L’organiste en résidence de l’OSM et diplômé de McGill Jean-Willy Kunz nous offre une visite guidée des grandes orgues de la métropole
On dit de Montréal qu’elle est la ville aux cent clochers. Mais pour le mélomane, ce sont surtout les joyaux qu’abritent ces églises qui la caractérisent. Il y a en effet, dans cette ville autrefois d’une grande piété, de très nombreux orgues. Et souvent des orgues de très belle facture.
C’est notamment pour cette raison que Jean Willy Kunz, originaire de Grenoble, a débarqué à Montréal en 2004, du haut de ses 24 printemps. En 2006, il entamait son doctorat en interprétation à l’orgue à l’Université McGill, dans la classe du professeur (aujourd’hui émérite) John Grew. Il y a trois ans, il était nommé premier organiste en résidence de l’Orchestre symphonique de Montréal.
La quantité et la variété des orgues que l’on trouve à Montréal et, surtout, leur accessibilité pour un jeune étudiant, ont certes agi comme un puissant aimant pour le musicien. Autre pôle d’attraction : la possibilité d’étudier l’orgue au Conservatoire de Montréal dans la classe de l’organiste et claveciniste de renom Mireille Lagacé.
« J’ignorais la durée de mon séjour ici. Pour un jeune organiste, il était plus facile de répéter sur de grands orgues d’église ici qu’en France. Et il y avait aussi la quantité de très bons instruments, et la grande variété d’orgues… »
Parce que l’univers des grandes orgues est vaste.
D’un point de vue strictement mécanique, il existe deux types d’orgue : l’orgue à traction mécanique (les touches sont directement rattachées aux tuyaux par un lien mécanique) et l’orgue à traction électropneumatique (dans ce cas, le lien est électrique). De plus, les orgues ont pour ainsi dire une nationalité. Certains conviennent mieux à la musique française, d’autres rendent mieux l’allemande ou alors l’italienne… Chaque instrument parle de sa propre voix.
Le mastodonte de Casavant Frères qu’abrite la Maison symphonique – le Grand orgue Pierre-Béique – est un modèle hybride. Il est muni d’une console mécanique située en hauteur, à plusieurs mètres de la scène, et d’une console électropneumatique, située sur la scène même, à proximité de l’orchestre et de son chef.
Aujourd’hui, les orgues Casavant sont des instruments à la fine pointe de la technologie, et l’orgue de la Maison symphonique ne fait pas exception. Ainsi, l’organiste peut s’armer d’un iPad et programmer à l’avance les réglages des divers claviers qui commandent les douzaines de jeux formant les sons de l’instrument. Les réglages seront ensuite transmis à l’instrument par wi fi. La bête de la Maison symphonique comprend 83 jeux.
McGill possède aussi un orgue exceptionnel. Le grand orgue de la salle Redpath, construit en 1981 par Helmuth Wolff, est un instrument de style français classique. Montréal compte, en outre, trois orgues Beckerath à traction mécanique convenant bien au répertoire baroque allemand et de nombreux instruments d’inspiration française de diverses époques, portant la signature de Casavant Frères. Enfin, la ville compte au moins un orgue de style italien, qui résonne dans une église du quartier Hochelaga-Maisonneuve.
C’est à la Basilique Notre Dame que trône le plus gros orgue de Montréal. Ce Casavant compte environ 7 000 tuyaux, dit M. Kunz. À titre comparatif, celui de la Maison symphonique en compte 6 489, répartis sur quatre étages derrière la façade principale de la salle de concert. Ces tuyaux revêtent de multiples aspects : boîtes de bois posées à la verticale ou à l’horizontale, tuyaux de métal effilés, tuyaux évasés qui se projettent à l’horizontale dans la salle de concert. Certains de ces tuyaux, dits « en chamade », sont coulissants et peuvent être déplacés de sorte à faire plus ou moins saillie.
« C’est très, très rare », déclare M. Kunz, ajoutant qu’il a fallu quatre mois de répétitions avec l’orchestre avant que la formation et l’organiste soient pleinement à l’aise l’un avec l’autre.
Y a-t-il un orgue à Montréal qu’il affectionne au delà de tous les autres? Pas vraiment. Et il en va de même des répertoires. Chaque instrument, chaque répertoire, a des qualités qui lui sont propres. Cela dit, il y a des incontournables. Bach, par exemple. « Je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un qui n’aimait pas Bach, souligne M. Kunz. Mais j’adore faire un tas de concerts dans des styles autres que le classique. »
Il y a un certain temps, il s’est produit avec un quintette de jazz pour les Amis de l’OSM. Il a également fait des spectacles avec Martha et Rufus Wainwright ainsi que le DJ Kid Koala. Et récemment, on a entendu résonner son orgue lors d’un événement en plein air qui donnait le coup d’envoi à la Semaine de la mode de Montréal.
« Il faut faire découvrir au grand public l’autre visage de l’orgue, dit-il. J’essaie en quelque sorte de sortir l’orgue de l’église. Les Québécois sont un peu réfractaires à l’orgue, parce que cette musique est étroitement liée à l’église. »
Cliquez sur l’image ci-dessous pour entendre une courte prestation de Jean-Willy Kunz