De la découverte à la création

Par Jake Brennan, Danielle Buch, Thierry Harris et Andrew Mullins

Illustrations par Matt Forsythe

Trente-deux recherches (et ça se poursuit…) qui sauvent des vies, détruisent les mauvaises herbes, pincent les voleurs…

À McGill, la création du savoir n’est pas une fin en soi, mais un moyen de concevoir des innovations de nature à changer le monde dans lequel nous vivons. Des vies sont améliorées, voire sauvées, par des idées qui, lentement mais sûrement, parcourent le long chemin qui les sépare du laboratoire au marché. Et oui, la commercialisation des fruits de la recherche stimule notre économie à l’échelle locale, provinciale, nationale et internationale.

Les pages qui suivent présentent un échantillon de recherches menées à McGill améliorant ou ayant amélioré la qualité de vie, des plus « grands succès » soumis à l’épreuve du temps, aux nouveautés en passe de révolutionner le monde de demain. Chacune est la manifestation concrète de la mission de notre université qui est « … de rendre des services à la société dans les domaines où elle possède une expertise reconnue ».

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    1. En Afrique, la mise au point de médicaments » sur le terrain , à l’aide de ressources locales, est essentielle pour combattre les maladies parasitaires. Timothy Geary, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biotechnologie parasitaire, et Eliane Ubalijoro, de l’Institut d’étude du développement international de McGill, mettent à profit une subvention de 100 000 dollars de la Fondation Bill et Melinda Gates pour déployer des programmes de R.-D. de médicaments antiparasitaires faisant appel aux ressources locales au Botswana, en Afrique du Sud et dans d’autres pays du continent africain. En encourageant le recours à une technologie simple, faisant appel à des microbes génétiquement modifiés pour exprimer des protéines parasites, les chercheurs peuvent facilement vérifier la présence d’agents antiparasitaires dans des espèces botaniques indigènes. Ce dispositif peut donner aux chercheurs africains un moyen durable de contrôler la destinée de composés mis au point dans leur pays, plutôt que de compter sur des technologies occidentales importées (qui, l’histoire l’a montré, sont extrêmement difficiles à maintenir en bon état de marche) ou sur des accords qui favorisent inutilement les partenaires occidentaux. L’objectif est de donner aux chercheurs africains les moyens de concevoir, de commercialiser et d’octroyer la licence de nouveaux médicaments abordables pour lutter contre les infections parasitaires, telles que la cécité des rivières et la filariose lymphatique qui touchent des centaines de millions de personnes, ou encore le paludisme, qui tue chaque année un million de personnes (essentiellement des enfants) dans les pays tropicaux.

