50e anniversaire d’une découverte révolutionnaire sur le cancer faite à Montréal

2015 a marqué le 50e anniversaire des travaux révolutionnaires réalisés par les chercheurs Phil Gold et Samuel Freedman, de McGill, qui ont mené à la découverte et à la définition de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE). Cette découverte a mené à la mise au point du premier test sanguin pour le diagnostic et la prise en charge du cancer approuvé par la Food and Drug Administration, aux États-Unis, puis par presque tous les pays. Il demeure le test sanguin le plus utilisé en cancérologie.
Phil-gold
La découverte de l’antigène carcinoembryonnaire par les Drs Gold (photo) et Freedman, en 1965, a mené à la mise au point du premier test sanguin pour le diagnostic et la prise en charge. Ce test est encore aujourd’hui celui qui est le plus utilisé en cancérologie.

Cette année marque le 50e anniversaire des travaux révolutionnaires réalisés par les Drs Phil Gold et Samuel Freedman, qui ont mené à la découverte et à la définition de l’antigène carcinoembryonnaire (ACE). Cette percée a permis la mise au point du test sanguin le plus fréquemment utilisé pour le diagnostic du cancer et la prise en charge des patients atteints de cette maladie. Nous avons rencontré le Dr Gold afin de discuter avec lui de cette découverte, de son importance et de la recherche d’un remède contre le cancer.

Qu’est-ce que l’ACE et comment le Dr Freedman et vous en avez-vous fait la découverte?

L’objectif de la recherche sur le cancer a toujours été de découvrir un biomarqueur distinctif, soit une substance ou une molécule dans la cellule cancéreuse qui permettrait de distinguer celle-ci d’une cellule normale. De nombreuses tentatives en ce sens ont été effectuées dès le début des années 1960, mais toutes se sont révélées infructueuses. À l’époque, il était généralement admis qu’un tel marqueur n’existait pas puisque personne ne l’avait trouvé. Devant une telle affirmation, nous avons décidé de relever le défi. À l’aide de techniques immunologiques qui n’avaient encore jamais été utilisées dans le domaine de la recherche sur le cancer, nous avons été en mesure de démontrer l’existence d’un tel biomarqueur. L’approche que nous avons adoptée était unique à plus d’un égard.

Premièrement, nos travaux ont porté sur le cancer du côlon. En raison du mode de développement particulier de ce type de cancer, nous avons pu comparer des tissus tumoraux et des tissus sains chez un même sujet. Deuxièmement, en utilisant deux approches différentes pour la préparation des anticorps dirigés contre le tissu tumoral, nous avons été en mesure d’éliminer le « bruit de fond » provenant des composantes normales du tissu tumoral, pour nous concentrer uniquement sur la réactivité des anticorps dirigés contre le biomarqueur tumoral. Comme la molécule a ensuite été découverte dans les organes digestifs d’embryons humains, nous avons donné le nom d’« antigène carcinoembryonnaire » (ACE) à notre découverte.

Pourquoi la découverte de l’ACE était-elle si importante? Quelle a été son incidence sur le traitement du cancer et la recherche sur cette maladie?

La découverte de l’ACE a marqué un tournant important, car c’était la première fois que des chercheurs démontraient clairement l’existence d’un biomarqueur tumoral, même si de petites quantités d’ACE se trouvaient également dans les tissus sains. À partir de là, nous avons mis au point un radioimmunoessai, ou test sanguin, qui nous a permis d’examiner des échantillons de sang prélevés chez des sujets souffrant de diverses affections afin de déterminer si notre découverte se révélerait utile pour le diagnostic, la prise en charge et le traitement du cancer. Après d’importants travaux dans ce domaine, auxquels ont participé de nombreux laboratoires aux quatre coins du monde, nous avons pu démontrer que l’ACE est présent en concentrations élevées et croissantes dans 70 pour cent de tous les cancers humains. Le dosage de l’ACE a été le premier test sanguin pour le diagnostic et la prise en charge du cancer approuvé par la Food and Drug Administration (FDA), aux États-Unis, puis par presque tous les pays. Cinquante ans après sa mise au point, il demeure le test sanguin le plus utilisé en cancérologie.

Croyez-vous que les chercheurs trouveront un remède contre le cancer? Si oui, sommes-nous encore loin de cette découverte? 

Je suis persuadé que nous découvrirons diverses formes de remèdes contre le cancer. En fait, certains existent déjà, et des affections malignes comme la maladie de Hodgkin et la leucémie myéloïde chronique peuvent maintenant être guéries. En outre, les traitements administrés contre de nombreux types de cancers, comme ceux touchant l’intestin, le sein, et même le poumon, sont de plus en plus efficaces. Outre les modalités thérapeutiques courantes comme la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie, les spécialistes ont maintenant accès à l’immunothérapie, qui représente une avancée importante en oncologie. Dans l’ensemble, j’estime que les principaux cancers pourront être traités avec succès dans moins d’une dizaine d’années. Je crains toutefois que nous ne puissions nous permettre les nouveaux médicaments qui apparaissent sans cesse, puisque le coût annuel de ces traitements peut facilement dépasser 100 000 $ par patient. C’est pourquoi je crois qu’il faut continuer de souligner l’importance d’avoir de saines habitudes de vie.

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