Défis et incertitudes : Le Canada et Montréal face au protectionnisme de Trump

Quelques heures avant l’investiture de Trump, le maintien de la relation privilégiée du Canada avec les États-Unis demeure incertain. « Tous les paris sont ouverts », dit le professeur Richard Shearmur de l’Université McGill.

TrumpL’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis aura lieu le 20 janvier. Comme le président américain s’est de toute évidence engagé dans une voie protectionniste, le Canada, le Québec et Montréal cherchent des signes d’encouragement dans la tourmente.

Professeur à l’École d’urbanisme de l’Université McGill, Richard Shearmur utilise un mot pour décrire la situation : incertitude. « Trump a dit tout et son contraire. Il ne s’agit pas de dramatiser. Le bon sens peut encore prévaloir. Mais on est en droit de se montrer pessimiste. »

Richard Shearmur
Richard Shearmur, professeur à l’École d’urbanisme de l’Université McGill.

Le Canada est beaucoup plus dépendant des États-Unis que du temps de nos parents. « Il y a trente ans, dit le professeur Shearmur, les conséquences n’auraient pas été aussi graves. Mais depuis la signature des différents traités de libre-échange, nos deux économies sont beaucoup plus intégrées. »

Au Québec, 75 pour cent des exportations passent la frontière chaque année. Trump a juré de rouvrir le traité de libre-échange afin de ramener les emplois aux États-Unis. Le professeur Shearmur y voit une menace importante. « On pense toujours au Mexique. Mais le même principe s’applique au Canada, d’autant qu’il s’agit du même traité. »

Si le traité de libre-échange est rouvert, les secteurs québécois les plus touchés seront ceux des services et des produits manufacturiers. Il cite l’exemple du bois d’œuvre, qui a toujours fait l’objet de litiges devant les tribunaux, les Américains nous accusant de dumping. « Avec Trump, on peut se demander ce qu’il adviendra aux scieries et aux producteurs de bois du Bas-Saint-Laurent et ailleurs. C’est toute une économie non urbaine qui est menacée dans des régions déjà passablement fragilisées. »

Dans le domaine de l’automobile, on sait que les politiques du nouveau président républicain toucheront le sud de l’Ontario, où des milliers d’emplois sont en jeu. Là comme ailleurs, on ne peut ignorer l’effet domino de ces mesures. « Ça aura une incidence sur la péréquation. Indirectement, le Québec est touché et Montréal forcément. »

Comble de malchance, le nouveau président n’est pas seulement protectionniste, mais également climatosceptique. Résultat : il n’hésitera pas à relancer la production des centrales de charbon pour plaire à son électorat des régions minières. Conséquence? « Si les États-Unis accélèrent l’exploitation du charbon, cela contribuera non seulement à l’émission de gaz à effet de serre, mais les pluies acides risquent de nous tomber sur la tête de nouveau. Montréal est visée comme tout le reste du territoire frontalier. Heureusement, nous n’en sommes pas encore là! »