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    1. En cas de diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique (quatrième cause de décès au Canada), la seule chose que le médecin puisse faire pour ralentir l’évolution de cette affection incurable et mortelle est, dans bien des cas, de recommander de cesser de fumer. Aujourd’hui, les travaux réalisés au Département de chimie de McGill par Masad J. Damha pourraient contribuer à inverser les effets de la maladie pulmonaire obstructive chronique. En modifiant la structure d’acides nucléiques par l’altération chimique de l’unité sucre de la chaîne d’oligonucléotides, Masad Damha a montré qu’il est possible de « neutraliser » les gènes à l’origine de l’inflammation pulmonaire. Avec ses collaborateurs, le Pr Damha a fondé en 1999 la société Anagenis pour exploiter les puissantes propriétés de ces oligonucléotides. Topigen Pharmaceuticals, une société spécialisée dans les troubles respiratoires, a fait l’acquisition d’Anagenis et de la technologie de neutralisation des gènes mise au point par cette équipe en 2004. Le développement clinique est prévu pour 2009.
    2. Si vous aimez Miles Davis, vous aimerez… Kanye West. Le professeur de psychologie Daniel Levitin, en collaboration avec Yoshua Bengio et Douglas Eck de l’Université de Montréal ainsi que Robert Gérin- Lajoie du Centre interuniversitaire de recherche CIRANO, ont mis au point un logiciel qui peut prédire les chansons qu’aimeront les auditeurs, en fonction de leurs préférences et données personnelles. Selon la Fédération internationale de l’industrie phonographique, environ 1,4 milliard de chansons ont été téléchargées légalement dans le monde en 2008; ce nouveau logiciel, baptisé Shazam (à ne pas confondre avec l’application iPhone du même nom), pourrait aider encore plus d’amateurs de musique à trouver les morceaux qu’ils aiment, même s’ils ne les ont encore jamais entendus. Amazon, Microsoft et Apple proposent le même type de logiciel, mais Shazam a la particularité d’extraire des informations intelligentes directement à partir de morceaux de musique comme le rythme, le genre et le style. Les chercheurs ont créé ce logiciel en exploitant une base de plus de 100 000 chansons donnée par Warner Bros. Leur technologie a été cédée sous licence à Double V3, concepteur d’applications numériques et Internet, désormais la propriété de Nexio et Zanura.
    3. Le professeur de psychologie Mark Baldwin et ses étudiants de 2e/3e cycles sont parvenus à gagner une part du marché en constante évolution des jeux vidéo avec une série de jeux destinés à stimuler l’estime de soi, du nom de Mindhabits. Vendus en ligne et en boutique, ces jeux, qui ont beaucoup de succès sur les marchés européens, sont inspirés des principes psychologiques de l’association, l’inhibition et l’activation. Dans l’un d’eux, les joueurs doivent trouver des termes qui évoquent l’amitié (sachant que de nombreuses recherches ont montré que la moindre évocation de cette notion aide à mieux faire face au stress); dans un autre, ils s’entraînent à se débarrasser de leurs pensées négatives en cliquant sur des visages souriants et en ignorant les visages renfrognés. Une étude publiée dans la revue de l’Association américaine de psychologie a démontré que seules cinq minutes de jeu quotidiennes suffisent à réduire de 17 pour cent le niveau hormonal de stress chez les joueurs. Mindhabits permet également de mesurer et de suivre le niveau de confiance en soi et de stress au quotidien. En 2007, ces jeux ont remporté le premier prix du Grand concours du jeu vidéo canadien de Téléfilm Canada, d’une valeur de 1,3 million de dollars. Cette somme permettra à l’équipe de concevoir un jeu compatible avec différentes plates-formes. Mindhabits devrait être compatible avec la console Nintendo DS et diverses plates-formes mobiles d’ici la fin de l’année.

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    1. Inventez une étiquette antivol plus économique et le monde (ou du moins ses boutiques et ses bibliothèques) sera à vos pieds! Les étiquettes antivol sont toutes munies de deux éléments : un élément actif (qui déclenche une alarme) et un élément qui neutralise l’élément actif. En combinant la technique de la galvanoplastie à un fil en acier inoxydable spécialement formaté, le professeur émérite de physique John Ström-Olsen et son entreprise MXT ont amalgamé pour la première fois le composant actif et celui servant à la désactivation en un seul et même élément, ouvrant ainsi la voie à la fabrication d’étiquettes meilleur marché, plus faciles à manipuler et à produire. Le coût de fabrication de cette étiquette antivol (avatar fortuit d’un projet qui n’a pas abouti) est d’environ 60 pour cent celui des autres. Commercialisée en 2005, cette technologie a déjà gagné d’importantes parts de marché en Europe, en Amérique du Nord et en Asie.

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    1. Pour les spécialistes des fonds marins, les terres humides, les récifs de corail, les marais et les eaux peu profondes sont parfois difficiles d’accès, surtout s’ils souhaitent éviter de perturber la faune. Sous l’égide du projet Aqua, le professeur de génie Greg Dudek et des chercheurs du Centre de recherche sur les machines intelligentes, le professeur de biologie Donald Kramer et son étudiante de 2e/3e cycles Katrine Turgeon, aidés de Michael Jenkins de l’Université York, s’attachent à remédier à ce dilemme en inventant trois modèles de robots amphibiens capables de recueillir des données vidéo. Commercialisés par Independent Robotics, ces robots autonomes sont munis de six pales indépendantes et de capteurs acoustiques et peuvent « naviguer » en douceur en eau profonde ou peu profonde.
    2. Plus les ordinateurs deviennent petits, intelligents et écologiques, plus leurs fabricants ont besoin d’évaluer l’usage potentiel de différents nanomatériaux. Avec son équipe, le professeur de physique Hong Guo a élaboré un logiciel qui pourra être particulièrement utile à ce chapitre. Fondé sur la théorie de la densité fonctionnelle, ce logiciel simule les propriétés électriques des nanostructures, puis modélise leur performance dans des systèmes hypothétiques à grande échelle, en simulant la performance de transistors (ainsi que de capteurs et cellules photoélectriques) d’ordinateurs. L’utilisation de ce logiciel devrait réduire le coût de fabrication des prototypes. La PI mcgilloise liée à ce logiciel a été concédée sous licence à une entreprise en démarrage québécoise.

