
Le 23 octobre, d’éminents représentants des nations autochtones locales et des membres des communautés mcgilloise et montréalaise se sont réunis au cœur du campus du centre-ville pour souligner la réalisation de l’espace Tsi Non:we Onkwatonhnhets, « Le lieu où notre force vitale émerge de la Terre », c’est-à-dire le carrefour en Y nouvellement réaménagé. Cet événement marque une étape importante dans le cheminement de l’Université à l’égard de la réconciliation et son partenariat durable avec les communautés autochtones.
Fruit de trois années de collaboration entre artistes autochtones, Aînés, membres de la communauté et de nombreux départements de McGill, le nouvel espace est un lieu de rencontre qui met en valeur les histoires et la connaissance du territoire. Par ce réaménagement, l’Université répond directement à l’appel à l’action no 26, Autochtonie et espaces publics à McGill, soit l’un des 52 appels à l’action de l’Université visant à faire progresser la vérité et la réconciliation.
« Le carrefour en Y est plus qu’un simple élément physique, indique Celeste Pedri-Spade, vice-provost aux initiatives autochtones. C’est un lieu de convergence où les voix, les connaissances et les communautés autochtones rencontrent la responsabilité institutionnelle. Un espace où les engagements sont représentés et où la présence autochtone est non seulement reconnue, mais aussi honorée. »
Celeste Pedri-Spade souligne l’importance de repenser les espaces publics afin d’y intégrer les perspectives autochtones.
« Les membres autochtones de la population étudiante et du corps enseignant peuvent se sentir isolés sur le campus, car peu importe où leur regard se pose, rien ne reflète leur identité. Cela leur rappelle l’effacement de leurs peuples et la perte de leurs territoires, explique-t-elle. Or, cette œuvre d’art, porteuse d’enseignements et d’histoire, reflète les relations avec la terre et la communauté. Elle nous invite tous à nous arrêter et à prendre le temps de réfléchir et d’apprendre. »
L’union de l’art, de la terre et du savoir
La pièce maîtresse de l’espace est une carapace de tortue en granit arborant 13 œuvres de l’artiste oneida Alanah Astehtsi̲’ Otsistóhkwa Jewell qui illustrent le discours d’action de grâce des Haudenosaunee. La place est entourée de bancs où sont gravées des espèces indigènes de Kawennote Tiohtià:ke (Montréal) et compte quatre nouveaux mâts. Pour la cérémonie ils arboraient des drapeaux autochtones et des drapeaux de la communauté.
Pour Alanah Jewell, la participation à la création de Tsi Non:we Onkwatonhnhets revêt une dimension profondément personnelle.
« Ce que je préfère dans cette œuvre d’art, c’est le savoir ancré dans chacun de ses éléments. Ce savoir ne m’appartient pas; il nous vient des ancêtres et a traversé d’innombrables tempêtes avant de nous parvenir. Nous avons la responsabilité de le porter et de le partager à notre tour, mais aussi de porter et de partager la fierté que les ancêtres ont inculquée en nous », explique-t-elle.
Christopher Manfredi, provost et vice-recteur principal aux études, souligne la puissance symbolique du site.
« Le nouveau carrefour en Y, c’est beaucoup plus qu’un simple réaménagement, indique-t-il. C’est un véritable symbole vivant de réconciliation, de respect et de renouveau. Il incarne en outre l’engagement indéfectible de l’Université à honorer les connaissances autochtones et à créer des espaces où tous les membres de notre communauté se sentent considérés, valorisés et unis. »
Collaboration et retour à la vérité
Taiaiake Alfred, intellectuel de Kahnawà:ke et consultant principal pour les initiatives autochtones, a dirigé la conception du projet. Il évoque la transformation d’un lieu d’absence en un lieu de renaissance.
« Lorsque nous parlons de réconciliation, nous parlons en réalité de retour à la vérité, à la vérité de ces terres, et à ce que doit être la relation entre nos peuples, entre les Onkwehonwe [les peuples autochtones] et les peuples qui sont arrivés ici plus tard », explique-t-il.
« Notre peuple était ici depuis des milliers d’années, puis nous avons disparu. Mais nous sommes maintenant de retour, et c’est ce que cet espace symbolise, poursuit-il. Les paroles inspirantes des artistes et des personnes qui se sont exprimées avant moi traduisent bien l’importance de ce moment pour le peuple Onkwehonwe : voir cet espace et vous voir tous honorer la présence de notre peuple et lui redonner pleinement sa place. »
Le projet Tsi Non:we Onkwatonhnhets a été mené par la Gestion des installations et services auxiliaires de l’Université McGill en étroite collaboration avec le Bureau des initiatives autochtones et des partenaires autochtones, notamment l’artiste Philip White-Cree, auteur du concept. Ensemble, ils ont cherché à intégrer les connaissances autochtones dans le paysage du campus du centre-ville pour transformer ce qui n’était qu’un lieu de transit en un espace accueillant propice aux rassemblements, à la réflexion et au dialogue.
Un moment de reconnaissance et de respect
Pour clôturer la célébration, Mike Loft, de Kahnawà:ke, professeur retraité de l’École de travail social de McGill et défenseur de longue date de l’autochtonie à l’Université, a parlé des progrès réalisés à McGill et s’est dit ému par la « profonde transformation » du campus.
« À mes débuts ici [en 1977], la culture autochtone était à peine visible, a-t-il rappelé. Le chemin parcouru depuis est incroyable. »
Mike Loft souligne que la portée du projet va bien au-delà du réaménagement : « C’est un acte de réappropriation de l’espace. Nos symboles et trésors culturels ne sont plus exposés derrière des vitrines poussiéreuses et traités comme des reliquats d’une époque révolue. Aujourd’hui, ils se dressent fièrement aux côtés des icônes architecturales occidentales, comme les colonnes grecques du pavillon des arts, et rappellent à tous notre présence au cœur de cette université. Nous vivons un tournant important en faveur de la décolonisation, de la reconnaissance, du respect et de la volonté. Souhaitons que ce soit le point de départ d’un dialogue durable et d’une démarche de transformation permanente. »