Des chercheurs de McGill collaborent avec AstraZeneca pour identifier les causes de la douleur
par James Martin
Le monde est un lit de douleur. La douleur est le premier motif de consultation médicale et les coûts indirects associés à la douleur chronique – qui se traduisent par un taux d’absentéisme accru et une diminution de la productivité au travail – sont évalués, au Canada seulement, à plusieurs milliards de dollars chaque année. Aujourd’hui, une nouvelle collaboration entre AstraZeneca Canada, filiale du groupe pharmaceutique international du même nom, et le Centre de recherche sur la douleur de l’Université McGill (CRDM), vise à mieux comprendre les mécanismes de la douleur chronique et à améliorer ce faisant son traitement et sa prévention.
McGill peut se targuer de posséder une excellente feuille de route dans ce domaine, depuis la découverte révolutionnaire de notre expérience de la douleur par le professeur émérite Ronald Melzack aux travaux du professeur de psychologie Jeffrey Mogil sur les différences liées au genre en matière de perception de la douleur. (Pour plus de détails sur les dernières recherches du Pr Mogil, voir l’article «Partager la douleur » à la page 2 de ce numéro.) Ce sont précisément ces innovations qui ont incité AstraZeneca à établir son siège nord-américain à Montréal en 1994. « Nous voulions construire un centre voué à l’identification de nouveaux médicaments pour le traitement de la douleur », indique Philippe Walker, vice-président Découverte, AstraZeneca Canada R&D Montréal. «McGill figurait incontestablement parmi les fers de lance de la recherche universitaire dans ce domaine. »
AstraZeneca contribue aux recherches menées à McGill à hauteur de 2,5 millions de dollars sur cinq ans. Philippe Walker précise que cet investissement est destiné à «y favoriser la réalisation de recherches de pointe sur la douleur au sein de l’Université ». Déjà, la collaboration nouée avec AstraZeneca a permis au Centre de recruter trois nouveaux chercheurs spécialistes de la douleur et cinq nouveaux chercheurs postdoctoraux. « Lorsque l’on dispose d’une masse critique de chercheurs sur la douleur, il est toujours enthousiasmant de pouvoir étoffer l’équipe », fait remarquer Jeffrey Mogil.
Les postes de chercheurs postdoctoraux seront encadrés conjointement par McGill et AstraZeneca, dans un esprit de collaboration et de canalisation des efforts, selon Jeffrey Mogil qui, tous les six mois, se joint à Catherine Bushnell, directrice du CRDM, rattaché à la Faculté de médecine dentaire, au Dr Fernando Cervero et à Terence Coderre – respectivement directeur et membre de l’Unité de recherche en anesthésie du Département d’anesthésie – pour discuter, avec trois chercheurs d’AstraZeneca, de l’orientation des travaux de recherche postdoctorale. «En étant davantage à l’écoute des leaders d’opinion, nous pouvons identifier les occasions qui se présentent à nous et préparer le lancement de projets dans les domaines correspondants. Il s’agit pour nous d’informations extrêmement précieuses », explique Philippe Walker.
AstraZeneca souhaite mieux comprendre les changements fonctionnels qui interviennent dans la perception de la douleur afin de mettre au point de nouveaux médicaments ciblés sur les protéines à l’origine de la douleur. La compagnie pharmaceutique s’attache également à préciser le rôle de la génétique dans la perception de la douleur et à déterminer la manière dont les biomarqueurs (élévation de certaines substances dans le sang ou les tissus) permettent de prédire l’efficacité éventuelle d’un médicament donné avant son administration.
AstraZeneca conserve un droit de première négociation pour les découvertes pouvant résulter de ces recherches, mais celles-ci appartiennent en dernier ressort à McGill. «Il est fondamental que nous puissions protéger l’aptitude des chercheurs de McGill à poursuivre librement leurs travaux et à en publier tout aussi librement les résultats », insiste Philippe Walker.
Les fonds versés par AstraZeneca ont également servi à la création d’un laboratoire de plus de 930 mètres carrés dans le Centre d’innovation Génome Québec-Université McGill. Le nouveau laboratoire abritera des infrastructures réservées aux expériences comportementales sur les animaux, dont plusieurs utilisateurs pourront se prévaloir, et un appareil d’imagerie par résonance magnétique spécialement adapté aux rongeurs.
«L’espace coûte toujours très cher », indique Catherine Bushnell. «Cette collaboration nous permet de mener des projets qu’il aurait été autrement impossible d’envisager. » Une électrophysiologiste du Pavillon des sciences médicales McIntyre pourra, par exemple, utiliser le laboratoire pour des études comportementales occasionnelles sur les animaux, sans avoir à sacrifier des locaux dans son propre laboratoire, ni engager de lourdes dépenses pour les adapter à ce type de recherche.
Le nouveau laboratoire donnera par ailleurs aux chercheurs de McGill la liberté de conduire davantage de projets de recherche à contrat pour l’industrie pharmaceutique. Outre sa très grande rentabilité, la recherche à contrat est un outil précieux pour les chercheurs universitaires, car elle leur permet de mettre leur expérience au service de véritables prototypes de médicaments et d’élargir la taille des échantillons de leurs propres études expérimentales.
« Une société pharmaceutique peut me proposer un important contrat pour tester la sensibilité à la douleur d’une souris transgénique privée d’un gène spécifique », explique Jeffrey Mogil, professeur titulaire de la Chaire de recherche E. P. Taylor en études sur la douleur et de la Chaire de recherche du Canada en génétique de la douleur, qui travaille régulièrement avec des souris génétiquement modifiées. « Je pourrais le faire dans mon laboratoire, mais il faudrait pour cela que j’utilise l’équipement dont j’ai précisément besoin pour mes projets financés par des subventions de recherche. Il est préférable que je confie l’exécution du contrat à quelqu’un que j’aurai recruté spécifiquement à cette fin et qui travaillera dans le nouveau laboratoire. Autrement dit, cela élargit considérablement ma marge de manoeuvre. »
L’investissement consenti par AstraZeneca est l’étape la plus récente d’une relation qui a porté de nombreux fruits au fil des ans. Beaucoup de diplômés de McGill travaillent aujourd’hui pour AstraZeneca et, inversement, deux chercheurs de cette compagnie occupent un poste de professeur auxiliaire à l’Université. Les chercheurs des deux structures se rencontrent souvent lors de réunions et d’activités sociales. AstraZeneca finance également la Journée annuelle sur la douleur de McGill, à l’occasion de laquelle plusieurs universitaires du Québec se réunissent pour partager les résultats de leurs recherches. Grâce à ce nouveau laboratoire et aux nominations croisées, force est de constater que cette collaboration augure bien pour la recherche sur la douleur et pour les patients.
« Il y a un besoin bien réel pour l’élaboration de nouveaux traitements destinés à soulager des affections douloureuses qui affectent des millions de personnes. McGill a réussi à recruter des chefs de file dans le domaine de la douleur. Nous reconnaissons leur expertise et souhaitons prendre part à l’action », a mentionné M. Walker.
Le Centre de recherche sur la douleur de l’Université McGill reçoit l’aide de la Fondation Louise Edwards.