
Le lundi 27 janvier marquait le 80e anniversaire de la libération du camp de concentration nazi d’Auschwitz, en Pologne, où quelque 1,1 million de personnes ont péri, dont 1 million de Juifs. Proclamée Journée internationale à la mémoire des victimes de l’Holocauste, cette date rappelle la mort de six millions de Juifs sous le régime nazi et l’un des pans les plus horribles de notre histoire.
L’Université McGill a souligné cette journée par la tenue d’une conférence commémorative présentée à guichets fermés par le Département d’études juives à la salle de bal de la Maison Thomson.
« En cette sombre journée, nous réitérons notre engagement indéfectible à honorer la mémoire des victimes, pour que leur histoire – et celle de leurs alliés – soit entendue et que leur héritage se transmette », a indiqué Angela Campbell, première vice-provost par intérim aux études et à la vie étudiante.
« Cette commémoration est un rendez-vous incontournable, une occasion solennelle pour nous de réaffirmer les valeurs qui nous unissent en tant que communauté, de méditer sur l’une des pages les plus noires de l’Histoire, et d’en appeler à notre responsabilité collective, pour ne jamais oublier », a‑t‑elle ajouté.
Une histoire vraie renversante
Joanna Sliwa, Ph. D., a prononcé la conférence commémorative.
Historienne et administratrice à la Conference on Jewish Material Claims Against Germany, la professeure Sliwa a cosigné en 2024 un ouvrage intitulé The Counterfeit Countess, qui relate l’histoire de Josephine Janina Mehlberg, une Juive polonaise qui, sous l’identité d’une aristocrate chrétienne, a sauvé des milliers de ses compatriotes sous l’occupation nazie.

« À titre d’historienne spécialiste de l’Holocauste, j’ai lu des centaines de récits de survivantes et survivants », précise la professeure Sliwa. Mais le récit de Josephine Janina Mehlberg était tellement renversant « qu’il m’a amené à revoir ce que je savais de la survie et de la résistance du peuple juif durant cette période ».
Josephine Janina Mehlberg et son mari, Henry, étaient tous deux titulaires d’un doctorat, qu’ils avaient obtenu avant la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient donc très instruits, en plus de parler plusieurs langues. Lorsque la guerre a éclaté, ils sont restés en Pologne, vivant sous de fausses identités. Josephine Janina s’est jointe à la résistance et a consacré sa vie à aider les personnes détenues au camp de concentration de Majdanek, situé en périphérie de la ville de Lublin.
Elle s’est présentée devant des officiers nazis, y compris des membres des SS, pour obtenir l’autorisation de faire livrer des fournitures par camion, notamment de la nourriture, des livres, du matériel médical, des lames de rasoir et des cisailles. Un 24 décembre, elle a fait acheminer des arbres de Noël décorés et un festin des fêtes.
« Elle s’est occupée elle-même des livraisons, et a persuadé les SS de la laisser entrer, ce qui n’était permis dans aucun autre camp de concentration », a indiqué la professeure Sliwa.
« Nous nous souviendrons »
Les Mehlberg ont survécu à la guerre, ont immigré au Canada dans les années 1950, puis se sont installés aux États‑Unis.
Préoccupée par l’antisémitisme ambiant dans sa Pologne natale, Josephine Janina Mehlberg a rédigé un mémoire avant sa mort en 1969, dont s’est inspirée la professeure Sliwa pour son livre.
En préface, Henri Mehlberg a écrit que sa femme était guidée « par une simple formule mathématique, à savoir qu’une vie valait moins que plusieurs. En d’autres termes, sa vie n’avait de valeur que si elle servait à en sauver d’autres ».
« Josephine Janina Mehlberg a conclu son mémoire par ces mots : “Nous nous souviendrons”, a précisé la professeure Sliwa. En cette Journée internationale à la mémoire des victimes de l’Holocauste, faisons, nous aussi, ce serment pour que le nom et la vie de nos semblables ne sombrent pas dans l’oubli. »
Un rappel de ce dont le genre humain est capable

Elizabeth Pranov, une étudiante en sciences s’étant distinguée dans le cadre du cours sur l’Holocauste offert par l’Université McGill, a aussi pris la parole à cette occasion. Petite‑fille de deux survivants de l’Holocauste, Elizabeth a révélé que son parcours universitaire avait eu une incidence insoupçonnée chez elle.
« [Pareils cours] sont un rappel que le genre humain peut être capable de résilience, mais aussi des pires atrocités. Ils nous amènent à faire face à des vérités embarrassantes, à connaître l’histoire de ceux et celles qui ont survécu ou qui ont péri, et à rendre compte de la vie de personnes dont nous n’avions peut‑être jamais entendu parler auparavant », a-t-elle mentionné.
Ula Madej-Krupitski, professeure adjointe en histoire juive moderne au Département d’études juives et enseignante d’Elizabeth Pranov, a conclu :
« Malgré les efforts de nombreux spécialistes et l’existence de milliers de publications sur le sujet, nous sommes encore loin de tout savoir sur l’Holocauste. C’est en continuant de nous informer, de réfléchir et de témoigner de leur vécu que nous honorerons le mieux la mémoire des victimes. »