Quand il a été sollicité pour devenir étudiant ambassadeur auprès des nouveaux admis francophones de McGill, Bruno Provencher a accepté immédiatement. Dans la vie comme sur le terrain, le receveur de l’équipe de football de McGill aime passer le ballon. Joueur d’équipe, l’étudiant en gestion se déclare heureux de pouvoir faciliter l’entrée de ses pairs francophones à McGill.
Un ancien du collège Grasset, Bruno aurait aimé bénéficier des conseils d’un mentor au moment d’atterrir dans l’alma mater de Leonard Cohen. « Au début, pour un francophone, McGill c’est dépaysant » reconnaît le sportif de 20 ans.
Mis sur pied cette année, le programme d’ambassadeurs francophones permet aux candidats des cégeps de bénéficier des conseils d’étudiants actuels à McGill, francophones comme eux. « Le but du jumelage est d’aider les futurs étudiants à prendre une décision éclairée » explique Manon Lemelin, assistante aux étudiants francophones de première année et coordinatrice administrative aux affaires étudiantes sénior de McGill.
Depuis février, Vie sur le Campus McGill a recruté 140 bénévoles prêts à correspondre avec un ou plusieurs étudiants en provenance des cégeps francophones situés en dehors de Montréal (la clientèle visée cette année). « Leur générosité témoigne de leur désir d’apporter à leurs collègues des cégeps leur soutien à ce moment crucial de leur vie » s’enthousiasme Lindsay Wilmot, gestionnaire principale en recrutement et en communications de McGill.
Comme Bruno Provencher, Chloé Savignac est ravie d’endosser le rôle d’ambassadeur cette année. Un des problèmes vécu par les francophones, fait-elle observer, se situe au niveau de la langue: « On se sent gauche, à cause de notre accent.» Mais au bout de quelques mois, l’anglais s’améliore « et ça devient un jeu » juge Bruno.
Étudiante en sciences cognitives, Chloé souligne qu’on peut rédiger ses travaux en français à McGill. « C’est un droit acquis, clame-t-elle. Profitons-en! »
Mais il ne faut pas se le cacher, les diplômés des cégeps se sentent perdus à leur arrivée à McGill. Étudiante en sciences politiques, Véronique Leblanc en sait quelque chose. Il y a deux ans, elle fut elle-même cette débutante en détresse. Comme ambassadrice, elle souhaite sincèrement aider ses futurs collègues francophones. Mais elle n’a pas l’intention de leur dorer la pilule.
Originaire de St-Eustache, Véronique provient d’une famille très engagée politiquement qui ne voyait pas d’un bon œil son intention d’étudier chez les Anglos. « Pour mon grand-père indépendantiste, j’étais une traitre ».
Décidée à tenter l’expérience, Véronique a bravé les interdits familiaux. Les premiers mois, elle l’a amèrement regretté. « Je pleurais beaucoup, se rappelle-t-elle. Le chauffeur d’autobus était la seule personne à qui j’adressais la parole durant ma journée. »
Elle se serait épargné bien des tourments, croit-elle, si elle avait pu compter sur les conseils d’un ambassadeur. « J’aurais aimé qu’on me dise : ” Ne te contente pas d’entrer et de sortir d’un building, implique-toi dans les regroupements, informe-toi sur la présence du français à McGill. “»
Les choses ont commencé à changer le jour où elle a rejoint son association étudiante. Puis elle a obtenu un poste d’adjointe de recherche. « C’est fou comme on s’adapte » constate la jeune politicologue qui avoue avoir désormais « McGill tatoué sur le cœur ».
Elle admet qu’en études québécoises, son point de vue tranche parfois avec celui de ses collègues de l’Ontario ou de l’Ouest du pays. Ces différences la stimulent. « S’exposer à des opinions divergentes fait partie de l’apprentissage universitaire. »
Son enthousiasme a déteint sur sa famille. Et, à Saint Eustache désormais, il y a un drapeau de McGill qui flotte quelque part dans la maison et une maman qui porte fièrement le t-shirt McGill Mom!