
Si leurs milieux et leurs objectifs diffèrent, les étudiants qui ont suivi le cours HIST 330 s’entendent néanmoins sur une chose : l’expérience, passionnante, qu’ils en ont tirée les a exposés à de nouveaux récits, a aiguisé leur esprit critique et a changé leur vision du monde.
« [Le cours] m’a amenée à réévaluer mon identité afro-canadienne. Je suis encore plus fière et reconnaissante de ce que mes ancêtres ont accompli », confie Tamaya Savage, étudiante de deuxième année en histoire et en études sur le genre, la sexualité, le féminisme et la justice sociale. « Le cours m’a donné l’occasion d’aiguiser ma réflexion quant à l’histoire en général et au rôle des communautés marginalisées en particulier. Toute ma vision du monde s’en est trouvée bouleversée. »
Une histoire jamais racontée
Depuis deux ans, le cours de premier cycle HIST 330, qui aborde un thème choisi de l’histoire canadienne, porte sur l’histoire afro-canadienne de 1608 au XXe siècle, telle qu’enseignée par Wendell Nii Laryea Adjetey, professeur afro-canadien primé.
« Il existe un mythe étrange selon lequel l’arrivée des Noirs au Canada est plus récente. En fait, les Noirs ont été les premiers médiateurs entre les colons européens et les nations autochtones », rappelle le professeur.
Dans son cours, démontre que les personnes noires ont joué un rôle central dans l’édification du Canada. HIST 330 porte aussi sur l’exploitation que cette population a subie et sur les répercussions de ces abus sur les récits contemporains et les relations raciales. Le cours met également en lumière les réalisations des Afro-Canadiens, notamment leur combat pour les droits de la personne; une lutte dont les fruits ont rejailli auprès de l’ensemble des Canadiens.
Mieux comprendre le Canada

« Le Pr Adjetey nous parle d’un héritage qui nous était inconnu. Il alimente notre intérêt pour les voix afro-canadiennes », explique Thomas Tudor, étudiant de quatrième année en sciences politiques et en histoire. « Cette histoire doit être partagée. »
L’étudiant de Toronto, ville diversifiée où « la communauté noire est dynamique », remarque-t-il, confie que, bien qu’il ait grandi aux côtés de nombreux amis noirs, il connaît mal l’histoire de leur communauté.
Avant de suivre le cours HIST 330, Thomas ignorait largement les contributions d’Afro-Canadiens, dont Daniel Hill, en l’honneur de qui la bibliothèque du quartier où il habite, dans l’ouest de Toronto, a été récemment nommée. Sociologue, militant communautaire et fonctionnaire, Daniel Hill a été le premier directeur de la Commission ontarienne des droits de l’homme et a créé la société d’experts-conseils sur les droits de la personne au Canada.
« La découverte de cet héritage a façonné ma vision du monde, explique l’étudiant. Les nombreux récits qui nous sont présentés nous aident à mieux comprendre le Canada. »
Au-delà des livres d’histoire
Wendell Nii Laryea Adjetey présente à ses étudiants et étudiantes des sources qui ne sont généralement pas présentées dans les cours d’histoire de premier cycle.
« Les Noirs se battaient pour leur survie; c’est pourquoi nous avons très peu d’archives et que nous devons recourir à des sources moins conventionnelles pour tenter de brosser un tableau de leur histoire », explique le Pr Adjetey.
Ces sources comprennent des enregistrements oraux inédits qui témoignent de dimensions de l’expérience noire, des documents classifiés des services de renseignement qui décrivent le contrôle et les atteintes qu’ont subies les communautés noires, ainsi que des ouvrages contemporains d’autres disciplines comme la sociologie et les sciences politiques qui traitent des impacts de l’esclavage et de la discrimination exercée auprès des Noirs.
Une vision d’ensemble
« J’ai découvert de nombreux personnages marquants de la communauté noire canadienne dont je n’avais jamais entendu parler », confie Madeleine Fitzgerald, originaire de Washington,
En remettant en question la notion selon laquelle le traitement des Noirs au Canada serait, sur le plan moral, supérieur à celui des États-Unis, le cours a élargi ses perspectives, et ce, tant d’un point de vue personnel qu’académique. Madeleine est en quatrième année en études religieuses et en histoire.
« Ce cours a ouvert les yeux de beaucoup d’Américains et de personnes nées à l’extérieur du Canada. Personnellement, il m’a aidé à comprendre les liens entre le Canada et les États-Unis et la façon dont ils se sont formés, précise Madeleine Fitzgerald. En général, je choisis des cours principalement axés sur les États-Unis et l’Antiquité, et ce cours m’a permis de découvrir d’autres sujets qui me seront utiles. En tant qu’universitaire, je dois m’assurer de ne pas avoir d’œillères. »
De l’avis du professeur, il est essentiel de voir au-delà des frontières.
« Je donne ce cours en partant du principe que le Canada n’est plus un avant-poste isolé de l’ancien Empire britannique, explique-t-il. C’est un pays important pour les États-Unis et pour la diaspora africaine mondiale. Les Noirs du monde entier se sont inspirés du Canada et de la lutte qui y a été menée pour la liberté. »
L’autonomie, mère de l’apprentissage
Les étudiants mentionnent que le Pr Adjetey donne son cours avec profondeur et émotion. Il propose des discussions et donne des travaux qui poussent à réfléchir, de dont le passé façonne le présent.
Selon Madeleine Fitzgerald, les échanges et les travaux hors du commun et stimulants – son préféré consistait à visionner un documentaire de façon autonome et à rédiger un compte rendu critique en y incorporant des concepts tirés de lectures et de cours – sont une occasion en or d’approfondir ses connaissances.
Pour Tamaya Savage, qui attribue en outre au cours le mérite d’avoir aiguisé ses compétences rédactionnelles, l’encouragement de la pensée critique et l’enseignement de la résilience des communautés noires et des grandes contributions des Afro-Canadiens aura été une source d’inspiration pour réaliser ses rêves.
« J’ai été constamment appelée à sortir de ma zone de confort pour vraiment comprendre ce qu’a pu être la vie des Afro-Canadiens et réfléchir à ce que cela signifie pour moi, dans l’avenir, explique-t-elle. Ce cours a réitéré ma confiance dans mon choix de carrière : j’aimerais travailler avec des communautés marginalisées pour les aider à s’élever, en quelque sorte. J’adorerais accompagner d’autres Afro-Canadiens sur le chemin de la réussite. Ce serait tout simplement extraordinaire. »