Piétonnisation de la rue Sainte-Catherine Ouest : appel à la prudence

Le directeur de l’École d’urbanisme de McGill estime qu’il faut être vigilant et éviter les solutions trop radicales relativement au réaménagement de la principale artère commerciale de la métropole, afin de ne pas répéter l’échec qu’est devenue la rue Prince-Arthur.
131024_3f30b_ste-catherine-montreal-rue_sn635
La rue Sainte-Catherine Ouest.

« La rue Prince-Arthur, par exemple, n’est pas une réussite; elle est malheureusement trop monofonctionnelle », souligne le directeur de l’École d’urbanisme de McGill

Par Julie Fortier

Il y a certes moyen de rendre la rue Sainte-Catherine plus attrayante, mais il importe d’être vigilant quant à la façon de le faire, indique Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill. À l’occasion du premier anniversaire de l’élection de Denis Coderre à la mairie de Montréal, McGill dans la ville s’est entretenu avec le professeur Fischler au sujet du réaménagement de la portion ouest de la grande artère commerciale, ainsi que des priorités qu’il voudrait voir le maire adopter.

La Ville de Montréal propose quatre scénarios pour le réaménagement de la rue Sainte-Catherine Ouest, qui ont en commun d’élargir l’espace réservé aux piétons. Certains groupes revendiquent même une piétonnisation complète et permanente, qui limiterait la circulation automobile aux véhicules de transport en commun. Qu’en pensez-vous?

Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill.
Raphaël Fischler, directeur de l’École d’urbanisme de McGill.

Je serais très prudent avant de piétonniser une grande partie de la rue Sainte-Catherine. La rue Prince-Arthur (réservée aux piétons), par exemple, n’est pas une réussite; elle est malheureusement trop monofonctionnelle. La rue Sainte-Catherine est bien sûr plus dynamique. Nous pouvons peut-être faire ce que nous avons fait à d’autres endroits, comme en fermer certaines portions une partie de l’été. Je n’adopterais pas une solution radicale. Je crois qu’il faut mettre en place des projets pilotes, essayer des choses sur certains tronçons. Après tout, ce n’est pas une mauvaise chose que d’avoir des trottoirs bien remplis; ça crée une certaine ambiance. Il y a des solutions hybrides, il faut les envisager.

Quel bilan faites-vous de la première année de l’administration Coderre en matière de projets urbains?

La Ville a adopté récemment un budget dans lequel elle propose d’investir de façon plus massive dans la réfection des infrastructures. Les infrastructures, ce n’est pas très populaire, car ce sont des choses que les gens ne voient pas – c’est sous la terre, en grande partie – ou ce sont des travaux qui bloquent la circulation. Mais c’est essentiel; on a un déficit d’investissement dans nos infrastructures qui est énorme et il faut le rattraper.

Par ailleurs, il faut rebâtir la confiance du public. Tout ce qui est développement urbain baigne encore dans les eaux brunâtres de la corruption et des scandales. Le maire a donc eu tout à fait raison de mettre l’accent sur ces deux priorités dans sa première année. Maintenant, il doit nous montrer qu’il ne va pas simplement réagir à des problèmes dont il a hérité, mais qu’il connaît les principaux défis auxquels fait face Montréal et qu’il a une idée des stratégies qu’il faudra mettre en place pour les relever.

Quelles devraient être les priorités, selon vous?

Premièrement, je crois qu’il y a d’anciennes priorités qui sont toujours très valables, comme un Montréal vert et un Montréal bleu, une ville en communion avec le fleuve, une ville qu’il faut verdir. On a encore beaucoup de progrès à faire de ce côté. On pourrait parler d’eau d’une manière plus générale aussi : comment économiser davantage l’eau, comment devenir une ville qui gère mieux son eau potable. L’eau pourrait faire l’objet d’une réflexion et d’investissements intéressants.

Deuxièmement : l’enfance et la réussite scolaire. Même si ce ne sont pas des responsabilités municipales, ce sont des enjeux très importants pour Montréal. Il faut multiplier les partenariats avec la province et les commissions scolaires. Des efforts ont été faits par la communauté d’affaires, les écoles et les groupes communautaires pour diminuer les taux de décrochage, mais je pense que la Ville a aussi son rôle à jouer, un rôle de facilitateur et de partenaire. Elle a aussi des choses à faire au niveau des loisirs, des parcs et de la sécurité publique. Enfin, elle a un rôle de visionnaire et de leader à jouer afin de motiver d’autres acteurs.

Pour lire d’autres articles du numéro de novembre, cliquez ici.