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    1. Le logiciel interactif en ligne Abracadabra a le pouvoir d’améliorer considérablement le taux d’alphabétisation au Canada. Abracadabra propose des jeux et exercices amusants de lecture, d’orthographe, de vocabulaire et de compréhension aux enfants et à leurs parents. Les enseignants ont quant à eux accès à diverses ressources, telles que des manuels et bilans de compétences pour les aider à mieux cibler les besoins d’apprentissage. Contrairement à d’autres outils en ligne, Abracadabra est entièrement gratuit. Le professeur en sciences de l’éducation de McGill et spécialiste de l’alphabétisation Robert Savage est à l’origine des travaux ayant abouti à la conception d’Abracadabra. Le projet était dirigé par Philip Abrami du Centre d’étude sur l’apprentissage et la performance de l’Université Concordia, avec la participation de chercheurs de l’Université Wilfrid Laurier et de l’Université de Lethbridge. Abracadabra est utilisé partout dans le monde et les chercheurs s’attachent à présent à concevoir un outil comparable pour l’écriture.

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    1. Voilà plus de trente ans qu’Alan K. Watson, professeur de phytotechnie à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement sur le campus Macdonald de McGill, s’efforce de trouver des solutions vertes aux pesticides. Ses recherches sur les herbicides biologiques l’ont conduit dans des exploitations agricoles partout au Québec, mais aussi en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, où il a sondé les sols à la recherche d’organismes capables de s’attaquer aux mauvaises herbes, lesquelles entraînent des pertes annuelles de récoltes de plusieurs millions de dollars. De 1988 à 1998, le Pr Watson a participé, avec l’Université de Guelph, le Collège d’agriculture de la Nouvelle-Écosse, le Syndicat du blé de la Saskatchewan, le CRSNG et des partenaires de l’industrie, à un projet de lutte contre le pissenlit financé par le gouvernement fédéral. Ces travaux ont conduit à la découverte de Sclerotinia minor, un champignon isolé sur la laitue qui détruit les mauvaises herbes à feuilles larges (comme le pissenlit), sans pour autant nuire aux vers de terre, aux abeilles, aux oiseaux, aux animaux et aux humains. Le Pr Watson a breveté Sclerotinia minor et conclu un accord de licence exclusif avec l’Université. En 2004, il a fondé la société dérivée Sarritor avec son fils Jeff et un groupe de responsables de l’entretien de pelouses, dont l’intérêt a été éveillé par les restrictions municipales et provinciales sur l’usage de pesticides chimiques tels que 2,4-D. Sclerotinia minor est cultivé en laboratoire sur des grains d’orge qui sont ensuite dispersés dans les cultures par temps humide, au printemps et à l’automne. Commercialisé sous le nom de Sarritor, Sclerotinia minor sera vendu au Canada au printemps, et aux États-Unis au cours des prochaines années.

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    1. Imaginez un dispositif portatif comme le tricordeur de Star Trek capable de mesurer la quantité de liquide autour des poumons d’un patient atteint d’œdème pulmonaire par simple contact de la peau ou grâce à une sonde à fibre optique pour surveiller la santé du fœtus ou de la mère, ou un dispositif qui mesure en temps réel la santé des tissus. La mise au point d’outils de diagnostic non invasifs fait partie des objectifs du professeur de chimie David Burns et de ses travaux sur la biospectroscopie et les biocapteurs. En 2000, au cours d’un congé sabbatique, il a découvert qu’il pouvait évaluer la santé des vaches en utilisant une technique de mesure spectroscopique pour rechercher certains biomarqueurs dans leur lait. Dans le cadre de travaux menés ultérieurement en collaboration avec Kristine Koski, directrice de l’École de diététique et de nutrition humaine de McGill, le Pr Burns a appliqué cette découverte à l’analyse du liquide amniotique humain pour la surveillance de la croissance du fœtus et l’évaluation du poids à la naissance. Avec le neurologue Hyman Schipper, il a utilisé la détection des modifications oxydatives des composés sanguins afin de les corréler à l’apparition de troubles neurodégénératifs comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. En 2005, McGill a conclu un accord de licence pour l’ensemble de son portefeuille de brevets avec une jeune société du nom de Molecular Biometrics, cofondée par les Prs Burns, Koski et Schipper. Aujourd’hui, cette entreprise tente de valoriser une autre invention du Pr Burns pour des applications relatives aux techniques d’aide à la reproduction.

