Ça pourrait sembler sortir tout droit de la science-fiction : un neurochirurgien qui injecte un traitement dans le cou d’un patient pour qu’il traverse la barrière hémato-encéphalique. Mais ce n’est pas un film, c’est une nouvelle thérapie génique – une ligne de traitement prometteuse qui est explorée comme voie potentielle pour traiter la démence.
Le Neuro est le seul site au Québec à participer à un essai clinique de phase I testant ce traitement potentiellement révolutionnaire qui espère ralentir ou arrêter une forme héréditaire de démence frontotemporale (DFT). L’étude est le premier essai de thérapie génique pour la démence mené au Canada.
L’essai s’adresse spécifiquement aux patients atteints de FTD qui présentent une mutation du gène GRN, qui les empêche de produire suffisamment de progranuline, une protéine essentielle au fonctionnement du cerveau.
Viser droit
« La plupart des formes de démence sont multifactorielles ; il s’agit d’une maladie complexe, et la prise en compte d’un seul facteur peut ne pas avoir d’impact substantiel. Il est bien plus probable que nous trouvions un remède à une forme génétique de la maladie dont la cause est unique et bien identifiée. Si vous parvenez à influencer ce facteur, nous espérons pouvoir ralentir considérablement ou inverser la démence. C’est ce que nous cherchons à faire ici », explique le Dr Simon Ducharme, neuropsychiatre et clinicien-chercheur au Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal) et chercheur principal de l’étude à Montréal.
La Société Alzheimer du Canada estime que 5 à 10 % de tous les cas de démence sont des DFT – la maladie avec laquelle Bruce Willis a récemment reçu un diagnostic. Il s’agit d’une démence d’apparition précoce et la forme la plus courante chez les personnes de moins de 60 ans. Les premiers signes comprennent des changements marqués dans la personnalité et le jugement, suivis par des problèmes croissants de langage ainsi que des troubles du mouvement, tels que des tremblements, des raideurs musculaires et des mouvements lents. La survie moyenne après des changements neurocognitifs n’est que de 8 ans.
Les mutations génétiques représentent environ un quart des cas de FTD, dont 5 à 10 % découlent des mutations du gène GRN. Presque toutes les personnes porteuses de la mutation GRN développeront la maladie. Et comme il s’agit d’une version génétique de la maladie, les personnes touchées ont 50 % de chances de la transmettre à chacun de leurs enfants.
Traitement unique
Le traitement qui est en cours d’essai est une thérapie génique basée sur un vecteur viral. Les vecteurs viraux ont été de plus en plus utilisés au cours des cinq dernières années. Il s’agit d’un virus inactivé qui est utilisé comme véhicule pour transporter un gène fonctionnel vers une cellule.
« C’est très excitant ; c’est une véritable thérapie génique. Il s’agit d’une dose unique et, en théorie, l’effet est spectaculaire et durable, semblable aux traitements récemment approuvés pour l’amyotrophie spinale (AMS) », explique le Dr Ducharme.
La thérapie testée espère qu’en délivrant une copie fonctionnelle du gène GRN, le corps pourra ensuite augmenter la production de protéine progranuline par lui-même.
« L’idée est que même si la maladie est présente, la progression pourrait être arrêtée. Vous pourriez avoir un patient qui a progressé mais qui bénéficierait du maintien de sa qualité de vie sans détérioration supplémentaire. Un jour, si des traitements comme celui-ci réussissent, le traitement pourrait s’étendre aux personnes porteuses de la mutation avant l’apparition des symptômes pour leur éviter de développer cette maladie », conclut le Dr Ducharme.
Les personnes âgées de 35 à 75 ans ayant reçu un diagnostic de DFT peuvent contacter l’unité de recherche clinique du Neuro au (514) 398-5500 ou à neurocog-CRU.neuro@mcgill.ca. Les déplacements en provenance de l’extérieur de la province peuvent être couverts par l’essai.