Attention : propriété intellectuelle !

La contribution de la propriété intellectuelle à l’amélioration du monde

par Arthur Kaptainis

 Le professeur de droit Richard Gold (à gauche) dirige le Centre des politiques en propriété intellectuelle de l'Université McGill, qui rassemble des chercheurs de tous les pays, comme le doctorant Kent Nnadozie (à droite), dans le but d'élaborer des politiques relatives à la propriété intellectuelle applicables aux quatre coins du monde
Le professeur de droit Richard Gold (à gauche) dirige le Centre des politiques en propriété intellectuelle de l’Université McGill, qui rassemble des chercheurs de tous les pays, comme le doctorant Kent Nnadozie (à droite), dans le but d’élaborer des politiques relatives à la propriété intellectuelle applicables aux quatre coins du monde

Brevets, droits d’auteur et marques de commerce forment une triade bien connue dans l’approche occidentale de la propriété intellectuelle. Cette tradition remonte à la conquête normande de l’Angleterre, mais elle ne résonne pas nécessairement avec le même écho dans tous les pays et cultures.

« Nous affirmons volontiers que les personnes qui copient des DVD en Chine et en Thaïlande sont des faussaires », observe Richard Gold, directeur du Centre des politiques en propriété intellectuelle (CPPI) de l’Université McGill. « Mais si la protection de la musique et du cinéma telle que nous l’entendons ici ne fait pas partie de leurs traditions, en quoi pouvons-nous affirmer qu’il y a contrefaçon? »

Rattaché à la Faculté de droit, le CPPI rassemble des chercheurs du monde entier spécialistes du droit, de la science, de la musique, de la gestion et d’autres disciplines pour étudier la propriété intellectuelle sous différents angles et selon de nouvelles perspectives qu’ils espèrent mieux adaptées à la mondialisation et au changement technologique effréné caractéristiques du paysage mondial actuel.

« Nous sommes là pour aider les décideurs », souligne le Pr Gold. « Ils font constamment l’objet de pressions, mais ils ne connaissent pas suffisamment le fonctionnement du système, pas plus qu’ils ne savent comment exploiter les innovations. Comment mettre les médicaments à la portée de patients qui en ont besoin ? Faut-il souscrire aux arguments des sociétés pharmaceutiques qui réclament une protection renforcée des brevets ou s’agit-il d’arguments de nature à nous induire en erreur ? Lorsque l’organisme Médecins Sans Frontières affirme que les brevets tuent des gens, faut-il le croire? »

Pour comprendre comment les pouvoirs publics peuvent élaborer et mettre en œuvre des politiques efficaces en matière de propriété intellectuelle, les chercheurs du CPPI étudient les rapports publiés par les organisations gouvernementales internationales ainsi que les décisions des tribunaux, les lois et les articles savants parus dans le monde entier. Ils appliquent ensuite ces connaissances à des problèmes concrets.

« La différence entre conduire des recherches et classer leurs résultats, et conduire des recherches qui donnent de véritables résultats tient à la formation », affirme le Pr Gold. « Nous souhaitons donner aux décideurs les instruments dont ils ont besoin pour prendre de meilleures décisions. Nous ne leur disons pas quoi faire, nous nous contentons de leur dire : “Si vous voulez essayer de faire cela, essayez de changer ces politiques…”. »

« En fait, nous établissons le lien entre les aspects théoriques des droits relatifs à la propriété intellectuelle et leurs répercussions pratiques sur le terrain », précise Kent Nnadozie, étudiant au doctorat en droit civil, originaire du Nigeria.

En sa qualité de directeur du Southern Environmental and Agricultural Policy Research Institute du Kenya (une initiative du Centre international sur la physiologie et l’écologie des insectes), Kent Nnadozie a une conscience particulièrement aiguë des besoins en la matière. Les maladies transmises par les tiques, par exemple, frappent chaque année 800 millions de têtes de bétail dans le monde et freinent l’économie de pays en développement comme le Kenya. Les chercheurs kenyans ont découvert un répulsif efficace mais ne disposent pas de l’infrastructure en matière de protection de brevets et de gestion adéquate de la propriété intellectuelle qui en permettrait la commercialisation.

« Je suis venu à McGill pour mettre mon expérience et mes connaissances au service d’un cadre conceptuel qui me donnera les outils pour contribuer à l’innovation et au développement afin d’améliorer l’existence des gens », précise M. Nnadozie.

Tout en continuant de conseiller les décideurs (les chercheurs du Centre ont aidé l’Organisation de coopération et de développement économiques à adopter des lignes directrices relatives aux licences sur les inventions génétiques), le Centre cherche à présent à élargir sa mission de formation. Il espère proposer des programmes de certificat plus courts pour les scientifiques, les ingénieurs, les gestionnaires et les fonctionnaires de pays en développement et des régions éloignées du Canada qui ne peuvent s’engager dans un programme d’études supérieures de trois ans.

« Il existe dans les pays en développement un important réservoir d’esprits brillants. Nous devons trouver les chercheurs qui souhaitent faire avancer les choses et les aider », affirme le Pr Gold. Les progrès sur la scène internationale peuvent être lents, mais l’impact à long terme des activités du CPPI ne fait aucun doute à ses yeux.

« Nous ne cherchons pas à provoquer un changement radical en l’espace de deux ans, mais nous espérons que dans dix ans, les gens pourront profiter de ce que nous leur aurons apporté », souligne-t-il.


Le Centre des politiques en propriété intellectuelle est subventionné par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada et les Réseaux de centres d’excellence.