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    1. Les pionniers de la médecine comme Wilder Penfield de l’Institut neurologique de Montréal (INM) n’auraient sans doute jamais connu le succès sans l’apport d’ingénieurs talentueux pour construire les instruments nécessaires à leurs recherches. L’un d’eux, Leon Katz, a travaillé pendant deux ans à l’INM aux côtés de Wilder Penfield avant d’intégrer l’Hôpital général juif, où il a créé le premier Laboratoire de radio-isotopes médicaux du Canada. Leon Katz a contribué à généraliser l’utilisation de l’iode radioactive dans la cartographie thyroïdienne, une technique de diagnostic encore largement en usage aujourd’hui. Officier de l’Ordre du Canada, Leon Katz a également conçu et manié le cœur-poumon artificiel employé pour la première chirurgie à cœur ouvert au Canada en 1957. Après avoir inventé plusieurs dispositifs médicaux, Leon Katz a intégré Santé Canada, où il a contribué à l’élaboration de règles de sécurité applicables aux dispositifs médicaux.

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    1. Au-delà de la gêne qu’elles occasionnent, les piqûres de moustiques sont chaque année porteuses de mort pour plus de trois millions de personnes dans le monde. À l’heure actuelle, le processus de détection manuelle des parasites du paludisme est à la fois laborieux et lent, et nécessite une importante main-d’œuvre spécialisée sur place. Ce sont là des inconvénients majeurs pour une maladie dont la détection précoce réduit de manière spectaculaire les risques de complication et de mortalité, mais dont la prévalence est particulièrement élevée dans les régions pauvre et éloignées. Le professeur de physique et de chimie Paul Wiseman espère améliorer ce constat en y ajoutant de la couleur. Paul Wiseman et ses collègues ont eu l’idée d’utiliser conjointement le laser et la technologie de tri cellulaire pour créer un prototype de dispositif de détection du paludisme qui permettra d’identifier les cellules infectées par la couleur de la lumière émise par l’hémozoïne – pigment malarique – sans la moindre intervention manuelle. Plus rapide, facile à transporter et abordable, ce prototype devrait être prêt cet automne. Il est attendu avec impatience par le demi-milliard de personnes qui contractent le paludisme chaque année.

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    1. Lorsqu’un avion gagne en altitude ou amorce sa descente à travers les nuages, des gouttelettes super-refroidies percutent ses ailes, son fuselage, les vitres de son cockpit, ses instruments extérieurs et ses moteurs. Ces gouttelettes peuvent soit geler immédiatement, soit glisser le long de la carlingue avant de geler à l’arrière de l’appareil. En apparence inoffensives, ces gouttelettes peuvent sérieusement compromettre l’aérodynamisme et la manipulation de l’appareil, souvent avec des résultats catastrophiques. C’est pour cette raison qu’avant d’être certifié, chaque nouveau modèle d’avion est soumis à des essais en vol longs et très élaborés afin que le risque de givre soit complètement écarté. Mais comment tester les effets de la formation de givre en vol sans mettre des vies en danger et surtout avant que l’avion n’assure de vols réguliers? Aidé de son équipe, le professeur de génie mécanique Wagdi George Habashi, directeur du Laboratoire de dynamique informatisée des fluides de McGill, a mis au point un logiciel de simulation du nom de FENSAP-ICE qui permet aux ingénieurs en aérospatiale de modéliser la formation de givre sur les avions dans différentes conditions météorologiques, vitesses et altitudes. Ce système, commercialisé par Newmerical Technologies International, est le seul qui permette de générer des prédictions en trois dimensions de l’écoulement de l’air, de l’impact des gouttelettes, de l’accumulation de la glace ainsi que de la dégradation de la qualité du vol, mais aussi, et surtout, de la chaleur idéale nécessaire pour empêcher la formation de givre. Ce logiciel permet aux ingénieurs de modifier leurs plans en cours d’élaboration, que ceux-ci concernent des avions à turbopropulseurs, des hélicoptères ou des avions à réaction, et donc d’améliorer leur sécurité. FENSAP-ICE est utilisé par de nombreuses entreprises en Amérique du Nord, en Europe, en Chine, au Japon, en Inde et en Corée, et plus particulièrement par des géants de l’aéronautique comme Bombardier, Airbus, Boeing, Northrop Grumman, Lockheed Martin, GE Aircraft Engines, Snecma Moteurs, Mitsubishi, AVIC, Bell Helicopter et Eurocopter.

