Moteurs hybrides en F1 : ce qui distingue une voiture de course d’une Prius

Lors du Grand Prix, du 5 au 7 juin prochain, à Montréal, les voitures devront, pour la deuxième année, être équipées de systèmes d’énergie hybrides composés de moteurs à essence haute performance et de puissants moteurs électriques alimentés par des systèmes électrogènes complexes. Deux jeunes ingénieurs de McGill expliquent ces avancées techniques
Les voitures du Grand Prix devront, pour la deuxième année, être équipées de systèmes d’énergie hybrides.
Les voitures du Grand Prix devront, pour la deuxième année, être équipées de systèmes d’énergie hybrides.

Par Doug Sweet

Freins à disque, meilleures suspensions, transmissions manuelles automatisées, becquets aérodynamiques, silencieux calibrés, moteurs multisoupapes : toutes ces améliorations de la technologie automobile ont été testées sur les pistes de course avant d’être intégrées à votre Taurus familiale. Or, la technologie hybride, qui allie électricité et essence, a fait exactement le contraire, passant de la rue aux pistes de course.

Lors du Grand Prix, du 5 au 7 juin prochain, à Montréal, les voitures devront, pour la deuxième année consécutive, être équipées de systèmes d’énergie hybrides composés de moteurs à essence haute performance et de puissants moteurs électriques alimentés par des systèmes électrogènes complexes. Elles devront en outre compléter la course avec 100 kilogrammes de carburant environ, soit 30 pour cent de moins qu’avant.

Diego Mascarella et Kieran Humphries sont de jeunes ingénieurs titulaires d’une maîtrise de l’Université McGill animés par une même passion : la technologie automobile. Ils sont fascinés par les systèmes complexes des « unités de puissance » (ils sont dorénavant bien plus que de simples moteurs) des formules 1 modernes et s’animent lorsqu’ils parlent des avancées techniques qui sont passées de la rue à la piste de course, et qui pourraient de nouveau apparaître sur la rue sous une forme qu’un propriétaire de Prius n’aurait jamais imaginée.

Ils participent tous deux à un projet de recherche subventionné par le gouvernement fédéral auquel le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada a versé en 2013 la somme de 4,7 millions de dollars dans le cadre du programme Partenariat automobile du Canada. Leur initiative vise à mettre au point, avec des partenaires de l’industrie qui ont également financé le projet à hauteur de 5 millions de dollars, de meilleurs moteurs et transmissions pour véhicules électriques qui pourraient mener à la conception de composantes moins coûteuses et plus légères. Le projet Development of Optimal Electric Drivetrains for On-Road Vehicles à McGill porte sur quatre principaux domaines de recherche :

  • Optimisation de la conception de l’ensemble moteur-entraînement
  • Intégration de la présentation et des systèmes
  • Conception et contrôle de la transmission
  • Conception de moteur électrique et modélisation électromagnétique

Diego Mascarella s’intéresse au premier domaine, Kieran Humphries au deuxième.

Mais revenons à la piste de course. Selon les chercheurs, il est important de se rappeler que la voiture hybride stationnée dans notre entrée de garage n’est pas utilisée aux mêmes fins que la formule 1 à propulsion hybride.

« Dans le cas d’une Prius, nous visons l’optimisation et l’arbitrage énergétiques, indique Diego Mascarella. Parfois, seul le moteur électrique fonctionne, parfois le moteur électrique et le moteur à essence fonctionnent à la fois; enfin, on tente parfois de recharger la batterie, parfois de la décharger. En fait, l’objectif est de réduire la consommation de carburant. »

« Dans le cas de la formule 1, nous recherchons une performance de couple élevée, ce sursaut d’énergie de 30 secondes dégagé par un moteur électrique surcouplé qui permet de dépasser un autre bolide. C’est très différent dans le cas de la Prius. Vous n’avez pas à vous soucier de dépasser un autre véhicule; tout ce qui vous intéresse, c’est de vous assurer que le moteur fonctionne le plus efficacement possible. Essentiellement, le moteur électrique vient assister le moteur à essence en vue d’un rendement optimal. »

Kieran Humphries souligne que les moteurs de formule 1 turbocompressés sont conçus pour emmagasiner la plus grande quantité possible du mélange air-essence dans les chambres de combustion de leurs moteurs V-6 (compression élevée), tandis que le moteur à cycle d’Atkinson de 98 chevaux-vapeur de la Prius abaisse la compression et permet de réduire la consommation de carburant.

« Il s’agit donc de deux objectifs diamétralement opposés, précise-t-il. L’autre différence importante, du point de vue d’un spécialiste en architecture de voiture comme moi, c’est que la formule 1 présente une architecture parallèle, où le bloc-moteur électrique est fixé à même le moteur à essence, tandis que le moteur électrique de la Prius est fixé à la boîte de vitesses grâce à la configuration mixte du véhicule. »

« Dans le cas de la formule 1, le moteur électrique (environ 150 chevaux-vapeur) ne fonctionne jamais seul, explique Diego Mascarella. La voiture est propulsée soit par le moteur (environ 600 chevaux-vapeur ou plus), soit par le moteur et un surplus d’énergie électrique. Il n’existe aucun scénario où seul le moteur électrique fonctionne. »

« L’avantage de la formule 1, c’est son système de récupération d’énergie – l’énergie produite lors de la décélération de la voiture ou provenant de la chaleur du tuyau d’échappement est emmagasinée pour être réutilisée au besoin », précise Diego Mascarella.

La Prius est également équipée de freins à récupération, mais les formules 1 récupèrent divers types d’énergie de façons complexes afin de recharger la batterie qui alimente le moteur électrique à couple élevé.

À l’exception du système turbo complexe, presque toutes les technologies hybrides ont déjà été conçues pour la route, affirment les chercheurs. Existe-t-il alors des technologies conçues pour la piste qui pourraient se révéler utiles sur la route? Peut-être, notamment en ce qui a trait aux systèmes de gestion de la chaleur et à l’utilisation de nouveaux matériaux destinés à rendre les voitures plus légères et plus économiques.

Toutefois, avant que les véhicules hybrides et électriques puissent connaître un véritable essor, il faudra améliorer considérablement la performance de la batterie – tant à l’égard de la puissance que de la longévité.

Selon Kieran Humphries, la solution la plus populaire pour le moment semble venir de l’usine de fabrication des voitures Tesla d’Elon Musk : apporter progressivement des améliorations à la batterie et en fabriquer de très grandes quantités afin d’en réduire le prix grâce aux économies d’échelle. Les batteries au lithium de quatre volts d’une Tesla ressemblent à des piles AA, à la différence qu’elles sont plus grosses, affirme-t-il. « Les batteries recouvrent complètement le fond de la voiture. »

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