Combattre la maladie d'Alzheimer grâce à la 3D

Par Paul Atkinson

Le vieillissement du cerveau accroît le risque de développer une maladie neurodégénérative de type Alzheimer. En obtenant une image (littéralement) plus claire du cerveau vivant atteint de la maladie d’Alzheimer à chaque étape de l’évolution de la maladie, le spécialiste de l’imagerie cérébrale Alan Evans contribue à accélérer la recherche à l’égard de nouveaux traitements prometteurs.

De l’extérieur, il est possible – et troublant – d’observer les ravages de la maladie d’Alzheimer. Le symptôme classique est bien sûr la perte de mémoire perturbatrice, mais il y a également d’autres indications selon lesquelles le fonctionnement du cerveau a subi des changements. L’on peut remarquer une confusion extrême à l’égard du moment et du lieu. Des problèmes débilitants en ce qui a trait à la parole et au langage, voire des changements bouleversants sur le plan de la personnalité. Mais que savons-nous des changements à l’intérieur du cerveau qui s’affaiblit? Si l’on vous demandait de repérer l’auteur de cette maladie, sauriez-vous identifier l’organe coupable, en ne vous fiant qu’aux caractéristiques physiques? Si oui, quel serait l’aspect révélateur? Voilà les questions auxquelles Alan Evans s’attache à répondre.

Alan Evans

Directeur du Laboratoire de neuroimagerie ECE du Centre d’imagerie cérébrale McConnell et du Consortium pour la recherche en imagerie cérébrale de Montréal, le chercheur Alan Evans est un spécialiste de la modélisation tridimensionnelle du cerveau vivant, et son objectif est de comprendre les pathologies neurologiques en profondeur. « En fait, nous tentons de comprendre l’évolution naturelle de la maladie, explique-t-il. Dans quelles zones du cerveau observe-t-on des changements anormaux quant à l’épaisseur du cortex, au fur et à mesure de l’évolution de la maladie d’Alzheimer? Comment cette cartographie cérébrale permet-elle d’expliquer certains comportements tels que les troubles du langage? Comment faire le lien entre l’amincissement du cortex, les troubles cognitifs et les facteurs génétiques? »

Formé en physique à l’Université de Liverpool et titulaire d’un doctorat en biophysique, le Pr Evans a utilisé une technique mise au point à McGill qui produit des images tridimensionnelles par imagerie par résonance magnétique d’un cerveau vivant en développement. L’IRM peut être répétée, facilitant ainsi la réalisation d’études longitudinales, au fur et à mesure de la progression de la maladie. La nouvelle technologie lui a permis de découvrir le lien entre l’amincissement du cortex cérébral et l’apparition de troubles cognitifs légers et de la maladie d’Alzheimer.

« Comprendre les mécanismes neuropathologiques au fur et à mesure de leur évolution chez des sujets vivants permet de se faire une idée plus précise des processus pathologiques en cause et, en dernier ressort, d’élaborer des interventions », explique le Pr Evans. « Grâce à l’imagerie, nous pouvons mieux appréhender les changements qui se produisent au fil du temps dans les réseaux du cerveau normal et les comparer aux réseaux d’un cerveau atteint de la maladie d’Alzheimer. »

Le Pr Evans est également le chercheur principal du réseau de recherche national CBRAIN et du réseau international GBRAIN. Financés par le Réseau évolué de recherche et d’innovation du Canada, ces réseaux permettent de regrouper les données de recherche de plusieurs centres d’imagerie cérébrale dans le monde sur une plateforme centrale et unifiée. Grâce à sept superordinateurs répartis sur le territoire canadien, la plateforme CBRAIN permet aux chercheurs de partager des données d’imagerie cérébrale en 3D et 4D (grâce auxquelles ils peuvent suivre l’évolution des images en 3D au fil du temps) obtenues dans le cadre d’essais cliniques et de projets de recherche de grande envergure, d’analyser les données existantes, de traiter leurs propres données et d’ajouter leurs résultats aux différents projets en cours. Les utilisateurs à distance peuvent aussi verser leurs données aux vastes bases hébergées dans des sites à distance et visualiser leurs résultats sous la forme d’images en 3D en temps réel. Ainsi, un chercheur qui étudie la maladie d’Alzheimer ou l’autisme peut mesurer l’épaisseur du cortex de plusieurs centaines d’images de cerveaux individuels ou étudier les changements physiologiques dans un cerveau en l’espace de quelques millisecondes, voire ses changements structurels au fil des années.

Démence à la hausse :

Selon la Société Alzheimer du Canada, un Canadien développe une forme de démence toutes les cinq minutes. D’ici 2038, ce phénomène concernera une personne toutes les deux minutes, soit plus de 257 000 personnes par an.

« CBRAIN est un moteur mis à la disposition de tous qui permet de colliger et d’archiver d’importants volumes de données d’imagerie du monde entier afin de mieux lutter contre les maladies comme la maladie d’Alzheimer », explique le Pr Evans.

Grâce à CBRAIN et GBRAIN, les chercheurs peuvent mener des études de grande envergure auprès de milliers de sujets, études qu’il serait tout bonnement impossible de réaliser dans un seul laboratoire. Le partage de ressources évite par ailleurs aux chercheurs de refaire ce qui est déjà fait et permet à plusieurs projets de recherche sur la maladie d’Alzheimer de voir le jour, y compris ceux qui auraient été abandonnés en raison de l’investissement considérable en temps qu’ils nécessitent. De cette manière, ce réseau aide les chercheurs à affiner toujours plus leur connaissance des mécanismes de la maladie et des moyens de la combattre.

« Nous tentons de combiner trois domaines d’acquisition de données – comportement, imagerie et génétique – dans une perspective fondée sur une multitude de variables, pour voir s’il existe des groupes de déficits fortement prédictifs de l’évolution de la maladie. Quels phénomènes observons-nous par exemple chez une personne qui évolue, disons, d’un déficit cognitif léger vers la maladie d’Alzheimer? Telles sont aujourd’hui les questions que posent les neurosciences », conclut le Pr Evans.

Le Pr Alan Evans est titulaire de la Chaire de neurologie, psychiatrie et génie biomédical James McGill et chercheur principal au sein des Instituts de recherche en santé du Canada. Il est directeur du Laboratoire de neuroimagerie ECE du Centre d’imagerie cérébrale McConnell et du Consortium pour la recherche en imagerie cérébrale de Montréal. Il est également chercheur principal des projets CBRAIN et GBRAIN, financés par le Réseau évolué de recherche et d’innovation du Canada.