Organiser le traitement des patients atteints d’un cancer est très complexe. Pour fixer un simple rendez-vous, il faut prendre en considération plus d’une vingtaine de variables. C’est ce processus complexe que veut simplifier la jeune entreprise Gray Oncology Solutions de Montréal, fondée par deux diplômés de l’Université McGill. Son logiciel, GrayOS, mise sur l’intelligence artificielle pour résoudre ce casse-tête.
« Imaginons chaque variable comme un bloc du jeu Tetris, dit le patron de l’entreprise, André Diamant, pour illustrer son propos. Nous utilisons les fonctions organisationnelles et prédictives de l’IA pour produire le meilleur agencement possible, c’est-à-dire la meilleure planification possible du parcours de soins oncologiques du patient. »
Un flot de données à maîtriser
Les logiciels de prise de rendez-vous sont nombreux dans le domaine des soins de santé. Toutefois, à l’exception de GrayOS, aucun n’a toutes les fonctionnalités nécessaires pour gérer le flot de données qui entrent en jeu dans le parcours de soins des patients atteints d’un cancer, selon André Diamant.
En effet, le traitement du cancer sollicite de nombreux pôles d’activité hospitalière, notamment la radio-oncologie, l’oncologie médicale ou la chirurgie, qui sont souvent gérés séparément. Une foule d’informations entrent en ligne de compte dans la planification des rendez-vous : la disponibilité du patient et celle du médecin ou du personnel technique, la disponibilité de la salle, la durée de l’intervention, le type de technologie, etc.
Conséquence de cette difficulté d’attribuer des rendez-vous, la grille-horaire établie contient parfois des trous. L’important volume de données à traiter alourdit la charge de travail du personnel. Pour certains patients, l’incertitude quant à leur parcours de soins peut devenir anxiogène au point de nuire à leur processus de guérison et de retarder certains traitements.
Gray Oncology Solutions est partenaire des centres de cancérologie de plusieurs établissements de santé, dont le CHUM, l’Hôpital général juif et l’Hôpital d’Ottawa. Les résultats constatés sont encourageants : hausse de 5 % à 10 % du nombre de patients vus, réduction du temps d’attente de 17% et réduction de la charge administrative de 80 %. Durant la seconde vague de la COVID-19, malgré le chaos qui régnait alors dans les hôpitaux, le centre de cancérologie du CHUM a pu donner des milliers de rendez-vous de plus grâce à GrayOS.
Doctorats en physique médicale à l’Université McGill
André Diamant et Marc-André Renaud, le directeur technique, ont fondé l’entreprise en 2019. Gray Oncology Solutions puise ses racines à McGill et à Polytechnique. Les deux fondateurs ont fait leur doctorat en physique médicale à McGill sous la direction de Jan Seuntjens, aujourd’hui à l’Université de Toronto et au Princess Margaret Cancer Centre. Marc-André Renaud a ensuite fait un postdoctorat à Polytechnique auprès de Louis-Martin Rousseau et de sa proche collaboratrice, Nadia Lahrichi, deux spécialistes de la logistique des soins de santé. L’apport de ces trois sommités professorales à la genèse de l’entreprise a été déterminant, et André Diamant ne tarit pas d’éloges à leur égard.
« Ce sont nos “conseillers fondateurs”. Encore aujourd’hui, les trois consacrent du temps à Gray Oncology Solutions chaque semaine. Ils sont au cœur de nos activités et la valeur qu’ils apportent est inestimable. »
Appui indéfectible du Centre Dobson
L’entreprise a aussi bénéficié de son association avec le Centre Dobson pour l’entrepreneuriat de l’Université McGill. C’est lors de la Coupe Dobson 2020, concours pour jeunes entreprises, que Gray Oncology Solutions s’est fait connaître. Si elle n’a pas remporté la coupe, son fort potentiel n’en a pas moins séduit la direction du Centre qui, ces dernières années, lui a fourni accompagnement et soutien financier. André Diamant a notamment pu participer à d’importantes foires commerciales, comme la London Tech Week, ViVATech à Paris et la Midtech Conference à Boston, où il a fait la rencontre de clients potentiels et de futurs investisseurs.
« À chaque étape de la croissance de l’entreprise, nous avons toujours senti l’appui indéfectible du Centre Dobson, dit-il avec reconnaissance, et je ne doute aucunement que ce soutien va se maintenir longtemps encore. Grâce à la présence du Centre dans l’écosystème et à son accompagnement, nous avons pu, ici comme à l’étranger, ouvrir bien des portes qui seraient restées verrouillées autrement. »
Vers un Waze des soins de santé
Comment l’avenir de Gray Oncology Solutions se dessine-t-il? Les maîtres-mots sont la personnalisation et la diversification.
Tout d’abord, l’entreprise veut sortir les parcours de soins des ornières imposées par les structures bureaucratiques, qui ne tiennent pas compte des besoins de chaque personne. Gray Oncology Solutions veut fournir aux patients « une sorte de Waze des soins de santé », explique André Diamant en y allant d’une image familière, c’est-à-dire un système capable de définir un parcours personnalisé, d’anticiper des situations, d’adapter le parcours en temps réel et de faire des simulations pour dégager les scénarios les plus probables ou préférables. Chaque patient y aurait accès à partir d’une application mobile. « J’ai peine à imaginer à quel point, quand on combat un cancer, l’attente entre les traitements doit être pénible et stressante, ajoute-t-il. Je peux comprendre que des patients se sentent abandonnés entre deux rendez-vous médicaux. Pourtant, les choses bougent, et avec le portail que nous bâtissons, ils pourront un jour suivre les démarches médicales et savoir quel professionnel travaille sur quel volet de leur dossier, un peu comme on suit le parcours d’un colis. »
L’entreprise vise aussi à étendre son offre en proposant des versions de sa solution technologique adaptées à des pôles d’activités hospitalières autres que l’oncologie.
Cette technologie est très impressionnante. Je comprends qu’elle pourrait avoir des applications dans d’autres domaines. Félicitations à toutes les personnes et institutions qui contribuent à ces avancements.
Bravo! Votre produit DOIT être déployé en cancérologie prioritairement, puis dans d’autres spécialités médicales pour optimiser tous les parcours thérapeuthiques. L’arrivée d’autres professions avec la nouvelle loi de la ministre Lebel ajoute une couche à la gestion des agendas !