
Il nous faut d’abord comprendre la façon dont une communauté crée, utilise et se réapproprie pour pouvoir ensuite comprendre les environnements bâtis. Formé à l’Université McGill, l’architecte Shane Laptiste apporte une perspective éclairée à ses collaborations avec les communautés traditionnellement marginalisées, perspective qu’il exposera lors de l’allocution qu’il prononcera à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs.
Cofondateur principal du Studio of Contemporary Architecture (SOCA), Shane Laptiste donne régulièrement des cours à l’École d’architecture de l’Université McGill et possède une profonde connaissance du rôle du design en matière d’équité, de diversité et d’inclusion.
« Les bâtiments parlent de notre histoire, et nombre d’entre eux incarnent la richesse, les privilèges et le pouvoir individuels. En outre, leur conception est imposée aux communautés – une dynamique que nous nous nous employons à renverser. »
Les bâtiments et les quartiers nous parlent
Les personnes qui auront la chance d’assister à l’allocution de l’architecte verront certains des espaces mcgillois d’un nouvel œil.
« La construction du campus a été portée par des dynamiques historiques. Le portail Roddick, les divers bâtiments légués par la famille Redpath, qui a fait fortune dans l’industrie sucrière, et l’Université même, fondée par une personne qui possédait des esclaves, sont empreints de ces dynamiques. Les espaces physiques de McGill ont été façonnés par les communautés noires – et ont, à leur tour, façonné ces communautés. »
Shane Laptiste souhaite que les gens comprennent le rôle des espaces et des bâtiments, et ce qu’ils dévoilent sur les gens et les communautés qui y vivent.

« J’ai des liens avec les quartiers qui ceinturent l’Université, que j’ai étudiés d’un point de vue architectural : ma grand-mère, domestique à Westmount, s’était établie dans la Petite-Bourgogne, près du lieu où se trouve aujourd’hui la station de métro Lucien-L’Allier; mon grand-père a ouvert une galerie d’art à proximité du Musée des beaux-arts de Montréal; et je suis né à l’Hôpital Royal Victoria. Ces espaces font partie de mon histoire, ils m’habitent et sont indissociables d’autres sites qui occupent un rôle important au sein de ma communauté. »
Enseignant en architecture, Shane Laptiste amène ses classes à réfléchir au rôle que les espaces jouent pour les communautés, par exemple le Negro Community Centre, le centre communautaire fondé par Charles H. Este dans la Petite-Bourgogne, qu’il présente dans le cadre d’un atelier.
« Un élément clé de cette réflexion est l’importance d’établir un dialogue avec les communautés dans le processus de conception. Les étudiants et étudiantes doivent comprendre le narratif des communautés ainsi que l’intersectionnalité de leur identité, en particulier chez les communautés habituellement marginalisées. »
Des graines de changement
Le Wildseed Centre for Art and Activism de Toronto est un bon exemple de la pratique architecturale de Shane Laptiste. Encore en construction, le centre hébergera l’organisme Black Lives Matter Canada. C’est dans l’œuvre d’Octavia Butler, autrice de science-fiction, qu’a été trouvé le nom du centre : Wildseed est un lieu imaginaire où les gens se réunissent et où ils délimitent, et bonifient, l’espace et le corps.
« Le bâtiment, conçu sous le signe de la sollicitude, comme les légendes dont s’inspire Octavia Butler, offre à toutes les personnes qui y entrent, y compris les personnes à mobilité réduite et les membres des communautés 2SLGBTQ+, un sentiment de sécurité qui tient compte de l’intersectionnalité. L’objectif est également d’inspirer un sentiment de paix grâce à un point d’entrée conçu pour protéger du bruit extérieur, ce qui crée un espace de rencontre enrichissant. »
Les éléments de conception, qui comprennent des créations de la communauté du centre d’art, rehaussent l’éclairage, l’acoustique et l’accessibilité du lieu. Les matériaux utilisés ont également été choisis avec soin, en tenant compte de l’histoire et des valeurs communes.
« Les matériaux ne proviennent pas de l’exploitation d’écosystèmes ni de communautés. Nous avons également respecté les droits des travailleurs et pris en compte les avantages économiques communautaires dans le processus de conception et de construction. »
Pour Shane Laptiste, certaines de ces approches contrastent avec les pratiques architecturales du passé.
« Les grandes idées architecturales du passé tendent à imposer une fonction et une émotion. Notre approche vise plutôt à réfléchir à la façon dont l’architecture peut soutenir les individus et les communautés, et être à leur service. »
Pour vous inscrire à la cérémonie d’ouverture du Mois de l’histoire des Noirs et assister au discours liminaire de Shane Laptiste, le 6 février 2025, cliquez ici.
Pour en savoir plus sur les autres activités qui se dérouleront en février, consultez l’article du Reporter sur le Mois de l’histoire des Noirs.