Casques de hockey et commotions : un véritable casse-tête

Si la conception des casques de hockey se perfectionne depuis quelques années, rien ne peut protéger complètement les joueurs contre les commotions, selon David Pearsall, codirecteur du Groupe de recherche sur le hockey de l’Université McGill. Alors que les fans des Canadiens attendent impatiemment le retour au jeu de Max Pacioretty, le chercheur explique les difficultés que présente la conception du casque idéal.
David Pearsall étudie la conception des casques de hockey depuis 20 ans. / Photo: Owen Egan
David Pearsall étudie la conception des casques de hockey depuis 20 ans. / Photo: Owen Egan

Un expert de McGill attribue la vague de cas de commotion cérébrale à des erreurs de conception et d’utilisation des casques 

Par Neale McDevitt

Le 5 avril dernier, lorsque l’ailier gauche des Canadiens, Max Pacioretty, est tombé lourdement contre la bande pendant la première période du match, les partisans de l’équipe montréalaise ont retenu leur souffle. Lorsqu’il a été escorté hors de la patinoire, visiblement sonné, et que la reprise a montré que sa tête avait violemment heurté la bande après la mise en échec, les spectateurs et les experts ont prononcé le mot qui est rapidement devenu l’un des plus redoutés dans le monde du sport : commotion.

« Les commotions sont devenues de plus en plus courantes dans le monde du sport – particulièrement dans les sports de contact comme le football et le hockey », souligne David Pearsall, codirecteur du Groupe de recherche sur le hockey de l’Université McGill et expert en biomécanique. « Les athlètes sont de plus en plus imposants, rapides et forts, et les collisions, de plus en plus violentes. Si la conception des casques se perfectionne depuis quelques années, rien ne peut protéger complètement les joueurs contre les commotions. »

Cette affirmation a été étayée à la fin du mois de mars, lorsqu’une étude réalisée par l’Université Virginia Tech a suggéré que la majorité des casques de hockey offrent peu de protection contre les commotions. En fait, la plupart des 32 marques de casques testées par les chercheurs n’ont pas décroché la note de passage, un seul casque ayant obtenu trois des cinq étoiles de l’échelle d’évaluation de VT. Les autres casques ont obtenu deux étoiles ou moins, neuf marques ne recevant aucune étoile et la mention « non recommandé ».

Plus gros n’est pas synonyme de meilleur

Selon David Pearsall, qui étudie la conception des casques de hockey depuis 20 ans, l’étude de Virginia Tech, bien qu’opportune, simplifie peut-être un peu trop un problème très complexe. « L’équipe de VT utilise une échelle d’évaluation relativement standard, mais simplifiée, qui, idéalement, devrait être multidimensionnelle, explique-t-il. Il faut tenir compte d’une multitude de facteurs concurrents, comme la fonctionnalité, l’ajustement, la surface protégée et la capacité du casque à ne pas obstruer la vue ni les signaux sonores. Ces facteurs peuvent sembler moins importants que la fonction principale des casques, soit la protection, mais il faut néanmoins en tenir compte. »

Ainsi, souligne David Pearsall, l’une des suggestions découlant de l’étude de l’université américaine préconise l’utilisation de casques plus gros. Or, si des casques plus gros offrent généralement une meilleure protection contre les impacts linéaires (coup direct à la tête, comme dans un accident de voiture, où la plus grande partie des dommages survient lorsque le cerveau frappe violemment la partie antérieure du crâne au moment de l’impact initial, avant de revenir brusquement à sa place), ils pourraient en fait augmenter le risque de blessures attribuables aux forces de rotation. Ce type d’impact, où un choc soudain sur le côté de la tête entraîne une rotation rapide de la tête ou du cou, peut étirer et même déchirer le tissu cérébral. Les lésions résultant des forces de rotation surviennent plus fréquemment à la jonction entre les substances grise et blanche, soit l’endroit où les neurones et les axones d’autres neurones se rencontrent.

Ajusté, mais pas trop

L’ajustement constitue un autre facteur important. Selon David Pearsall, une partie du problème réside dans le fait que les fabricants de casques protecteurs ne tiennent pas compte de la réalité voulant que la forme du crâne soit différente chez chaque personne. « Les casques sont conçus de façon très uniforme. Mais la forme du crâne varie d’une personne à une autre, explique-t-il. Cela peut créer des cavités ou des ouvertures à certains endroits. »

Si certains groupes préconisent le recours à des structures gonflables incorporées aux casques de hockey, comme au football, afin d’obtenir un meilleur ajustement, cette solution ne semble pas jouir d’une grande popularité. « La plupart des casques de hockey sont rembourrés à l’aide de mousse de nitrile de vinyle ou de polypropylène expansé. Une partie du problème tient au fait que le casque doit présenter un certain degré de souplesse afin de pouvoir pivoter un peu, sinon le joueur risque d’être scalpé », explique David Pearsall.

Le spécialiste précise qu’il a vu certains casques dont la conception est intéressante, puisqu’elle incorpore plusieurs coquilles rigides les unes dans les autres, le produit final ressemblant à un casque dans un casque. « Le principe consiste à disposer d’une couche externe et d’une couche interne capables de se déformer et de régler ainsi une partie du problème de torsion et d’accélération rotationnelle, affirme-t-il. Si vous êtes en mesure de prolonger quelque peu les impacts importants, les valeurs d’accélération diminuent considérablement, ce qui est beaucoup plus tolérable pour le tissu cérébral. »

Attention aux casques d’occasion

L’usure du produit est un problème avec lequel la plupart des joueurs professionnels n’ont pas à composer puisque leur équipement est réparé et remplacé régulièrement. Il n’en est pas de même pour les milliers de joueurs amateurs au Canada qui utilisent souvent des casques hérités de leurs aînés ou achetés dans des boutiques d’équipement de sport usagé.

David Pearsall a étudié les effets du temps sur les casques de hockey, entreposant littéralement de nombreux casques pendant plus d’une décennie afin de savoir si des changements se produiraient. « Nous venons de terminer une étude au cours de laquelle des casques ont été entreposés pendant 10 ans, et avons découvert qu’ils demeuraient très stables pendant les cinq premières années, explique-t-il. Toutefois, les changements importants survenus entre les sixième et dixième années m’ont étonné – particulièrement en ce qui a trait aux adhésifs. La colle se met alors à sécher et la mousse subit une détérioration. »

Sur la base de ces observations, l’Association canadienne de normalisation et le Conseil de certification de l’équipement de hockey imposent maintenant une limite de cinq ans à la durée de vie d’un casque protecteur. Après cinq ans, tous les casques – même ceux qui ont dormi sur une étagère pendant tout ce temps – ne sont plus considérés comme étant sécuritaires.

Et, bien entendu, l’une des variables les plus importantes en ce qui a trait à la sécurité d’un casque de hockey est son utilisateur. Si les jeunes joueurs amateurs sont généralement protégés de la tête aux pieds par des pièces d’équipement appropriées, il en va souvent autrement des professionnels. « On observe véritablement une attitude plus désinvolte chez de nombreux joueurs de la LNH, précise David Pearsall. Les grilles et les visières contribuent-elles à protéger les joueurs? Bien sûr, mais la plupart des joueurs de la LNH n’en portent pas. Et combien de fois avez-vous vu un joueur perdre son casque après un impact parce que sa mentonnière était mal ajustée? »

« Non seulement ces joueurs s’exposent à des risques inutiles, mais ils envoient également des messages contradictoires aux jeunes hockeyeurs qui les admirent et tentent de les imiter. »

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