Afin de célébrer la Journée internationale des professeur.e.s de français, le 28 novembre, le McGill Reporter a décidé de donner la parole à l’une des professeur.e.s de français de McGill. La rédactrice de l’article, elle-même professeure de français, a choisi d’interroger Dolly Abi Mansour qui l’a particulièrement bien accueillie lors de son arrivée au sein du département et qui a su partager avec elle son savoir-faire autant que son savoir-être.
Dolly Abi Mansour enseigne le français langue seconde à McGill depuis 2009 dans plusieurs départements. Présentement enseignante au Centre d’enseignement du français ainsi qu’à l’École d’éducation permanente, elle coordonne par ailleurs les niveaux intermédiaires des cours de Français pour la communication professionnelle ainsi que le programme French at Work, dédié à l’apprentissage du français aux employé.e.s de l’université. Toujours à l’affût des nouvelles approches pédagogiques et technologiques, elle s’intéresse beaucoup à l’enseignement assisté par ordinateur (EAO) et aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE).
Racontez-nous votre parcours académique. Avez-vous toujours voulu devenir professeure ?
« Je suis titulaire d’une maitrise en didactique du français langue seconde de l’Université de Montréal et d’un baccalauréat en enseignement de l’Université Libanaise.
Je pense que j’étais prédestinée à devenir professeure. En effet, d’aussi loin qu’ils se souviennent, mes parents rapportent que je jouais souvent à la maitresse d’école dans ma jeunesse. J’imagine que la vocation était là, déjà ancrée en moi. »
À un certain moment de ma vie, je me suis égarée dans mes choix par manque d’information dans nos écoles au Liban, jusqu’au jour où une amie me convainc d’aller passer le test d’admission avec elle à la faculté de pédagogie où j’ai été admise. Rapidement, j’ai pris gout à l’enseignement surtout grâce aux multiples approches abordant les difficultés d’apprentissage. J’ai eu le déclic en aidant la fille d’une voisine qui souffrait de TDH dans ses devoirs. J’appréhendais enfin la grandeur de ce métier. »
Qu’est-ce qui a motivé votre choix d’immigrer au Québec ?
« Je n’ai jamais voulu quitter mon pays auquel j’étais très attachée, malgré la situation sécuritaire et économique précaire qui y régnait. Je n’avais jamais imaginé immigrer. Après avoir rencontré mon mari, déjà établi au Québec, nous avons convenu de venir vivre quelques années ici et de retourner dans notre pays natal quelques années plus tard. Cela n’est jamais arrivé. Je suis tombée amoureuse de Montréal et de sa richesse culturelle, interculturelle et de son dynamisme. Nous avons décidé de nous y établir définitivement, d’y concevoir nos enfants et de les voir grandir au sein de cette société que nous avons jugée plus sécuritaire, accueillante, ouverte. »
Pourquoi avez-vous choisi d’enseigner le français langue seconde ? Pourquoi est-ce une matière hors du commun ?
« J’apprécie énormément les échanges et les interactions interculturels avec nos étudiant.e.s multilingues. Je m’enrichis de leur vécu et de leurs expériences. Cela me stimule. Dans nos classes, l’ennui n’a pas sa place! Nous avons la chance de voyager et de découvrir de nouvelles cultures sans même nous déplacer.
Aux yeux des immigrants, la langue française est perçue tantôt comme une barrière, tantôt comme un atout dans la société québécoise. Pouvoir aider à réduire le fossé qui sépare les immigrants de leur intégration dans leur société d’accueil est en soi fantastique. »
Depuis quand enseignez-vous à McGill ? Pourquoi avoir choisi cette université ? Qu’y avez-vous trouvé de particulier ?
« En 2009, j’avais une amie, avec laquelle j’avais fait mes études à l’UdeM, qui enseignait à McGill. Elle m’avait parlé de son travail et j’ai trouvé son expérience très stimulante. J’ai postulé au département de langues et communication interculturelle à l’École d’éducation permanente et heureusement ma candidature a été retenue. Deux jours avant la rentrée, j’ai été engagée afin d’enseigner le français langue seconde dans les cours intensifs. J’ai eu un grand plaisir à relever ce défi!
J’ai trouvé une atmosphère de travail valorisante, respectueuse et très stimulante. J’ai évolué grâce aux rencontres et aux découvertes que j’ai faites et ne cesse d’apprendre au contact de mes collègues avec lesquel.le.s je travaille régulièrement »
Qu’est-ce que ce métier vous apporte le plus ?
« C’est un métier valorisant, non routinier. Nous rencontrons de nouveaux visages tous les jours. Je suis toujours à la recherche de nouvelles méthodes, de nouveaux matériels pour adapter mon enseignement aux besoins particuliers de la nouvelle clientèle et n’hésite pas à me remettre en question afin de toujours offrir le meilleur de moi-même. J’apprends autant que mes étudiant.e.s.
Malgré les exigences de mon métier, la joie que j’en retire domine toujours jusqu’à présent. La gratitude et la fierté des étudiant.e.s d’avoir éliminé la barrière de la langue pour mieux fonctionner dans notre société me satisfont énormément. En tant qu’immigrante, je sais combien il est difficile de surmonter les différences culturelles. En m’investissant dans mon rôle d’enseignante, j’aide à les franchir en leur redonnant confiance durant leur parcours d’intégration. »
Pour vous, quelles seraient les qualités d’un.e bon.nne professeur.e ?
« Il est difficile d’en faire la liste, car derrière un.e enseignant.e, il y a un être humain. Chaque professeur.e dégage un charisme particulier qui fait qu’il ou elle sera le ou la meilleur.e pour ses étudiant.e.s.
Si je devais en citer quelques-unes, je dirais qu’il faut être passionné.e par son métier, avoir une écoute attentive, être tolérant, dynamique et autonome. Mais surtout, il faut faire preuve d’une ouverture d’esprit et d’un sens de l’initiative aussi. Savoir adapter son enseignement aux besoins particuliers de ses étudiant.e.s est primordial. »
Quel est votre souvenir le plus marquant avec l’un.e de vos étudiant.e.s?
« Un jour, une étudiante est sortie de ma classe en pleurs. Je l’ai rejointe dans le couloir et lui ai demandé ce qu’il se passait. Elle adorait le français, la grammaire et la vie à Montréal mais, malheureusement, ses parents l’obligeaient à rentrer dans son pays.
À la fin du trimestre, malgré la fin des cours, nous sommes restées en contact. Aujourd’hui, elle vit encore dans son pays natal, continue à m’écrire et me dit souvent que je suis son lien avec la langue française mais surtout avec sa langue française. En effet, je pense que la langue seconde a ce de particulier qu’elle permet souvent d’exprimer ce que l’on n’arrive pas à verbaliser dans notre langue maternelle. Voilà ce qui fait sa beauté.
Encore aujourd’hui, je continue de l’encourager à écrire et à lire en français, en lui envoyant des exemples de lecture ou d’exercices. Pour elle, cela lui permet de garder ce lien avec la langue. Je trouve cela très touchant de pouvoir lui fournir ce plaisir, ce contact avec la langue, même si cela se fait à distance. Il est formidable qu’elle ait pu garder aussi ce lien avec sa prof. »
En cette journée internationale des professeur.e.s de français, auriez-vous quelque chose à dire à vos collègues et à vos pairs ?
« À travers votre enseignement et votre passion, vous jouez un rôle éminent dans l’adoption des étudiant.e.s de la culture francophone et dans leur intégration. Vous êtes la vitrine par laquelle ils et elles perçoivent la culture. Notre métier est à la fois un privilège et une responsabilité. »