Des chercheurs de McGill sont sur le point de percer le mystère des infections bactériennes.
Les recherches conjointes menées à McGill et à l’Université d’Oxford prennent appui sur la théorie de l’évolution des populations et l’écologie pour interpréter la propagation de bactéries telles que Pseudomonas aeruginosa, qualifiées de « superbactéries » en raison de leur ténacité. L’équipe a appliqué la théorie du modèle « source-puits » pour expliquer l’échec des antibiotiques et des désinfectants en milieu hospitalier.
Pour Andrew Gonzalez, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biodiversité et professeur agrégé de biologie, certaines infrastructures hospitalières, comme les réservoirs d’eau, constituent une excellente « source » pour la prolifération des bactéries. L’apport régulier de bactéries par ces sources explique les infections observées chez l’humain. Les antibiotiques et les règles d’hygiène devraient pourtant rendre les « puits » hospitaliers particulièrement hostiles aux bactéries. Logiquement, la quantité de microbes éliminée du « puits » devrait être supérieure à celle remplacée par la « source ».
Et pourtant, les superbactéries foisonnent. Le secret de leur résistance tient à ce qu’elles n’ont pas besoin d’attendre une mutation génétique fortuite pour s’adapter aux forces hostiles comme les antibiotiques. « Leur nombre peut très vite doubler, car l’ADN – fort utile par ailleurs – peut rapidement être transféré dans un organisme simple », explique le Pr Gonzalez.
Albert Berghuis, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biologie structurelle, et les membres de son équipe des départements de biochimie et de microbiologie et immunologie ont pour leur part pu observer le mécanisme qu’utilise l’une de ces superbactéries, Staphylococcus aureus, afin de résister à l’antibiotique Synercid. Pour y parvenir, le staphylocoque doré utilise une enzyme qui détoxifie l’un des ingrédients actifs du médicament, la quinupristine.
« Nous ne sommes pas loin du jour où une superbactérie deviendra résistante à l’ensemble des antibiotiques », met en garde le Pr Berghuis. Son équipe entend se consacrer à la mise au point d’un substitut de la quinupristine dans Synercid, et vérifier si la même modification pourrait ralentir davantage la résistance bactérienne.
« Seuls quelques médicaments demeurent efficaces face à des bactéries résistantes, et les bactéries disposent de nombreuses ressources », souligne le Pr Berghuis. « Ce que nous avons pu observer n’est qu’un des nombreux subterfuges dont elles disposent pour organiser leur résistance. Mais en tenant bon, nous maintiendrons notre avance. »
Cette recherche est subventionnée par les IRSC et le Programme des chaires de recherche du Canada.