Drew Hayden Taylor, nouvel écrivain en résidence de l’ISCEI

Celui à qui on a dit que la littérature le mènerait « nulle part » est aujourd’hui dramaturge et auteur primé
Drew Hayden Taylor

« Je vais vous confier un secret : je déteste écrire », révèle en riant Drew Hayden Taylor, fidèle à l’humour qui caractérise la majorité de son œuvre. « Si je le pouvais, je ferais autre chose, mais je n’ai pas d’autre véritable talent. »

Ne vous laissez par berner par son sens de l’autodérision : l’écrivain en résidence 2025 de l’Initiative d’études et de dialogues autochtones de la Fondation Andrew-W.-Mellon (ISCEI) de l’Université McGill est une figure majeure de la littérature canadienne.

Anichinabé de la Première Nation de Curve Lake, en Ontario, Drew Hayden Taylor est l’un des plus grands dramaturges et humoristes du pays. Auteur primé, il a publié plus de 30 œuvres littéraires et a grandement influencé le théâtre, le cinéma et la littérature. Journaliste et chroniqueur, Drew Hayden Taylor a écrit des scénarios pour la télévision et participé à des documentaires sur l’expérience autochtone.

 

La création d’un univers

Au départ, Drew Hayden a été découragé d’écrire par sa mère et son professeur d’anglais de 11e année, tous deux soutenant que cela le mènerait « nulle part ».

Or, le futur écrivain était bien déterminé à joindre la scène artistique, même si c’était pour y jouer un rôle de second plan.

« J’ai décidé de devenir une sorte de parasite, un artiste manqué, le genre groupie. Après des études collégiales en radio et en télévision, j’ai travaillé dans l’industrie dans ma jeune vingtaine, mais pas comme artiste. »

De la technique de son à la production radio, Drew Hayden Taylor a touché à tout.

 

Les vannes de la création

Mais ce n’était pas suffisant pour canaliser l’énergie créatrice de l’auteur; impossible de ne pas céder à cette impulsion.

« Finalement, quand j’ai eu environ 25 ans, c’est un peu comme si mon art m’avait mis au pied du mur et assené une claque au visage pour me dire : “Le moment est venu pour toi d’écrire” ».

En 1988, une occasion s’est présentée, et Drew Hayden Taylor a rempli son premier contrat d’écriture : un épisode de The Beachcombers intitulé A House Divide.

Ensuite, tout a déboulé : Drew Hayden Taylor s’est plongé dans l’écriture de pièces de théâtre, de romans et de nouvelles, puis de documentaires et d’autres scénarios pour la télévision. Son travail a plu et a été couronné de prix dans différentes catégories. En 2006, sa pièce In a World Created by a Drunken God a été finaliste des Prix littéraires du Gouverneur général dans la catégorie « Théâtre » et, en 2010, son roman Motorcycles & Sweetgrass a également été finaliste dans la catégorie « Romans et nouvelles ».

« Ce qui est bien lorsqu’on est écrivain, c’est qu’on a davantage de contrôle sur l’univers qu’on crée que sur celui dans lequel on vit, explique Drew Hayden Taylor. Et il peut vous arriver de dire quelque chose d’important ou d’écrire quelque chose de profond. Dans le monde tumultueux que nous habitons, c’est souvent tout ce à quoi on peut aspirer. »

 

Le marathon du romancier

Drew Hayden Taylor confie qu’il laisse l’histoire déterminer le genre littéraire de l’œuvre.

Par exemple, si elle comporte beaucoup de dialogues, elle prendra la forme d’une pièce de théâtre, dont la rédaction prendra une dizaine de jours.

Les nouvelles sont des « tranches de vie » dont la rédaction peut s’intercaler dans la création de projets de plus longue haleine.

Les romans, quant à eux, sont des marathons dont la rédaction s’échelonne sur plusieurs mois. « Vous devez être sûr de votre choix avant de vous y mettre, parce que vous y consacrerez une partie de votre vie », prévient-il.

 

Le passage du flambeau

En jetant des ponts entre les communautés autochtones et non autochtones, en élargissant la définition de la littérature autochtone et en la rendant plus accessible, Drew Hayden Taylor aura laissé sa marque.

« Si j’écris sur le monde autochtone, c’est essentiellement parce que c’est un terreau fertile pour moi et qu’il y a énormément d’éléments que la culture dominante ignore, explique le dramaturge. J’adore creuser les sujets et les présenter sous toutes leurs facettes. »

Drew Hayden Taylor est fier de faire partie de ce qu’il appelle « la renaissance littéraire autochtone », soit la vague d’écrivains et écrivaines autochtone qui a déferlé dans les années 1970 et 1980.

« Je pense à Tomson Highway, Daniel David Moses, Lee Maracle, Maria Campbell et Jeannette Armstrong, pour ne nommer que ceux-là. Nous étions vraiment enthousiastes à l’idée de raconter nos histoires, se rappelle l’auteur. Et ça a fait boule de neige : depuis, il y a davantage de voix émergentes et on ne parle plus d’une renaissance, mais d’un mouvement bien établi. »

Drew Hayden croit que la prochaine génération continuera de faire entendre la voix des artistes littéraires qui les auront précédés.

« On me demande souvent de faire la critique de livres de nouveaux écrivains et écrivaines autochtones, et je suis toujours très impressionné. C’est merveilleux de voir cette nouvelle génération reprendre le flambeau et raconter ses histoires avec toute la passion qui l’habite. »

Le 26 février, de 16h à 18h dans Leacock 232, Taylor discutera de sa vie et de son œuvre. L’événement est gratuit et ouvert à tous. Renseignements.