Soigner la mémoire

Un an après les attentats du 13 novembre, le Pr Alain Brunet de McGill poursuit un projet qui ne vise plus uniquement à soulager les victimes des attentats, mais également à offrir une riposte au terrorisme.
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Alain Brunet, directeur de la division psychosociale de l’Institut Douglas de McGill. / Photo : Sarah Mongeau-Birkett

Alain Brunet, directeur de la division psychosociale de l’Institut Douglas de McGill et spécialiste mondial du trouble de stress post-traumatique (SPT), est à Paris où il codirige la vaste étude Paris MEM (Paris Mémoire Vive), en partenariat avec l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

S’adressant d’abord aux victimes du 13 novembre atteintes d’un traumatisme sévère, le protocole de recherche du professeur de McGill s’est élargi pour inclure les victimes de terrorisme de Nice et de Rouen. Le chercheur qui au départ comptait former 40 intervenants, a dû multiplier ses effectifs par trois, et c’est maintenant 150 psychologues qui utilisent sa stratégie à Paris et en périphérie de la capitale.

Testée à plusieurs occasions, au Népal notamment, la « méthode Brunet » consiste en six séances hebdomadaires de psychothérapie avec réactivation du souvenir traumatique sous l’influence du propranolol, un médicament qui atténue l’intensité des émotions.

Pour le chercheur de l’Institut Douglas, il s’agit de l’aboutissement de 20 ans de recherche. « J’ai de la broue dans le toupet », résume-t-il avec humour.

En décembre 2015, au moment d’échanger ses milles de récompense pour aller soumettre aux Français le traitement novateur qu’il a mis au point à l’Institut Douglas, le psychologue de 52 ans n’avait pas envisagé une telle charge de travail. « Il y a dix ans, je n’aurais jamais eu la ténacité nécessaire pour implanter un projet aussi énorme. Je me suis endurci. C’est l’avantage d’être chercheur. »

Certains Québécois penseront trouver en France un territoire familier où il est facile de s’adapter. « Ce n’est pas le cas », tranche le Pr Brunet, un francophone qui possède de nombreux contacts dans la capitale française.

Parmi les embuches, le chercheur cite les différences culturelles. « Nous avons démarré le projet au début de l’été, sans réaliser qu’à Paris tout s’arrête en raison des vacances. » Par conséquent, l’étude a pris du retard et les résultats ne sont pas attendus avant un an.

Deuxième écueil : une machine bureaucratique qui alourdit la mise en marche du processus. « Le réseau hospitalier Pitié Salpêtrière où nous travaillons, c’est gros comme le ministère de la Santé du Québec! », explique le chercheur.

Pour le Pr Brunet, une dimension politique s’ajoute également au projet, au fur et à mesure que le sentiment d’insécurité s’intensifie en France.

« Depuis le 13 novembre, explique-t-il, les attaques à forte charge symbolique (il cite Nice et Rouen) se sont multipliées. Dans ce contexte, Paris MEM apparait comme une riposte humaniste au terrorisme. Plutôt que de se résoudre à l’impuissance, nous disons : voilà ce que la psychiatrie peut faire. Ultimement, la France devient un modèle pour le reste du monde et notre étude devient source de fierté. »