Après avoir détruit accidentellement un nid de souris en labourant son champ il y a de cela plus de deux siècles, Robbie Burns a écrit To a Mouse, apologie anthropomorphique des souffrances de cette créature. La science tend désormais à confirmer la vision plutôt particulière de Robbie Burns : il se trouve que ces petits rongeurs éprouvent eux aussi des sentiments. Du moins, pour leurs congénères.
Le professeur de psychologie de McGill Jeffrey Mogil a récemment découvert que les souris pouvaient en effet reconnaître la souffrance de leurs congénères et y réagir. Du nom de « contagion émotive », ce phénomène est déjà réputé exister chez plusieurs espèces de primates.
Après avoir injecté à deux souris une solution qui cause des douleurs d’estomac pendant 30 minutes, Jeffrey Mogil a remarqué que les animaux démontraient davantage de signes de douleur que lorsqu’ils étaient seuls. Il a alors répété l’expérience, mais en empêchant les souris de se voir, ce qui a eu comme résultat d’annuler l’effet empathique.
« Il ressort que le message “J’ai mal” est transmis par la vision », a indiqué Jeffrey Mogil au New York Times.
« Nous pensons que les souris lisent les expressions faciales de leurs congénères, mais nous n’en sommes pas absolument certains. »
Être témoin des souffrances de ses semblables semble par ailleurs activer les mécanismes de la douleur. Lorsque Jeffrey Mogil a chauffé le plancher de verre qui se trouvait sous leurs pattes, les souris témoins de la souffrance de leurs congénères ont réagi beaucoup plus vite à la douleur que celles dont les semblables souffraient moins.
Jeffrey Mogil a indiqué au Times qu’il avait surtout été frappé de constater « que le seul fait de voir un animal souffrir rend plus sensible à un autre type de douleur dans une autre partie du corps, et que cette manipulation sociale de la douleur sensibilisait l’ensemble du système nociceptif ».
Alors que l’empathie affichée par les souris du Pr Mogil relève du même phénomène évolutif que ce qui provoque nos larmes pendant le visionnement d’un film triste, il y a néanmoins des limites à la solidarité des souris. Les rongeurs étudiés ne répondent à la douleur que lorsque celle-ci touche une souris familière, autrement dit une souris qui partage la même cage ou qui est issue de la même portée. Il est donc fort peu probable que les souris se voilent les yeux pendant les épisodes effrayants de Petit Stuart – ou qu’elles composent un jour une apologie de l’homme.
Jeffrey Mogil est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en génétique de la douleur et professeur titulaire de la Chaire E. P. Taylor en études sur la douleur. Ses recherches sont financées par les National Institutes of Health des États-Unis, la Fondation canadienne pour l’innovation et NeuroScience Canada.