Le projet « Share Your Sleep Story » lève le voile sur un problème sous-estimé

Nous cherchons à savoir quels changements – tant au niveau institutionnel que gouvernemental – permettraient de mieux gérer les problèmes de sommeil et d’améliorer la qualité de vie
Madhura Lotlikar
Madhura Lotlikar, fondatrice du projet « Share Your Sleep Story », est doctorante en neurosciences à l’Université McGill.

Le manque de sommeil et les troubles du sommeil ont de profondes conséquences tant pour les individus que pour la société. Madhura Lotlikar a décidé de s’attaquer à ce problème.

Considérant le nombre grandissant d’études qui mettent en lumière les effets négatifs d’un sommeil de mauvaise qualité, la doctorante en neurosciences à l’Université McGill a été soufflée par le manque d’initiatives concrètes dans ce domaine.

« Il y a une abondance de données, mais si peu d’actions, se désole-t-elle. Où sont les applications concrètes de la recherche, la sensibilisation de la population, les politiques gouvernementales? »

Pour Madhura Lotlikar, les témoignages de ceux et celles qui souffrent de problèmes de sommeil sont l’une des pièces manquantes du casse-tête : « Il faut écouter les personnes pour opérer les changements dont elles ont besoin. Il existait des initiatives ciblées pour certaines maladies comme la narcolepsie, mais aucun projet structuré à grande échelle en matière de santé du sommeil. »

Cette prise de conscience a mené à la création du projet « Share Your Sleep Story », qui vise à relier données de recherche et vécu des personnes aux prises avec des problèmes de sommeil, que ce soit en raison de leur travail, de difficultés personnelles, de facteurs sociaux ou de troubles du sommeil.

Le projet a récemment reçu du financement du Réseau québécois de recherche sur le sommeil,  organisme interdisciplinaire composé de scientifiques, de travailleurs et travailleuses de la santé et de professionnels de la médecine du sommeil. Le Neuro et la Société canadienne du sommeil, qui héberge les témoignages, collaborent avec le Réseau.

« Ce projet n’est pas une étude : l’objectif est de faire de la sensibilisation, pas de diagnostiquer des problèmes de sommeil, précise la doctorante. Les entretiens nous ont permis de prendre véritablement la mesure des problèmes considérables que vivent chaque jour les personnes qui travaillent de nuit, par exemple, ou qui souffrent d’un trouble du sommeil. »

 

Les conséquences du manque de sommeil

Très rapidement après avoir entrepris ses travaux sur le sommeil, il y a trois ans et demi, Madhura Lotlikar a constaté les répercussions profondes du manque de sommeil et des troubles du sommeil tant sur les individus que sur la société, par exemple en raison de la perte de productivité.

« Le sommeil est un élément central de notre vie. Ainsi, le manque de sommeil nuit à notre bien-être mental et physique, à notre productivité, en plus d’accroître les risques de démence, de maladie d’Alzheimer, de maladies cardiovasculaires, de blessure, de diabète et d’autres maladies chroniques. Tout ce qui favorise la qualité du sommeil peut améliorer la qualité de vie », expose-t-elle.

La collecte de témoignages réalisée dans le cadre du projet « Share Your Sleep Story » ne vise pas seulement à faire de la sensibilisation sur les diverses conséquences du manque de sommeil et à combattre les préjugés, mais aussi à encourager les décideurs à reconnaître le sommeil comme élément de première importance en santé. Madhura Lotlikar ajoute que son équipe et elle souhaitent passer de la parole aux actes en mettant ces témoignages à profit en recherche et dans l’arène des politiques publiques.

L’équipe produira des exposés de politique, des textes d’opinion et d’autres contenus pour attirer l’attention du public sur les problèmes de sommeil.

« En reliant données et vécu, nous espérons provoquer des changements, confie la doctorante. Nous demandons aux participants et participantes de nous indiquer quels changements – au niveau institutionnel ou gouvernemental – leur permettraient de mieux gérer leurs problèmes de sommeil et d’améliorer leur qualité de vie. Nous voulons porter leurs voix. »

Ces changements vont de l’abolition de l’heure avancée au remboursement par la RAMQ de traitements contre l’insomnie fondés sur des données probantes, comme la thérapie cognitivo-comportementale pour l’insomnie, en passant par une plus grande place faite à la formation sur le sommeil dans les programmes de médecine et en milieu clinique.

 

À chacun ses besoins

La majorité des études sur le sommeil visent à établir des recommandations générales – par exemple, pour un adulte, dormir entre sept et neuf heures par nuit. Or, on considère de plus en plus que les besoins varient considérablement d’une personne à l’autre.

Ainsi, le fait de dormir moins de sept heures par nuit n’est pas nécessairement le symptôme d’un trouble du sommeil et n’entraînera pas inévitablement des effets négatifs. En outre, certains problèmes de santé comme les troubles du rythme veille-sommeil et l’apnée du sommeil démontrent bien que les problèmes de sommeil ne sont pas toujours manifestes ni faciles à catégoriser.

Cela est particulièrement vrai chez les personnes dont l’horaire de travail entre en conflit avec les habitudes de sommeil dites « normales ». Ainsi, il est considérablement difficile pour les travailleurs et travailleuses de nuit d’obtenir un sommeil réparateur. Maria, une ergothérapeute qui a participé au projet, se confie sur ses propres problèmes de sommeil et sur ceux de ses patients en réadaptation. Le sommeil est essentiel pour la santé mentale et la guérison, mais il n’y a pas de consensus sur la façon dont les professionnels de la réadaptation doivent évaluer et traiter les problèmes de sommeil.

Madhura Lotlikar considère cette situation comme une véritable lacune, tant en recherche qu’en pratique, qu’il faut combler sans tarder.

« Notre projet soulève des questions qui pourraient inspirer de futurs travaux, croit la chercheuse. Par exemple, pourquoi ne mène-t-on aucune étude dans les centres de réadaptation en dépit de l’abondance de données sur les difficultés que vivent leurs patients? Et, plus important encore, que pouvons-nous faire pour remédier à la situation? »

Consultez les comptes LinkedIn, Instagram, X et Facebook du projet « Share Your Sleep Story » : un nouveau témoignage y est publié chaque mois.

Vous aimeriez raconter votre histoire? Communiquez avec Madhura Lotlikar à madhura.lotlikar@mail.mcgill.ca