCER de formation en activités de soins de santé et en gestion de l’information est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.