Les champions de la biodiversité

Un professeur de McGill et des collègues de l’UQO et de l’UQAM partagent leur expertise avec les autorités municipales et les Premières Nations
Ces trois professeurs ont fondé Habitat, société-conseil sur la protection de la biodiversité. De gauche à droite : Christian Messier, de l’Université du Québec à Montréal, Jérôme Dupras, de l’Université du Québec en Outaouais, et Andrew Gonzalez, de l’Université McGill.Mathieu B. Morin

L’histoire d’Habitat commence avec trois personnes – un géographe, un biologiste et un ingénieur forestier, tous professeurs et chercheurs universitaires – qui décident de s’associer pour fonder une boîte de génie environnemental spécialisée en biodiversité.

« Jadis, personne ne faisait le lien entre le réchauffement climatique et la biodiversité, qui était perçue comme un problème lointain. Aujourd’hui, de plus en plus de gens font le lien entre les deux », dit Jérôme Dupras, PDG de Habitat, professeur au Département des sciences naturelles à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique.

Fondée en 2017, Habitat compte 30 employés qui conduisent quelques dizaines de projets par année. Parmi leurs projets, mentionnons le corridor vert à Nicolet, la cartographie des coulées agricoles du Québec, la stratégie de plantation d’arbres à Montréal, la gestion du bassin versant de la rivière du Nord dans les Laurentides, l’amélioration de la résilience de la forêt urbaine de Rosemère et l’aménagement du territoire ancestral de la Nation innue d’Essipit.

« La biodiversité soulève beaucoup d’intérêt, mais peu d’entreprises se sont consacrées comme nous à faire le lien entre la recherche universitaire de pointe et les acteurs du milieu », explique Andrew Gonzalez, professeur de biologie à l’Université McGill et titulaire de la Chaire Liber Ero en biologie de conservation.

Avec le troisième mousquetaire, Christian Messier, professeur au Département des sciences biologiques de l’UQAM et au Département des sciences naturelles de l’UQO, et titulaire de la Chaire de recherche sur la résilience des forêts face aux changements globaux, le duo s’est donné pour mission d’expliquer aux municipalités, aux Premières Nations, aux MRC et aux entreprises comment protéger et restaurer la biodiversité de leurs forêts, de leurs milieux humides, de leurs prairies. « Nous avons développé des outils informatiques pour analyser et visualiser la connectivité des corridors écologiques, mais également la résilience des forêts et de la canopée urbaine, dit Andrew Gonzalez. C’est un positionnement unique sur le marché. C’est notre signature. »

 

La biodiversité comme défi entrepreneurial

Les trois associés entretiennent des liens étroits entre eux. Andrew Gonzalez a connu Jérôme Dupras lorsque ce dernier était chercheur postdoctoral dans son laboratoire à l’Université McGill. Les deux chercheurs ont travaillé en étroite collaboration sur plusieurs projets de recherche et sur l’organisation de conférences. L’histoire s’est répétée avec Christian Messier, grand spécialiste de la foresterie urbaine.

« Ça nous a pris quelques années à comprendre comment on dirige une entreprise. L’enjeu est évidemment de faire en sorte que le tout soit plus grand que la somme des parties », explique Jérôme Dupras, qui est fier d’avoir bâti une équipe de spécialistes dont une bonne moitié détient une maîtrise ou un doctorat. Depuis juin, Habitat peut appuyer son développement sur un investissement de 3,5 millions de dollars du Fonds de solidarité FTQ – une première dans le domaine de la biodiversité pour cet investisseur.

Les associés disent qu’ils arrivent à jongler avec leurs carrières d’entrepreneurs et d’universitaires sans trop de mal. « Je reçois un fort soutien de McGill, et je profite au maximum des quatre jours par mois que l’Université m’accorde, dit Andrew Gonzalez. On nous encourage à sortir de notre tour d’ivoire. »