Quatre-vingt-dix ans après sa fondation, l’emblématique Neuro demeure synonyme d’excellence en recherche et en soins

« C’est stimulant de travailler avec des gens passionnés. Ça donne lieu à un foisonnement de créativité. »

Le Dr Guy Rouleau, directeur du Neuro (Institut-Hôpital neurologique de Montréal), est assis au bureau qu’occupait jadis le Dr Wilder Penfield, pionnier de la neurochirurgie, qui a fondé l’Institut il y a précisément 90 ans.

« C’est motivant de s’asseoir à cette chaise et de contempler l’histoire du Neuro et des événements qui ont mené à sa création », dit-il.

C’est Wilder Penfield qui a convaincu la Fondation Rockefeller de financer un institut de pointe sur le flanc du mont Royal, où allaient collaborer cliniciens et scientifiques de multiples disciplines; on allait ainsi créer un rapprochement entre la recherche en laboratoire et la prestation de soins.

Au carrefour de la recherche fondamentale et des neurosciences cliniques

Une version proposée de l’Institut neurologique de Montréal esquissée par Wilder Penfield, en 1929, sur du papier à en-tête de l’hôtel Biltmore, à New YorkPenfield Archive

« Les milieux de la recherche et de la médecine sont complètement différents et, bien souvent, il y a peu d’échanges entre les deux. C’était particulièrement vrai dans les années 1930, observe le Dr Rouleau. L’idée du Dr Penfield de rapprocher les neurosciences cliniques et la recherche fondamentale était révolutionnaire. »

Une fois convaincue, la Fondation Rockefeller a versé 1,2 million de dollars – l’une des plus importantes subventions à l’époque – pour la création de l’Institut neurologique de Montréal, qui a ouvert ses portes le 27 septembre 1934.

Au cours des neuf décennies qui ont suivi, le Neuro est devenu un chef de file mondial dans le domaine de la recherche et des soins cliniques en neurologie. Ces 90 années ont été ponctuées de découvertes marquantes qui ont permis de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau et du système nerveux. On doit ces découvertes non seulement au Dr Penfield, mais également à des sommités, dont le Dr Herbert Jasper et la Pre Brenda Milner.

Une place parmi les plus grands

Le Dr Guy Rouleau, directeur du Neuro

Aujourd’hui, le Neuro est le plus important établissement clinique et de recherche spécialisé en neurosciences au Canada, et l’un des plus importants au monde : il compte 1 500 employé(e)s et stagiaires multidisciplinaires, notamment des enseignants, des cliniciennes-chercheuses, des neurochirurgiens, des neurologues, des neuropsychologues, des infirmières, des professionnels paramédicaux, des stagiaires cliniques, des étudiantes à la maîtrise et au doctorat et des boursiers postdoctoraux.

Les équipes de recherche et le personnel clinique se donnent corps et âme pour réaliser des percées dans le domaine des troubles neurologiques, dont l’épilepsie, la maladie d’Alzheimer, les tumeurs cérébrales et la sclérose en plaques, l’AVC, la maladie de Parkinson et les maladies neuromusculaires.

Le Neuro prodigue des soins exceptionnels à des milliers de patients et patientes et sert de centre spécialisé pour les personnes atteintes des pathologies neurologiques les plus complexes, ou qui n’ont pu recevoir de diagnostic formel. En 2022, au-delà de 35 000 consultations externes, plus de 25 000 scintigraphies diagnostiques et 3 729 interventions chirurgicales y ont été réalisées, et 1 900 hospitalisations y ont été effectuées.

Une formule qui a fait ses preuves

La clé d’un succès aussi durable? Suivre scrupuleusement l’approche du Dr Penfield.

« Nous maintenons cette synergie exceptionnelle depuis 90 ans », se félicite le Dr Rouleau.

L’une des plus importantes innovations du Neuro, le Centre d’imagerie cérébrale McConnell est l’un des centres de neuro-imagerie les plus reconnus au monde et un exemple de mariage réussi entre recherche et pratique clinique. Cette plateforme multimodale de services d’imagerie cérébrale, la plus grande en son genre au Canada et l’une des plus grandes au monde, contribue à faire progresser notre compréhension des fonctions et des dysfonctions du cerveau, de même que le traitement des maladies neurologiques, à l’aide de techniques d’imagerie.

