Il ne sera pas difficile d’axer la gestion sur les résultats financiers tout en maintenant une culture de créativité, indique Mitch Garber
Le nouveau président du conseil d’administration du Cirque du Soleil, Mitch Garber, estime que les sociétés détenues par TPG Capital – nouveau propriétaire majoritaire du Cirque du Soleil – et par Fosun présentent de multiples possibilités de synergie avec le Cirque du Soleil. TPG compte dans son imposant portefeuille la société CAA, l’une des plus importantes agences d’artistes au monde, alors que la Chinoise Fosun, devient une porte d’entrée pour l’Asie.
Mitch Garber, diplômé de McGill et l’un des dragons de Radio-Canada cette année, est PDG de Caesars Acquisition Company, qui contrôle notamment l’entreprise de jeu en ligne Caesars Interactive Entertainment, la série mondiale de poker, ainsi que plusieurs hôtels et casinos. C’est TPG, l’un des principaux actionnaires du groupe Caesars, qui l’a choisi pour prendre les rênes du c.a. du Cirque du Soleil.
Le professeur Karl Moore, de la Faculté de gestion Desautels de McGill, s’est entretenu avec Mitch Garber, le 8 mai dernier, dans le cadre de son émission The CEO Series, diffusée à la radio CJAD. Voici un extrait de l’entrevue.
Comment voyez-vous votre rôle de président du conseil d’administration?
Le rôle du président du conseil d’administration en est surtout un de gouvernance, de supervision du conseil. Dans ce cas particulier, le rôle sera très différent. Il consistera à superviser les investissements des acheteurs, TPG Capital et Fosun. Il s’agit pour eux d’un investissement très important dans une économie et un pays qui, de façon générale, ne leur sont pas familiers. De plus, le Cirque du Soleil est géré depuis 30 ans par un entrepreneur qui est également son fondateur devenu milliardaire, ce qui est très différent du mode de gestion de la plupart des entreprises. Après l’ère Guy Laliberté, plus d’importance sera accordée à la structure organisationnelle et à la responsabilité. La gestion de l’entreprise sera davantage axée sur les résultats trimestriels, les budgets et autres données de même nature, ce qui n’était pas le cas auparavant. Après avoir dirigé des entreprises publiques pendant les 15 à 20 dernières années, mon rôle consistera à inculquer cette nouvelle culture tout en conservant la culture créative que Guy a mis tant de temps à bâtir.
Il existe des craintes que cette approche tue la créativité qui était au cœur même du Cirque du Soleil. Comment composer avec ces deux réalités?
Je crois que ce sera intéressant. À mon avis, ce ne sera pas difficile. C’est l’aspect créatif du Cirque du Soleil qui le rend si exceptionnel. Il ne faut toutefois pas oublier que même aujourd’hui, au moment de sa vente, il s’agit d’une entreprise très, très rentable. Il n’y a pas tant de choses à corriger, il y a surtout des choses à ajouter au Cirque du Soleil. Il y a certains domaines où la marque n’a peut-être pas été exploitée à son plein potentiel. Il existe des régions géographiques, comme la Chine, où la marque n’a pas réellement connu d’expansion; c’est pourquoi j’estime qu’il ne s’agit pas de corriger des choses, mais bien d’en ajouter. Mais il faudra établir une certaine discipline au sein de l’entreprise, car le père fondateur n’est plus là pour prendre toutes les décisions. C’est maintenant le président-directeur général – Daniel Lamarre, un excellent président-directeur général – qui aura l’entière responsabilité de prendre les décisions. Personne ne pourra les prendre à sa place, et ses employés ne pourront se tourner vers personne d’autre pour avoir les réponses qu’ils désirent obtenir et qu’il ne leur donnerait peut-être pas. Ce sera également un nouveau contexte pour Daniel, et j’espère que je pourrai l’aider. C’est un bon ami et je sais qu’il connaîtra beaucoup de succès dans cette nouvelle phase de son mandat au Cirque du Soleil.
Les professeurs de stratégie recherchent toujours les synergies. Quelles synergies voyez-vous entre le Cirque du Soleil, ses acheteurs et l’industrie du jeu?
La moitié du BAIIDA (bénéfice avant intérêts, impôts, et amortissements) du Cirque du Soleil vient de Las Vegas, alors la synergie entre Las Vegas et le Cirque est bien connue et bien établie depuis longtemps. Il ne reste sans doute que très peu de possibilités de croissance à cet endroit; c’est pourquoi le plan d’affaires consistera surtout à maintenir la stabilité des spectacles présentement à l’affiche et, peut-être, à les rafraîchir de temps en temps.
La synergie entre le groupe d’acheteurs et le Cirque du Soleil est très forte, car TPG est une importante firme d’investissement privée dont l’imposant portefeuille est composé d’entreprises telles que CAA – l’une des deux principales sociétés au monde qui représentent des artistes ‒, ce qui ouvre la voie à une multitude de possibilités en matière de positionnement et d’intégration de célébrités, qu’il s’agisse de cinéma, de télévision ou de nouveaux spectacles. Dans un tel contexte, la synergie est immense. Enfin, la participation de 20 pour cent de Fosun dans le Cirque du Soleil constitue, je crois, la porte d’entrée vers l’Asie que le Cirque cherchait depuis très longtemps. Fosun est propriétaire de Club Med et possède également d’autres grands noms du tourisme.
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