De l’hôpital à la maison de retraite… enfin

Pour de nombreuses personnes âgées, le passage de l’hôpital à un centre d’hébergement et de soins de longue durée peut être synonyme de résignation et de dépression – mais que se passe-t-il lorsque cette étape majeure s’accompagne de plusieurs transferts et s’étire dans le temps?

Au début de 2011, Tamara Sussman, professeure adjointe à l’École de service social de McGill, a entrepris une étude longitudinale sur le passage de l’hôpital à un centre d’hébergement et de soins de longue durée chez les personnes âgées du Québec. Cette étude résulte de la mise en place du Programme 68, qui a modifié en profondeur les modalités d’orientation des personnes âgées hospitalisées dont le retour à domicile est compromis. Auparavant, lorsqu’une personne âgée hospitalisée nécessitait des soins de longue durée, elle était dans un premier temps transférée dans l’unité d’évaluation et de soins prolongés de l’hôpital, où elle séjournait jusqu’à ce qu’une place se libère dans l’établissement de soins de longue durée de son choix. Dans le cadre du Programme 68, qui a fait l’objet d’un projet pilote dans deux hôpitaux montréalais et actuellement déployé dans la région du Grand Montréal, les patients âgés sont soumis à un plus grand nombre de transferts. Au cours des 72 heures qui suivent la stabilisation de leur état, les personnes nécessitant des soins de longue durée sont transférées dans l’unité d’évaluation d’un centre d’hébergement, puis dans l’unité de transition d’un autre établissement, avant d’intégrer l’établissement de soins de longue durée de leur choix.

En collaboration avec le Centre hospitalier de St-Mary, la professeure Sussman suit le cheminement des patients et cherche à documenter leur expérience et celle de leurs proches. « À combien de transferts les personnes âgées sont-elles soumises? La nouvelle politique est-elle respectée ou contournée? Quel est l’impact de ces transferts? Leur multiplication est-elle préjudiciable? » L’étude se poursuivra jusqu’à ce que tous les membres de la cohorte intègrent un établissement de soins de longue durée (soit deux ans environ), mais la chercheuse a déjà pu constater que ce processus semble plus pénible pour les proches.

« Renoncer à son domicile peut être une cause de dépression pour les personnes âgées, mais ces dernières ont délégué l’organisation de leur vie quotidienne à leurs proches », explique-t-elle. « Ce sont les membres de la famille qui présentent le plus de stress et d’anxiété, d’une part parce qu’ils doivent prendre des décisions importantes rapidement et d’autre part, parce qu’ils redoutent le moment où il faudra encore changer de lieu d’hébergement, surtout si la personne âgée s’est bien adaptée à son nouvel environnement. La nouvelle politique semble interférer avec leur propre capacité d’adaptation. »

Ces travaux sont financés par le Fonds de la recherche en santé du Québec.