Par Fabienne Landry, Affaires Publiques, Centre universitaire de santé McGill
Julie Sparkes, infirmière au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) s’est récemment rendue en Chine avec une équipe médicale afin de faire ce qu’elle fait de mieux : prendre soin des patients ayant subi une intervention chirurgicale. Au cours des deux semaines qu’a duré sa mission, Julie a aidé plusieurs dizaines de patients à traverser une épreuve appelée à changer leur vie. Elle partage avec nous cette expérience inspirante, qui témoigne de sa compassion et de son engagement.
Qu’est-ce qui vous a motivée le plus à faire ce voyage?
Cela faisait plusieurs années que je souhaitais participer à une mission médicale à l’étranger. Je voulais mettre mon expérience au service de personnes qui n’ont pas la chance de recevoir des soins médicaux spécialisés.
Pourquoi la Chine et cette équipe médicale en particulier?
La veille du Nouvel An, mon mari m’a demandé ce que j’aimerais faire au cours de l’année à venir. Ma réponse a été immédiate : « J’aimerais partir en mission médicale à l’étranger ».
J’ai fait des recherches en ligne et j’ai trouvé un organisme appelé Education Medical Aid and Service (EMAS), qui envoie des équipes médicales dans le monde entier pour des missions de deux semaines. J’ai posé ma candidature et j’ai été acceptée pour une mission de chirurgie humanitaire. L’équipe soignante était composée de 50 personnes, y compris des chirurgiens, des anesthésistes ainsi que des infirmières. La plupart d’entre eux étaient des Canadiens d’origine chinoise participant à ce type de missions entièrement à leurs frais, et ce depuis 20 ans.
À quel type de patients votre équipe est-elle venue en aide?
Nous avons effectué un grand nombre d’interventions destinées à réparer ce qu’on appelle la fente labiopalatine ou bec de lièvre. Nos patients étaient de jeunes enfants, mais nous avons aussi opéré une femme de 40 ans. Cette opération va transformer leur vie en corrigeant une malformation qui les gêne pour parler et s’alimenter, sans parler du rejet social qu’elle peut entrainer.
Nous avons également soigné des enfants gravement brûlés. Issus de familles pauvres, ils vivent dans de petites maisons en montagne, où l’on se chauffe et l’on cuisine grâce au feu de bois. Inconscients du danger, les plus petits s’y précipitent littéralement. Lorsqu’ils survivent à leurs brûlures, ils sont le plus souvent défigurés et souffrent de contractures (cicatrices entrainant une contraction de la peau et diminuant l’amplitude normale des mouvements). Ils ont besoin d’une greffe pour réduire la tension occasionnée par la cicatrice et permettre à la peau de recouvrer ses fonctions.
Pouvez-vous nous décrire une journée type pour l’équipe?
Le premier jour, nous avons trié le matériel que nous avions apporté du Canada pour les 50 interventions prévues. Les jours suivants, nous avions une réunion d’équipe à 6 heures du matin, nous étions répartis dans les trois hôpitaux et chargés d’une mission, puis nous nous retrouvions le soir pour souper.
Quel était votre rôle?
Mon rôle était le même qu’au CUSM, c’est-à-dire m’occuper des patients après leur opération. Je devais m’assurer de leur administrer des médicaments contre la douleur, surveiller leur fonction respiratoire et leur pansement afin qu’il n’y ait pas de saignement. J’ai également assisté les chirurgiens au bloc opératoire. J’étais inquiète, car ce n’était pas quelque chose que j’avais l’habitude de faire et il m’était arrivé une fois de m’évanouir. Heureusement, ça n’est pas arrivé (rires)! En réalité, j’ai fait tout ce que j’étais capable de faire. Quand les ressources sont limitées, vous faites tout ce que vous pouvez.
Comment vous êtes-vous préparée?
J’ai participé à des réunions d’équipe avant le voyage, mais je dirais que ce sont mes 25 années d’expérience qui m’ont le mieux préparée à cette mission. Je n’avais pas d’expérience en soins postopératoires pédiatriques par contre. Je tiens donc à remercier sincèrement mes collègues de l’Hôpital de Montréal pour enfants, qui m’ont permis de passer une journée auprès d’eux pour observer la récupération des enfants opérés pour un bec de lièvre.
La langue a-t-elle été un obstacle?
Pas vraiment, car la majorité des membres de notre équipe parlait le mandarin. Même lorsque leurs interlocuteurs parlaient un dialecte, ils trouvaient généralement un moyen de se comprendre. Quand j’étais seule, je parlais en pointant du doigt et je pouvais « lire » mes patients, c’est-à-dire voir s’ils souffraient en surveillant leur rythme cardiaque et en observant différents signes. Quand j’avais du temps, j’essayais de sortir de la relation soignant-patient et d’avoir des échanges personnels avec les enfants. Ils étaient souvent impressionnés par mes cheveux blonds!
Qu’aimez-vous particulièrement dans votre travail?
Être infirmière c’est avoir le privilège de nouer une relation intime avec les gens en un très court laps de temps. Vous devez établir une connexion avec eux très rapidement afin de pouvoir les aider. Peu importe où vous vous trouvez, l’attention que vous portez aux patients sera la même. Le monde est fait de contrastes, mais nous sommes semblables à de multiples égards. Nous travaillons, nous mangeons, nous dormons. Et nous connaissons tous l’espoir, l’amour, la peur et la souffrance.
Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous?
Le plus dur a été de prendre soin des personnes brûlées. Elles souffraient tellement, physiquement et psychologiquement.
Et le plus gratifiant?
Cela faisait tellement longtemps que j’avais ce projet en tête, c’est un rêve qui est devenu réalité, tout simplement. Changer la vie des gens s’est révélé incroyablement gratifiant. Cette expérience a dépassé toutes mes attentes. J’adorerais recommencer.