Les lauréats de la bourse Rathlyn 2025 s’intéressent aux pratiques de réduction des méfaits et à l’histoire autochtone

Enkhe-Tuyaa Montgomery et Jack Theis ont des champs d’intérêt différents, mais tous deux accordent une place de choix à la communauté et combattent les idées fausses

Enkhe-Tuyaa Montgomery et Jack Theis sont les plus récents boursiers Rathlyn. La bourse de 12 500 $ épaule des étudiantes et étudiants autochtones aux cycles supérieurs dans leur quête d’excellence en recherche.

Doctorante de troisième année en anthropologie, Enkhe-Tuyaa Montgomery critique les pratiques actuelles de réduction des méfaits dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Elle prône une approche holistique, qui va au-delà de la distribution de naloxone et de seringues stériles et qui répond à des besoins plus fondamentaux liés au logement, à l’alimentation et à la communauté.

Étudiant à la maîtrise en histoire, Jack Theis explore son héritage anichinabé et métis en retraçant la migration et la racisation de sa famille (les Bottineau) dans un contexte de colonialisme d’occupation.

 

Enkhe-Tuyaa Montgomery : Une approche holistique pour la réduction des méfaits

Lorsque les politiciens et les législateurs disent vouloir mettre un frein à la consommation de substances dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, Enkhe-Tuyaa Montgomery secoue la tête.

« Ils ne font pas seulement la guerre aux drogues, affirme la chercheuse. Ils s’attaquent aux toxicomanes, aux pauvres. »

Enkhe-Tuyaa Montgomery

Enkhe-Tuyaa comprend les difficultés des membres de cette communauté. Dans le cadre de ses recherches sur la réduction des méfaits, l’autochtonité et l’appartenance à la communauté du Downtown Eastside, elle travaille tous les jours avec des personnes en situation d’itinérance ou de pauvreté, aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance aux substances.

« Les moyens employés pour lutter contre la consommation de substances ne répondent pas aux véritables besoins et demandes des gens, soutient-elle. On doit se pencher davantage sur les problèmes en amont, comme trouver un logement stable, obtenir un approvisionnement sûr et avoir un sentiment d’appartenance à la ville. Sans cela, les services de réduction des méfaits ne produisent pas tous les effets attendus. Je m’intéresse particulièrement aux programmes non cliniques, fondés sur la communauté, qui mettent l’accent sur l’expérience vécue plutôt que sur les interventions médicales. »

Enkhe-Tuyaa travaille avec la Coalition of Peers Dismantling the Drug War ainsi qu’avec le Eastside Illicit Drinkers Group for Education à des programmes non cliniques fondés sur le soutien des pairs et de la communauté. Des programmes gérés par la communauté, comme le Drinker’s Lounge, offrent un espace sûr où il est possible de consommer de l’alcool dans un milieu contrôlé, et renforcent le sentiment d’appartenance.

Grâce à la bourse Rathlyn, Enkhe-Tuyaa redonne à la communauté.

« La bourse me permet de payer équitablement les gens avec qui je collabore pour leur temps, leurs connaissances et leur travail. Les chercheurs ont la responsabilité de souligner et de récompenser l’apport des membres de la communauté à la recherche », explique la jeune femme d’ascendance sibérienne et bouriate.

Enkhe-Tuyaa explique qu’un autre volet de son travail consiste à combattre les idées fausses sur le quartier Downtown Eastside.

« Je suis ravie d’avoir été accueillie par la communauté et je la remercie très humblement de m’avoir permis de travailler ici. Dans ma vie, je n’ai jamais été témoin d’autant de générosité, d’amour et de bienveillance, et je n’en ai jamais reçu autant », confie-t-elle.

« Malgré les forces qui entraînent vers la mort, les gens de Downtown Eastside invoquent la vie. »

 

Jack Theis : Une démarche pour se réapproprier son histoire familiale

La rédaction d’un mémoire de maîtrise exige énormément de temps et d’énergie. Pour Jack Theis, étudiant en histoire, cet exercice est également profondément personnel.

« Je puise dans les récits qui ont bercé mon enfance afin de retracer le parcours de mes ancêtres et de comprendre comment leur conception de la communauté et de l’appartenance a changé au fil du temps, à l’époque où les compagnies se faisaient concurrence pour la traite des fourrures à la rivière Rouge, dans les années 1810-1820, et plus tard, au moment de l’expansionnisme américain et des politiques d’assimilation. Au cours de cette période, de nouvelles idées ont émergé sur ce que c’est, être autochtone, une réalité dont on ne parlait pas du temps de mes ancêtres, dans les années 1780 », explique Jack.

Jack Theis
Jack Theis

« Trop souvent, on associe mes ancêtres aux personnages du film Il danse avec les loups. Les gens de mon peuple étaient de vraies personnes, avec de vraies histoires. Ils n’ont pas vécu comme certains l’imaginent ou tentent de nous faire croire », dit-il.

Jack relate la migration de la famille Bottineau de la rivière Rouge (du Nord) jusqu’à la vallée de Chippewa. Il analyse les sources historiques afin de comprendre comment ses ancêtres ont été racisés dans le contexte du colonialisme d’occupation et quels ont été leurs liens avec les Anichinabés et les Métis.

Dès son jeune âge, Jack a appris la généalogie détaillée de sa famille, transmise de génération en génération depuis les années 1800.

Toutefois, il a grandi « assimilé et complètement déconnecté » des communautés anichinabées et métisses auxquelles il s’identifie maintenant, grâce à la tradition orale.

Un jour, il a repris contact avec les communautés de Minneapolis et de Winnipeg. Plus il se familiarisait avec la culture, les récits et la langue des Anichinabés et des Métis, plus il prenait conscience des inexactitudes dans les écrits sur ses ancêtres : des erreurs de sa parenté, d’universitaires et de généalogistes amateurs.

« En corrigeant ces erreurs, je me suis intéressé à ce que pensaient mes ancêtres de l’autochtonité et des concepts comme le degré de sang et la vision colonialiste qui font partie de la réalité autochtone, précise-t-il. Par mes recherches et mes écrits, je veux aider mon peuple à combattre le colonialisme en reprenant possession de formes ancestrales d’appartenance à la communauté. »

« J’essaie aussi de mettre en lumière les liens très étroits qui ont uni les peuples anichinabés et métis au cours de l’histoire, tant au Canada qu’aux États-Unis », explique-t-il.

Jack ajoute que renouer avec les communautés anichinabées et métisses dont sa famille est issue a eu des répercussions importantes dans sa vie.

« Le parcours a parfois été difficile, mais l’expérience que j’ai vécue et les liens que j’ai tissés m’ont beaucoup apporté. Maintenant que je fais partie de cette communauté, je ne peux plus la quitter », confie-t-il.