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    1. Les probiotiques sont des micro-organismes utiles à la bonne santé du tractus gastrointestinal. Satya Prakash, directeur du Laboratoire de recherche en technologie biomédicale et thérapie cellulaire au Département de génie biomédical de McGill, conçoit des cellules probiotiques artificielles spécialisées ciblant des pathologies comme l’hypercholestérolémie, la stéatose hépatique et le cancer du côlon. De concert avec le Dr Mitchell Jones et Ryan Elliot Jones, tous deux diplômés mcgillois, le Pr Prakash a fondé la société essaimée Micropharma, vouée à l’utilisation de ces cellules en santé humaine. Mentionnons qu’à l’heure actuelle, certaines de ces cellules font l’objet d’essais cliniques chez l’humain.

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    1. En 1960, le physicien nucléaire Robert Bell a été nommé titulaire de la Chaire Ernest Rutherford de physique : un titre qu’il a honoré avec brio en apportant des contributions essentielles à la discipline créée par Rutherford. Parmi celles-ci figurent la découverte de la radioactivité des protons (qui a abouti aux techniques de spectrométrie) et l’invention d’une méthode de calcul de la période radioactive jusqu’à une fraction de milliardième de seconde.
    2. Au début des années 1990, les chercheurs ont commencé à recueillir de nouvelles données sur la mort cellulaire programmée (ou apoptose, phénomène naturel qui provoque la mort des cellules) et un professeur de biochimie de McGill, Gordon C. Shore, s’est intéressé à ce phénomène et à son application dans le traitement du cancer. Ses recherches l’ont conduit à créer Gemin X Pharmaceutiques en 1998 avec le professeur de chimie Phil Branton. Leur principal produit, un modulateur de la voie de l’apoptose du nom d’Obatoclax, a déjà montré son utilité dans le traitement de la leucémie lymphocytaire chronique au stade avancé et fait actuellement l’objet d’un important essai clinique randomisé de phase II chez des patients atteints d’un cancer du poumon à petites cellules. Ce médicament est administré par voie intraveineuse en association avec des agents de chimiothérapie dans le but d’améliorer l’efficacité du traitement et les chances de survie du patient de manière considérable.
    3. Au début des années quarante, lorsque Harold Randall Griffith était chef du service d’anesthésie de l’Hôpital homéopathique de Montréal, les patients de chirurgie étaient anesthésiés par inhalation d’éther et d’autres gaz, susceptible d’entraîner la mort ou, à tout le moins, de donner lieu à un rétablissement des plus douloureux. Jusqu’à ce que le Pr Griffith entende parler d’un extrait de plante vénéneuse qui, administré en petite quantité, empêchait les convulsions. C’est ainsi qu’en 1942, il est le premier à utiliser le curare comme anesthésique chirurgical Harold Randall Griffith a prouvé que l’administration attentive de curare relaxait suffisamment les muscles pour autoriser la réduction de doses d’anesthésiques. Le curare a ouvert la voie à l’élaboration de plusieurs autres médicaments comparables utilisés encore aujourd’hui dans les blocs opératoires.

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    1. Non seulement la synthèse et l’évaluation de composés en laboratoire, dans l’espoir de trouver un nouveau médicament-candidat, est-elle « antiécologique », mais elle est également outrageusement coûteuse. C’est pour cette raison que le professeur agrégé de chimie Nicolas Moitessier s’attache, avec les membres de son équipe, à mettre au point un logiciel qui étudie le comportement des médicaments in silico. Dans une banque de plus de deux millions de cibles, ce logiciel permet de sélectionner les molécules qui se lieront à une cible protéique spécifique, d’évaluer virtuellement la possibilité de les synthétiser, puis d’en tester l’activité sans salir la moindre éprouvette et à très peu de frais (et de temps). Utilisé par des entreprises pharmaceutiques comme ViroChem Pharma et MethylGene, le programme FITTED (Flexibility Induced Through Targeted Evolutionary Description) en est aujourd’hui à la version 2.6. et une nouvelle version est en cours d’élaboration. Une large plate-forme de découverte moléculaire du nom de Forecaster, qui intègre FITTED et plusieurs programmes élaborés par l’équipe du Pr Moitessier, devrait être disponible plus tard cette année.

