« Nous sommes une entreprise du Québec, on nourrit des Québécois, alors, à la base, c’est déjà 700 familles d’ici qui se nourrissent bien grâce à nous, soutient le diplômé mcgillois en génie agricole. Ces gens consomment des aliments bio, locaux et sains, et ce, avec leur famille, ce qui est un avantage important. »
Daniel Brisebois est l’un des cinq membres – tous des diplômés mcgillois, dont quatre ont étudié au campus Macdonald – qui, en 2004, ont fondé la Ferme coopérative Tourne-Sol. Située aux Cèdres, à l’ouest de Montréal, Tourne-Sol exploite sept hectares et s’est donné pour mission de livrer des produits agricoles biologiques sains, de qualité supérieure et novateurs, sur l’ensemble du territoire québécois. À petite échelle, bien sûr. Au cours des deux dernières décennies, l’entreprise, qui a remporté de nombreux prix et distinctions et a grandi dans un contexte parfois difficile, compte désormais onze membres et neuf employés.
Deux des fondateurs de Tourne-Sol, Daniel Brisebois et Frédéric Thériault, se sont lancés dans une deuxième carrière : l’éducation en milieu agricole.
« Au début, on se consacrait principalement à la culture maraîchère. On proposait des paniers d’aliments biologiques à notre clientèle et on vendait également nos produits au marché », explique Daniel Brisebois.
Si elle ne vend plus au marché, Tourne-Sol livre maintenant à ses abonnés plus de 500 paniers de légumes et autres produits biologiques chaque semaine, au coût d’environ 40 $ le panier.
Des semences adaptées pour une utilisation au Québec
Au fil du temps, Tourne-Sol a bâti une compagnie de semences, que la coopérative produit elle-même ou qu’elle se procure auprès d’autres producteurs, et qu’elle vend ensuite aux quatre coins du Québec.
« On vend à des agriculteurs, mais surtout à des jardinières, des pépinières et des boutiques de produits naturels », précise Daniel Brisebois.
Des sachets de semences Tourne-Sol pour la roquette, les carottes, les haricots, la laitue, les concombres, les radis, les pommes de terre, les fines herbes, les fleurs, etc., se trouvent ainsi dans à peu près 200 points de vente au Québec, pour le plus grand bonheur des jardiniers en herbe qui réclament des semences adaptées au climat d’ici.
Frédéric Thériault, l’un des fondateurs de Tourne-Sol, explique que le marché québécois exige une production de semences spécialisées.
Chez nous, l’hiver arrive tôt et dure longtemps, ce qui requiert une plantation et une récolte de grains hâtives.
Les semences de tomates, surtout, sont la plupart du temps génériques et s’adressent aux utilisateurs de nos voisins du sud, où le climat est plus clément.
La solution? Frédéric Thériault et Daniel Brisebois recommandent des semences hâtives développées par Tourne-Sol et adaptées spécialement à notre climat.
« Tout a commencé avec deux tomates hybrides, souligne Frédéric Thériault. Avec le temps, on a mis au point une semence génétiquement améliorée à l’égard de la couleur, du goût, de la forme. On a donc pu créer une variété de tomates qui résiste à certaines maladies (agricoles) d’ici. De fil en aiguille, après essais et erreurs, on a obtenu une variété unique, résistante au froid, et particulièrement bien adaptée au climat québécois. »
Avantages économiques et sociaux pour le Québec
Détenteur d’une maîtrise en sciences de l’agriculture et de l’environnement, Frédéric Thériault insiste sur les avantages qu’offre Tourne-Sol, non seulement sur le plan de l’emploi et de la santé nutritionnelle, mais également sur le plan économique, sans compter les liens que l’entreprise a permis de créer.
« On parle de retombées au niveau sociétal – une meilleure alimentation qui se traduit en économies pour notre système de santé – sans compter tous les investissements liés à l’approvisionnement auprès d’entreprises locales, ce qui génère d’autres emplois. On dépense d’ailleurs des sommes importantes dans les quincailleries, par exemple. »
Une agriculture durable, gage d’une souveraineté alimentaire
Tourne-Sol satisfait presque entièrement à l’ensemble des objectifs et critères fixés par le plan d’agriculture durable déposé par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.
Daniel Brisebois note que la pandémie, durant laquelle des frontières étaient fermées et la chaîne logistique bloquée, a démontré à quel point la souveraineté alimentaire est importante pour le Québec.
« C’est important de pouvoir se nourrir comme peuple, et les semenciers jouent un rôle primordial. »
Sans compter que, contrairement aux grands producteurs industriels, la quasi-totalité des bénéfices financiers issus de l’agriculture biologique est conservée par le producteur local : un avantage économique considérable pour les Québécois.
Des outils de planification dont profitent les agriculteurs
Au fil du temps, la mission d’éducateur a pris de l’ampleur pour les deux collègues.
Daniel Brisebois a conçu et développé des outils de planification, soit deux tableurs qui aident les agriculteurs à planifier leurs cultures et à gérer leur entreprise, et de la formation pour la production de semences : des activités qui occupent maintenant presque la moitié de son temps.
« Rares sont ceux qui choisissent l’agriculture pour leur amour de la gestion. En général, les agriculteurs veulent travailler de leurs mains, être à l’extérieur, sur leur tracteur. Mon rôle est de leur fournir des outils qui leur faciliteront la tâche », explique Daniel Brisebois.
Il propose deux logiciels : un tableur de base pour ceux qui ne veulent que les grandes lignes, et un autre très approfondi pour ceux qui souhaitent connaître tous les détails et les possibilités.
Les bienfaits du modèle coopératif
Daniel Brisebois a bon espoir de trouver un éditeur pour publier la version française de son dernier livre, The Seed Farmer: A Complete Guide to Growing, Using, and Selling Your Own Seeds.
Quant à Frédéric Thériault, outre ses responsabilités de gestionnaire chez Tourne-Sol, il rédige des outils de formation, publie une infolettre, produit des vidéos et anime des ateliers à l’intention des adultes et des enfants.
Il insiste sur les avantages d’un modèle coopératif.
« Ce sont des salaires viables, des décisions collectives, et c’est bon pour la relève. Ça assure la pérennité. Tout ça, ce sont de véritables avantages pour le Québec. »
« Et puis ça sera beaucoup plus facile de prendre ma retraite, parce que nous sommes capables de bâtir progressivement la relève de l’entreprise dans la formule coopérative, sans que nos successeurs aient besoin d’investir massivement. »