Le Dr Guy Rouleau précise que le partenariat avec les patientes et les patients est au cœur des activités du Neuro. En effet, la majorité d’entre eux participent directement ou indirectement aux projets de recherche.

« Si un patient a un problème, nous allons en laboratoire pour essayer de le résoudre. Une fois que nous avons une réponse, nous retournons voir le patient, explique le Dr Rouleau. Les soins sont au centre de nos activités. »

Départ en mer

La Dre Maiya Geddes est neurologue-chercheuse au Neuro.

La Dre Maiya Geddes incarne parfaitement le profil de clinicienne-chercheuse. Elle est neurologue‑chercheuse au Neuro, boursière Killam et professeure adjointe au Département de neurologie et de neurochirurgie de l’Université McGill. Également clinicienne, elle travaille principalement auprès de patientes et de patients atteints de troubles cognitifs et comportementaux.

Lorsqu’on lui demande de décrire de quelle façon son travail de laboratoire enrichit son travail clinique, et vice versa, la Dre Geddes cite le Dr William Osler, autre illustre membre de la communauté médicale mcgilloise, qui aimait à dire : Celui qui étudie la médecine sans livres navigue sur une mer inconnue, mais celui qui étudie la médecine sans voir les patients ne va même pas en mer.

« C’est la différence entre étudier une carte et naviguer, conclut-elle. Tôt ou tard, il faut prendre la mer. »

Le Laboratoire de neuromédecine motivationnelle Geddes est un programme de recherche neuroscientifique cognitive axé sur la compréhension des mécanismes neurobiologiques qui sous-tendent la résilience motivationnelle et la vulnérabilité associées au vieillissement et à la maladie d’Alzheimer. Le laboratoire combine des techniques de neuro-imagerie comportementale et multimodale de pointe, dont des méthodes d’apprentissage automatique.

La Dre Geddes conçoit et mène des essais cliniques comportementaux novateurs en vue de favoriser l’adoption de modes de vie sains pour prévenir la démence.

Recherche translationnelle

« Des données de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement donnent à penser qu’en changeant les habitudes de vie, on pourrait prévenir ou retarder jusqu’à 50 pour cent des nouveaux cas de démence, fait remarquer Maiya Geddes. Mes travaux sont translationnels : on cherche donc des moyens de motiver les adultes d’âge mûr à adopter des comportements sains.

« Le traitement et la prévention de la maladie doivent aller de pair. En médecine, on a tendance à se concentrer sur la vulnérabilité : généralement, on voit les gens en temps de crise. Mais imaginez les énormes bienfaits pour la population si on arrivait à prévenir la démence et les troubles cognitifs pendant la vieillesse. »

C’est tout le potentiel de cette convergence clinique-laboratoire qui motive la Dre Geddes, pour qui le travail auprès des patient(e)s est une source intarissable d’idées de projets de recherche.

« On ne sait pas quels sont les questions ni les problèmes à moins d’être sur place, à la clinique, à l’urgence ou à l’hôpital, et de voir la situation de nos propres yeux. Quand je retourne en laboratoire, ma tâche est de répondre à ces questions et de résoudre ces problèmes. »

Sur la trace de pionniers

Encore en début de carrière, Maiya Geddes se dit reconnaissante à ceux et celles qui lui ont ouvert la voie.

« Quand on entre dans le Neuro et qu’on voit le hall et le premier étage, c’est magnifique, confie‑t‑elle. On sent qu’on fait partie d’une riche histoire, qui continue de s’écrire. C’est ce qui donne à cet endroit son caractère exceptionnel. »

Sans oublier les gens, bien sûr.

« Le plus bel aspect de mon travail ici est sans contredit le contact avec les gens : patients, étudiants, collaborateurs, poursuit la Dre Geddes. C’est stimulant de travailler avec des gens passionnés. Ça donne lieu à un foisonnement de créativité. »

Le Dr Guy Rouleau partage cet avis.

« Je travaille avec des scientifiques et des médecins qui comptent parmi les meilleurs au monde et qui réalisent des choses extraordinaires. Notre personnel est on ne peut plus dévoué. Nous formons une équipe diversifiée, et nous visons tous le même objectif : aider nos patients. »