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    1. Avant les travaux d’Hans Selye, le stress renvoyait aux pressions exercées sur un objet et non sur une personne. En 1934, alors qu’il cherchait à caractériser une nouvelle hormone féminine, le jeune endocrinologue a remarqué des similitudes dans la manière dont les rats répondaient aux injections, même si on leur administrait différents composés chimiques. Hans Selye n’a jamais trouvé cette hormone, mais il a en revanche découvert qu’il existait une réponse biologique au stress. En 1936, il publie un article révolutionnaire dans lequel il explique que le corps humain réagit au stress par étapes. L’organisme répond dans un premier temps par un état d’alerte et tente de combattre la source du stress et essaie, dans un deuxième temps, de s’y adapter. Enfin, le stress occasionne un effet de vieillissement provoquant des lésions. L’influence de ces travaux ne s’est pas limitée aux cercles médicaux. Deux de ses ouvrages, Le stress de la vie et Le stress sans détresse, ont connu un succès international en librairie.
    2. En 1965, le professeur Samuel Freedman et le doctorant Phil Gold ont découvert une protéine qu’ils ont baptisée antigène carcino-embryonnaire ou ACE. L’organisme produit cet antigène en réponse à certains cancers (particulièrement en cas de cancer du tractus gastrointestinal, du côlon et du rectum), d’où l’utilité de cette protéine comme marqueur tumoral. Le test sanguin pour le dosage de l’ACE reste l’un des plus utilisés aujourd’hui pour évaluer l’étendue du cancer et détecter les rechutes postchirurgicales.

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    1. Chirurgien audacieux et talentueux, Wilder Penfield est à l’origine de la création de l’Institut neurologique de Montréal (INM) en 1934. Le Dr Penfield a aussi mis au point la technique de Montréal, une procédure neurochirurgicale révolutionnaire qui permet d’identifier les foyers épileptiques sans recourir à l’anesthésie. Ce travail de pionnier a ouvert la voie à de nombreuses innovations à l’INM. En 2007, le gouvernement canadien confère à l’Institut le statut de Centre d’excellence en commercialisation et en recherche pour ses remarquables travaux novateurs. Le gouvernement a depuis financé 37 projets de recherche fondamentale de pointe, de recherche translationnelle et de commercialisation. Parmi ceux-ci figurent des technologies pour la détection automatique des lésions épileptiques résistantes aux médicaments, une unité de cartographie cérébrale préchirurgicale par IRMf et un dispositif informatisé pour mesurer les mouvements simples et complexes de la main et du bras. Ces projets ont déjà eu d’importantes retombées, accélérant les nouvelles recherches sur les fondements biologiques des maladies neurologiques, en neuroingénierie ainsi qu’en neurosciences translationnelles et appliquées.

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    1. Lorsque Maude Abbott a intégré McGill à titre de conservatrice adjointe du Musée de la médecine du Département de pathologie, on savait peu de choses sur la réparation chirurgicale des lésions cardiaques. Dans le cadre de ses travaux, elle a recueilli et étudié le cœur de personnes décédées de maladies cardiaques. Elle a également fait une recherche dans les dossiers d’archives, identifiant et cataloguant minutieusement les anomalies cardiaques détectées lors d’autopsies. Toutes ces recherches ont abouti à la publication en 1936 de l’Atlas des cardiopathies congénitales, qui établit les bases de la chirurgie cardiaque moderne en donnant aux médecins l’accès à un ouvrage détaillé sur l’anatomie du cœur humain.

