Chercheur en génomique

SPÉCIALISTE DE L’ÉTUDE DU GÉNOME DES PLANTES, TOM BUREAU FAIT UN TRAVAIL DE DÉTECTIVE. Il examine l’ADN non codant, composé d’éléments mal connus intercalés entre les gènes, et il documente méticuleusement la croissance des plantes afin de dépister des anomalies causées par la suppression d’un seul gène. En décembre dernier, la Fondation canadienne pour l’innovation lui a donné un gros coup de pouce en lui octroyant une bourse qui lui a permis d’équiper sa serre laboratoire d’un tout nouvel appareil prometteur, appelé plateforme d’analyse de la phénomique végétale de l’Université McGill (MP3). Aucun autre établissement universitaire canadien ne possède un tel appareil à la fi ne pointe de la recherche en génomique végétale.

Par Victoria Leenders-Cheng

::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Vous comparez certains aspects de votre travail aux applications de reconnaissance

faciale qui servent à repérer une personne dans la foule. Pourquoi ?

En génétique moléculaire, la façon classique de cerner le rôle d’un gène donné consiste à perturber le génome – par exemple, en causant des mutations – pour examiner en quoi l’organisme mutantest différent. Nous adoptons une méthode semblable avec les plantes : nous choisissons certains gènes cibles que nous croyons importants sur le plan agricole, nous les inactivons, puis nous examinons le résultat. Nous cherchons l’anomalie qui nous renseignera sur le rôle du gène inactivé.

::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Le MP3 qui trône dans votre laboratoire a l’air d’un convoyeur à bande de science-fiction ! La plateforme d’analyse de la phénomique végétale fait défiler les plantes à l’intérieur et à l’extérieur de la serre pour les photographier à diverses étapes de leur développement.En quoi cet appareil est-il si important ?

Nous voulons étudier toutes les étapes du développement végétal, de la graine à la plante adulte, parce que l’anomalie peut se manifester à n’importe laquelle de ces étapes et, pour que notre analyse soit valable sur le plan statistique, nous devons examiner un très grand nombre de plantes.

La plateforme d’imagerie est un appareil de saisie et d’analyse d’images à haut rendement. Sa platine tournante permet à la caméra de capter des paramètres comme la surface d’une feuille ou la longueur d’une branche en trois dimensions, tandis que ses caméras infrarouge, proche infrarouge et à ultraviolets peuvent évaluer, par exemple, la capacité de photosynthèse ou la circulation de l’eau dans la plante afin de déceler les effets de mutations d’inactivation sans léser la plante.

Pour vous donner une idée de la puissance de cet appareil, disons que sans lui, nous aurions dû faire comme tout le monde, c’est-à-dire inspecter manuellement chaque plante. Notre rendement en aurait beaucoup souff ert, et nous aurions dû limiter considérablement nos cibles génétiques.

::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Vos travaux sont axés sur des parties du génome appelées ADN non codant. De quoi  s’agit-il ?

Les gènes ne constituent qu’un faible pourcentage du génome; tout le reste se trouve entre eux, dans ce qu’on appelle l’ADN non codant, qui regroupe un très grand nombre d’éléments transposables.

On a d’abord cru que ces éléments n’étaient d’aucune utilité pour l’hôte, au point de les appeler parfois ADN égoïste. Mais dernièrement, ces éléments ont suscité beaucoup d’intérêt, car il semble qu’un sous-groupe d’entre eux joue un rôle particulier dans la régulation des gènes.

Les phytogénéticiens constatent depuis peu que l’ADN non codant pourrait jouer un rôle important en agriculture, et les généticiens qui étudient le génome humain en arrivent aux mêmes conclusions : il existe de nombreuses maladies où les gènes ne sont pas défectueux, mais leur régulation est modifiée. La plateforme nous permet d’examiner ces éléments de plus près et de recueillir des données précieuses qui nous seront utiles pour la poursuite de nos recherches.

Les travaux de Tom Bureau sont soutenus financièrement par Génome Canada, Génome Québec, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, une bourse d’études William Dawson et la Fondation canadienne pour l’innovation.