Combattre des commotions

Karen Johnston réécrit les règles des blessures crâniennes sportives

par Neale McDevitt

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Un quart-arrière reste cloué au sol, complètement assommé, pour revenir à la deuxième mi-temps et remporter avec son équipe une victoire à l’arraché au cours d’un match dont il ne se souviendra qu’en regardant les reprises à la télévision. Un boxeur se relève péniblement du ring au dernier coup de cloche et inverse la vapeur en mettant K.-O. son adversaire au dernier round… autant d’exploits loués pour leur héroïsme par les médias et qui font les beaux jours des films à succès d’Hollywood.

Mais la Dre Karen Johnston connaît la face cachée des commotions cérébrales. Selon les estimations, 144 000 Canadiens seraient chaque année victimes de commotions de deuxième degré. Et lorsque la fanfare s’est tue, Karen Johnston, directrice du Programme sur les commotions de la Clinique de médecine sportive de McGill, aide des athlètes autrefois en bonne santé à faire face aux maux de tête invalidants, aux nausées, aux problèmes cognitifs et à la dépression clinique qui les affligent pendant des mois, voire des années, après une commotion sévère ou complexe.

Chirurgienne au Département de neurologie et neurochirurgie et membre du Département de kinésiologie et d’éducation physique, la Dre Johnston est une spécialiste mondialement reconnue des traumatismes crâniens et plus particulièrement des commotions dont sont victimes les athlètes. En 2000, elle a révolutionné le traitement de ce type de blessure en élaborant le Protocole de prise en charge des commotions de McGill. Ce nouveau système a supplanté avec efficacité l’ancienne échelle de classement qui attribuait à toute commotion entraînant une perte de conscience le niveau trois, alors la plus grave.

« Une brève perte de conscience est probablement moins importante que l’amnésie ou les symptômes qui surviennent par la suite », précise la Dre Johnston.

Karen Johnston est La Dre Karen Johnston, directrice du Programme sur les commotions de la Clinique de médecine sportive de McGill
Karen Johnston est La Dre Karen Johnston, directrice du Programme sur les commotions de la Clinique de médecine sportive de McGill

Karen Johnston est la personne-ressource en matière de commotion pour les organisations spor- tives telles que le Comité International Olympique, la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et la Ligue nationale de hockey. Son travail est tenu en si haute estime, qu’après avoir remporté la Coupe Grey en 2002, les Alouettes de Montréal ont inclus la Dre Johnston au nombre des membres du personnel médical récipiendaires d’une bague de championnat. Mais bien qu’elle ait influencé la médecine sportive de façon exceptionnelle, c’est encore sur le terrain qu’elle accomplit son travail le plus important.

Depuis neuf ans, Karen Johnston participe aux activités de la Fondation Pensez d’abord Canada, un organisme sans but lucratif dont la vocation est d’éduquer le public sur la prévention des blessures, et plus particulièrement des lésions cérébrales et des traumatismes médullaires. Elle est notamment responsable d’une série de conférences publiques présentées partout au Canada visant à mieux faire comprendre ce type de traumatisme sportif aux médecins, aux entraîneurs, aux jeunes athlètes et à leurs parents.

Contrairement à une fracture de la jambe, la commotion cérébrale est une lésion qui passe souvent inaperçue à l’imagerie par résonance magnétique ou au tomodensitogramme. « Auparavant, nous pensions que la commotion touchait la structure du cerveau. Mais aujourd’hui, nous savons qu’une commotion perturbe la façon dont le cerveau fonctionne et non la façon dont il est structuré », précise la Dre Johnston. À ce titre, les commotions cérébrales ne peuvent être convenablement évaluées au fil du temps qu’en observant soigneusement les symptômes et leur résolution graduelle.

Les symptômes s’aggravent souvent quelques heures ou jours après l’incident, et se manifestent d’une manière qui passe largement inaperçue. Les athlètes ayant reçu un coup à la tête (ou au corps) vont souvent attribuer leur apathie, leur irritabilité et leurs problèmes de sommeil à quelque chose d’autre, comme un virus grippal, plutôt qu’au coup reçu à la tête il y a trois jours.

Pour Karen Johnston, la meilleure protection contre le traumatisme crânien réside dans le cerveau même de l’athlète. « L’athlète informé peut faire preuve de vigilance et repérer immédiatement les symptômes », précise-t-elle. « De cette manière, il peut consulter rapidement un médecin et suivre sans délai un programme de réadaptation sous surveillance médicale. C’est pour lui la meilleure chance d’obtenir un bon résultat clinique. »


La réalisation de ces travaux est financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.