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    1. En 1911, le scientifique allemand Otto Röhm invente une substance souple, transparente et résistante. L’ennui est que le principal ingrédient entrant dans sa fabrication, le méthacrylate de méthyle, est difficile à trouver. Mais c’est compter sans William Chalmers, étudiant de 2e/3e cycles, qui travaille avec le Pr George Whitby au Département de chimie. William Chalmers a conçu une nouvelle méthode de fabrication du méthacrylate de méthyle à l’aide d’acétone et de cyanure d’hydrogène, tous deux faciles à se procurer. Sachant que la société britannique Imperial Chemical Industries (ICI) menait le même type de recherche, William Chalmers leur a vendu son brevet. L’une des premières applications commerciales du perspex (ou plexiglas) mis au point par ICI est la fabrication d’écrans transparents pour les tourelles de mitrailleuses des bombardiers B-19. Aujourd’hui, le plexiglas est utilisé autour des patinoires de hockey (barrières transparentes qui protègent les spectateurs de rondelles égarées) et dans la fabrication d’aquariums, de lentilles de contact et de casques de motocyclette.
    2. Environ 25 pour cent des hôpitaux canadiens utilisent l’électroencéphalographe (EEG) Harmonie, conçu par le professeur de l’Institut neurologique de Montréal Jean Gotman, pour le diagnostic de l’épilepsie – et il y a plus d’appareils Harmonie utilisés hors des frontières du Canada que sur le territoire canadien. Commercialisé en 1986 par Stellate Systems – la toute première société dérivée mcgilloise – l’EEG Harmonie est aujourd’hui vendu par Alpine Biomed. Jean Gotman poursuit ses recherches sur l’épilepsie et associe l’imagerie par résonance magnétique à l’EEG pour examiner des images du cerveau au moment même où se produisent les convulsions, dans l’espoir de mieux comprendre les structures cérébrales touchées et de définir, avant l’intervention chirurgicale, les contours des foyers épileptiques.

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    1. En 1901, à l’occasion d’une conférence, le professeur de physique Ernest Rutherford présente une théorie surprenante (selon laquelle la radioactivité est le produit d’atomes fracturés) qui lui vaut les railleries d’un jeune chercheur du Département de chimie. Malgré ces débuts peu prometteurs, ce sceptique, Frederick Soddy, devait devenir en l’espace de quelques mois le principal collaborateur du Pr Rutherford dans le cadre d’une recherche qui leur a valu à tous deux le Prix Nobel (en 1908 pour Rutherford et en 1921 pour Soddy). S’opposant à la théorie alors largement répandue selon laquelle les atomes étaient indivisibles et immuables, le duo a démontré que les atomes pouvaient se désintégrer spontanément et former, par voie de conséquence, une nouvelle matière. Bien que de nombreux contemporains se soient moqués d’eux et aient qualifié cette découverte d’alchimie, les théories de Rutherford ont rapidement été acceptées, et il est aujourd’hui universellement reconnu comme le père de la physique et de l’énergie nucléaires.

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    1. Si les inventions médicales porteuses de guérison sont acclamées haut et fort, force est de constater que l’on s’intéresse moins à préserver la dignité et à soulager les souffrances en fin de vie. Le jour où l’oncochirurgien Balfour Mount a voulu se renseigner sur les soins prodigués aux malades en phase terminale, il fut surpris de découvrir que les publications sur la question étaient pratiquement inexistantes. Inspiré par Dame Cicely Saunders, Balfour Mount a créé la première unité de soins palliatifs d’Amérique du Nord à l’Hôpital Royal Victoria (HRV) et hissé cette forme de soins au rang de spécialité médicale à part entière (certains lui attribuent même l’invention du terme). Publié en 1982, le Manuel sur les soins palliatifs de l’HRV a servi de guide à de nombreux programmes similaires dans le monde.
    2. Les cellules ne font pas la sieste! Lorsque le biologiste cellulaire Charles Philippe Leblond a fait cette déclaration durant les années quarante, la plupart de ses collègues étaient alors convaincus que les cellules n’étaient actives qu’occasionnellement. Le Pr Leblond pensait, a contrario, que les cellules étaient toujours actives (et il avait raison). Fort heureusement, il disposait de nombreuses preuves à l’appui issues d’une technologie qu’il a lui-même contribué à perfectionner : l’autoradiographie, une méthode qui consiste à injecter une substance radioactive dans les organismes et à les utiliser comme traceurs pour étudier les processus cellulaires. Créée en 1924, l’autoradiographie était à l’origine une technique plutôt aléatoire. En appliquant une émulsion plus fine sur les lames de verre et en utilisant de meilleurs isotopes radioactifs pour mettre en lumière l’activité étudiée, Leblond et ses collaborateurs ont considérablement amélioré la gestion de l’activité cellulaire. L’autoradiographie continue d’être utilisée aujourd’hui par les biologistes moléculaires qui étudient la localisation de gènes et les séquences d’ADN.

