
Lorsque Sune Hamparian, étudiante en année préparatoire de Washington, a appris que la doyenne de la Faculté des arts, Lisa Shapiro, avait invité des membres de la population étudiante, du corps professoral et du personnel à participer à un groupe de lecture et de discussion mensuel, elle s’est promis de ne pas laisser passer pareille occasion : ce serait assurément très intéressant.
Or, l’étudiante ne s’attendait pas à se retrouver dans une petite salle de réunion, à échanger des idées sur les lectures sélectionnées par la doyenne… en compagnie de la doyenne.
« J’étais particulièrement enthousiaste à l’idée d’interagir avec des pairs, mais aussi avec des étudiants et étudiantes des cycles supérieurs, et avec des membres du corps professoral et de l’ensemble de la communauté universitaire au sens large. Cette occasion d’entendre des personnes ayant des points de vue complètement différents réfléchir ensemble à un texte m’est apparue comme une chance unique », souligne Sune Hamparian.
« Le campus de l’Université McGill est très grand, mais le groupe de lecture de la doyenne [offre] un moyen de se sentir plus proche de la communauté de la Faculté des arts », poursuit-elle.
Pour donner un sens à « ce monde de fous »

Depuis longtemps, l’université est un lieu de rassemblement où on échange idées et connaissances dans l’espoir de créer un monde meilleur. Aussi la doyenne a-t-elle mis sur pied ce groupe de lecture pour offrir un espace de dialogue et de réflexion sur un éventail de textes et de sujets d’actualité. Règle générale, de 15 à 20 personnes participent à cet événement en personne seulement.
« J’ai pensé que d’inviter le corps enseignant, la population étudiante et le personnel à dialoguer, notamment sur le bon et le mauvais de la langue et l’éducation, contribuerait à donner un sens à notre monde et à resserrer les liens de notre communauté, explique Lisa Shapiro. J’ai beaucoup aimé écouter les échanges entre enseignants et étudiants de différents niveaux. »
« Nous traversons une période où s’opèrent des changements rapides autour de nous, et la lecture d’un large éventail d’ouvrages m’aide à comprendre le contexte actuel et à prendre du recul, en particulier quant à l’incidence de ces changements sur le monde universitaire. »
On invite les étudiants, le personnel et les enseignants qui le peuvent à participer. Les discussions ont notamment porté sur des extraits d’un livre traitant des principes fondamentaux des universités et des écrits de George Orwell sur la relation entre langue et politique.
Réflexion sur le rapport Bouchard-Taylor
Récemment, une réunion a porté sur le Québec dans le contexte du rapport Bouchard-Taylor de 2008, fruit d’une commission coprésidée par Charles Taylor, professeur émérite de McGill, qui s’est penchée sur les « accommodements raisonnables » pour les minorités religieuses au Québec.
Comme près de 30 % des étudiantes et étudiants mcgillois sont originaires de l’extérieur du Canada, le groupe de lecture peut favoriser une meilleure compréhension du Québec et, par extension, de l’Université McGill.
« Ce qui m’a frappée, c’est la façon dont [le rapport] a mis en lumière le fossé entre le discours public et la réalité, telle que définie par les données, indique Sune Hamparian. Le rapport a révélé que de nombreux stéréotypes sur les immigrants véhiculés à l’époque, bien qu’erronés, influençaient le discours public et les débats politiques. »
« Ça m’a vraiment marquée et fait réaliser à quel point la polarisation actuelle et les politiques fondées sur la peur peuvent être remises en cause grâce à des informations accessibles et exactes », a-t-elle déclaré.
Alain Farah, professeur au Département des littératures de langue française, de traduction et de création, a aussi participé à cette séance. En plus de mener des travaux universitaires, Alain Farah est un romancier de premier plan et a reçu en 2022 le Prix du Gouverneur général dans la catégorie Romans et nouvelles de langue française.
Un exercice nécessaire et important
« Prendre le temps de s’asseoir autour d’une table, de se réunir, collègues et étudiants, pour discuter et réfléchir à notre époque, à partir de la lecture de plusieurs textes, est un exercice nécessaire et important à la santé de l’Université. C’était un souhait de longue date, et je suis heureux qu’enfin nous puissions le réaliser, s’est félicité Alain Farah.
« Ces rencontres me confirment que notre faculté peut être un lieu d’échange (…) entre nous tous qui venons d’horizons si différents. J’ai trouvé particulièrement émouvante la séance où nous avons discuté du rapport Bouchard-Taylor. Il y avait autour de la table un désir tangible de mieux comprendre le Québec », a-t-il précisé.
Stéphan Gervais, coordinateur scientifique du Centre de recherches interdisciplinaires en études montréalaises (CRIEM), était également présent.
« Les environnements de travail fonctionnent souvent en vase clos, y compris dans les universités, mais ces séances ont participé à faire tomber des barrières, et m’ont donné l’occasion de discuter avec des personnes ayant différentes opinions et de découvrir de nouvelles perspectives », a fait valoir Stéphan Gervais.
Au cours de la discussion, de nombreux participants, dont Alain Farah et Stéphan Gervais, ont discuté de leurs expériences de vie en lien avec les lectures, ce qui a permis un rapprochement intellectuel, mais aussi personnel et communautaire.
« Ces rencontres viennent confirmer que notre faculté peut être un lieu d’échange et de tissage de liens entre nous tous, qui venons d’horizons si différents », a ajouté le Pr Farah.
Lisa Shapiro s’est dite impatiente d’accueillir d’autres membres de la communauté Faculté des arts de McGill lors des prochaines séances, à la session d’automne.