De l’intérêt des études multicentriques

Par James Martin

Entretien avec la pédopsychiatre Lily Hechtman

Université Columbia, Université de New York, Université Duke, Université de Pittsburgh, Université de California à Berkeley, Univeristé de California à Irvine
Université Columbia, Université de New York, Université Duke, Université de Pittsburgh, Université de California à Berkeley, Univeristé de California à Irvine

En 1992, des chercheurs de l’Hôpital de Montréal pour enfants ont débuté une collaboration avec leurs homologues de six établissements américains pour la conduite d’une étude sur le traitement du trouble de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA). Dérivé d’une collaboration antérieure entre la Dre Lily Hechtman, professeure de psychiatrie et de pédiatrie de McGill rattachée à l’Hôpital de Montréal pour enfants, et Howard Abikoff, professeur de psychiatrie de l’Université de New York, ce projet fait intervenir la participation de chercheurs des quatre coins du continent nord-américain (universités Duke, Columbia, de Californie à Berkeley et à Irvine, de Pittsburgh et Centre médical Mont Sinaï). Il porte sur le traitement multimodal de 579 enfants ayant fait l’objet d’un diagnostic de THADA. Âgés entre sept et neuf ans lorsque l’étude a débuté, les enfants ont été répartis de manière aléatoire entre quatre groupes : traitement pharmacologique, thérapie comportementale, traitement pharmacologique associé à une thérapie comportementale et soins communautaires. L’étude durera jusqu’en 2013 au moins et a déjà donné lieu à plusieurs dizaines de publications et ouvert de nouvelles perspectives sur les bienfaits considérables d’un traitement associant médicaments et interventions psychosociales.

Pourquoi s’associer à sept autres établissements de recherche?

En menant la même recherche dans différents centres, il est plus facile de recruter des patients et d’obtenir rapidement l’échantillon voulu. La population de patients est aussi davantage diversifiée, ce qui facilite la généralisation des résultats, sans distinction d’origine ethnique ou de milieu socio-économique ou d’autres facteurs. Les données obtenues permettent de voir de quelle manière certains facteurs peuvent influencer les résultats. Nous avons déjà pu observer que le traitement est moins efficace chez les enfants qui vivent avec un seul de leurs parents.

Vous aviez déjà étudié le THADA avec l’Université de New York. Comment les autres partenariats sont-ils nés?

L’Institut de recherche en santé mentale des États-Unis souhaitait étudier les traitements multimodaux et a invité plusieurs chercheurs et établissements à soumettre des projets. L’Institut en a retenu sept. Ensuite, il a demandé aux sept candidats retenus, qui avaient présenté des projets très différents, de travailler ensemble et de préparer un seul projet qui soit représentatif de leurs atouts respectifs.

Cela n’a pas dû être facile.

Non, et il nous a fallu un an pour y parvenir. Ce proces sus a permis de ne retenir que ceux aptes à travailler en collaboration. Tous ont fait preuve de bonne volonté et nous avons réussi à présenter un seul projet mené de manière identique dans l’ensemble des centres de l’étude.

Quel fut le rôle de l’Institut de recherche en santé mentale dans ce processus?

LilyHechtman_sUn rôle très actif. Ses représentants ont pris part à toutes les réunions et délibérations et au moindre déraillement, ils nous rappelaient fermement à l’ordre! C’était la première fois qu’ils optaient pour cette approche multicentrique, une méthode qu’ils ont expérimentée plusieurs fois depuis.

Une fois les critères d’admissibilité et de traitement uniformisés, y a-t-il eu des « dissidences »?

Pas du tout. Au départ, nous tenions une conférence téléphonique hebdomadaire pour discuter d’un certain nombre de sujets dont les médicaments, la mise en oeuvre et les critères d’admissibilité des enfants; un processus de collaboration et de consultation qui demeure. Si je veux augmenter la dose prescrite à un patient, je dois soumettre une demande au comité de psychopharmacologie constitué de psychopharmacologues de chacun des centres de l’étude. Ainsi, les patients reçoivent de meilleurs traitements, car les décisions à leur sujet prennent appui sur l’expérience collective d’intervenants chevronnés.

Quelles sont les qualités d’un bon partenaire de recherche?

En novembre, l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent s’est réunie lors d’un congrès à Toronto. L’un des conférenciers était Jim Swanson, directeur de l’étude à l’Université de Californie à Irvine. En le présentant, j’ai mentionné que notre collaboration était plus durable que de nombreux mariages! Du coup, je me suis dit que les ingrédients d’un bon partenariat de recherche étaient les mêmes que ceux d’un bon mariage : Beaucoup de confiance et du respect. Il faut aussi que chaque partenaire soit convaincu de la valeur de la contribution de l’autre. Si en plus vous vous appréciez, c’est encore mieux.

Lʼétude multicentrique de suivi du traitement multimodal du THADA chez lʼenfant est financée par les Instituts de recherche en santé des États‑Unis.