La récompense d'un prix Nobel

Quelques données sur la recherche à McGill

Repères historiques 1901

Illustration d'Ernest Rutherford dans son laboratoire
Illustration d'Ernest Rutherford dans son laboratoire

Les travaux novateurs qu’Ernest Rutherford a menés sur la nature de la radioactivité se sont peut-être déroulés dans un des meilleurs laboratoires du monde, il n’en reste pas moins que ses recherches étaient tellement avant-gardistes que ce professeur de physique expérimentale qui a enseigné à McGill de 1898 à 1907 a bien souvent dû concevoir lui-même ses propres appareils pour prouver ses théories.

Pour une expérience devant décrire la nature des rayons alpha, Ernest Rutherford a fabriqué l'appareil présenté ici (en perspective éclatée).
Pour une expérience devant décrire la nature des rayons alpha, Ernest Rutherford a fabriqué l'appareil présenté ici (en perspective éclatée).

Le Musée Rutherford, sis dans le Pavillon de physique Rutherford de McGill, abrite la plupart des appareils mis au point par le Prix Nobel. Pour une expérience devant décrire la nature des rayons alpha, Ernest Rutherford a fabriqué l’appareil présenté ici (en perspective éclatée). Le professeur Jean Barrette, conservateur de la collection Rutherford, explique que le savant a utilisé cet appareil pour mesurer la déflexion des rayons alpha par des champs électriques, ce qui, associé à d’autres expériences, lui a permis de déterminer le rapport de la masse à la charge des particules alpha. Il a montré que ce rapport était identique pour les particules alpha propulsées à partir de différents radioéléments et qu’il était égal à la moitié d’un ion hydrogène. Ces travaux ont débouché sur la théorie révolutionnaire de la transformation radioactive qui a fait la célébrité de Rutherford.


Une collaboration houleuse

Personne ne peut taxer Ernest Rutherford de modestie. À un de ses confrères qui lui demandait s’il suivait la mode dans ses recherches en physique, ce dernier aurait répondu: « Je crée la vague, je ne la suis pas… ».

Frederick Soddy
Frederick Soddy

Une assurance qui est à l’origine d’un véritable débat entre le jeune physicien et Frederick Soddy, moniteur au Département de chimie de McGill. Le thème de la discussion était la théorie révolutionnaire de Rutherford, selon laquelle les atomes étaient composés de particules plus petites. Il aurait écrit à un de ses collègues : « Nous allons avoir un grand débat demain dans le cadre de notre “société de physique” au cours duquel nous espérons démolir les chimistes. »

Mais Soddy ne devait pas s’avouer vaincu et a attaqué avec éloquence les idées de Rutherford : « Le professeur Rutherford peut-il nous convaincre que la matière qu’il connaît est véritablement la matière que nous connaissons, ou alors peut-il admettre que l’univers dans lequel il évolue est un nouveau monde nécessitant une chimie et une physique qui lui soient propres. Dans un cas comme dans l’autre, je suis persuadé que les chimistes continueront de croire et de respecter les atomes comme identités concrètes et permanentes, sinon immuables, mais certainement pas encore transformées. »

Si Rutherford a visiblement été ébranlé par cette attaque en règle, Soddy pour sa part était fort intrigué par les idées du Néo-Zélandais. Le débat devait déboucher sur une des plus grandes collaborations scientifiques que McGill n’ait jamais connues. En l’espace de quelques mois, les deux scientifiques se sont lancés dans ce qu’on appelle aujourd’hui une collaboration interdisciplinaire pour décrire la nature de l’atome, chacun abordant le problème du point de vue de sa propre discipline.

Installés dans un laboratoire flambant neuf financé par un généreux legs de Sir William Macdonald, Rutherford et Soddy ont publié neuf articles majeurs décrivant la nature de la radioactivité pour lesquels Rutherford a obtenu le prix Nobel en 1908. Soddy devait également remporter le prix Nobel en 1921 pour ses études sur l’origine et la nature des isotopes.