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    1. Il pleut, il pleut à verse… ou il grêle ou… Prédire la quantité et la nature des précipitations est essentiel pour les populations humaines et les espèces aquatiques aux prises avec les débordements du réseau d’égouts. C’est aujourd’hui chose faite, grâce à Isztar Zawadzki, ancien directeur de l’Observatoire radar météorologique J. S. Marshall de McGill et à son logiciel ARMOR (Adjustment of Rain from Models with Radar), cédé sous licence à la société américaine Weather Decision Technologies, qui combine de nouvelles techniques radars à l’analyse d’erreurs de prévision des 24 heures précédentes pour prédire la nature et le volume des précipitations des 10 à 12 prochaines heures avec une précision inégalée à ce jour. Plusieurs villes utilisent ce logiciel permettant d’atténuer les risques de pollution aquatique, de dommages aux infrastructures et d’inondation. Car s’il pleut à verse, faut-il nécessairement que cela occasionne des inondations?

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    1. Adieu le verre, bonjour le plastique intelligent. Les recherches menées par le professeur de génie informatique et électrique Ishiang Shih et le professeur de chimie des matériaux Mark Andrews ont ouvert la voie à la création de pellicules fines et souples dans lesquelles sont intégrés des éléments optiques, électriques et mécaniques. Les écrans ultrafins fabriqués à partir de plastique intelligent promettent d’être plus légers, plus résistants et plus économiques que les écrans ACL dont sont munis les ordinateurs et pourraient mener à la création d’écrans que l’on roule comme un tapis de yoga. Le « plastique numérique » primé est conçu par une entreprise essaimée mcgilloise du nom de Plastic Knowledge, cofondée par les deux professeurs. Financée par la société montréalaise iNovia Capital, cette entreprise vient de signer un protocole d’accord avec un fabricant international de pellicules plastiques pour poursuivre le développement du produit.

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    1. En 1956, Thomas Chang, étudiant de 1er cycle en physiologie, a créé les premières cellules sanguines artificielles du monde dans sa chambre d’étudiant. Muni d’un atomiseur à parfum bon marché et de l’autorisation de camarades de chambre forts tolérants, Thomas Chang a créé de minuscules membranes en plastique qui pouvaient contenir de l’hémoglobine, le composé des globules rouges chargé du transport de l’oxygène et de l’élimination du gaz carbonique. Son succès (il est l’un des rares étudiants à avoir publié un article sous son nom exclusif dans la prestigieuse revue Science) est à l’origine de la biotechnologie. Thomas Chang est directeur du Centre de recherche sur les cellules et les organes artificiels de McGill depuis les années 1960. Ses découvertes sur les troubles métaboliques, le traitement d’intoxications médicamenteuses, les transporteurs de médicaments, la nanomédecine et d’autres domaines, sont aujourd’hui largement utilisées.

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  1. Sans le savoir, Bernard Belleau a sauvé des millions de vies. Lancé en mars 1987, l’AZT (zidovudine) était la seule solution pour combattre le VIH, mais ce médicament avait aussi le défaut d’occasionner des effets secondaires délétères et d’en accélérer l’immunité contre les propriétés anti-VIH. En quête d’une solution, le professeur de chimie s’est attaché à synthétiser le 3TC (lamivudine), un composé que Mark Wainberg, directeur du Centre SIDA McGill, a utilisé pour réduire la ténacité du taux de réplication du VIH, tout en évitant les désavantages de l’AZT. Bernard Belleau est décédé en 1989, six ans avant que ne se terminent les essais cliniques du 3TC. Commercialisé par BioChem Pharma (cofondé par Belleau), l’antiviral est à l’origine de l’élaboration d’un véritable « cocktail » anti-VIH (traitement antirétroviral hautement actif – TAHA) qui a permis de réduire le taux de mortalité dû au sida.
  2. On ne l’appelle pas travail pour rien. Et même si l’accouchement ne sera jamais une partie de plaisir, un logiciel permet aujourd’hui de soulager la tension en aidant les équipes soignantes à prendre de meilleures décisions, plus rapidement. Conçu par la professeure d’obstétrique Emily Hamilton, CALM (Computer Aided Labour Monitoring – surveillance du travail assistée par ordinateur) recueille et analyse les constantes vitales de la mère et du fœtus en temps réel. Utilisé par plus de 100 hôpitaux au Canada et aux États-Unis, le logiciel CALM permet aux cliniciens, sur place ou au moyen d’une interface sur le Web, de déterminer plus précisément à quel moment il convient d’intervenir (notamment pour pratiquer une césarienne), permettant ainsi un accouchement plus sûr et plus heureux.